L’échange est un droit naturel, et le protectionnisme sa négation. C’est le service qui fait la valeur, et non le travail.
Si vous aviez lu Frédéric Bastiat vous le sauriez.
Mais qui aujourd’hui en France lit ce grand penseur libéral du XIXe siècle, précurseur de l’école autrichienne d’économie ? Mais qui lit qui que ce soit de vraiment libéral sur le plan économique ? D’autant qu’aucun homme politique n’ose désormais se réclamer du véritable libéralisme. Je dis bien du véritable libéralisme, celui que l’on trouve chez Hayek, pas du néo-libéralisme ni de l’ordolibéralisme allemand.
Un éditeur antillais, martiniquais pour être exact, IDEM, réédite Harmonies économiques de Frédéric Bastiat pour la rentrée littéraire 2023.
C’est l’occasion de redécouvrir ce grand penseur français que désormais seuls les Américains et les Anglais connaissent. Le déclic de cet éditeur antillais fut de s’apercevoir que Bastiat qui, par ailleurs déplore la trop grande admiration des sociétés antiques grecque et romaine, était à son époque radicalement anti-esclavage et opposé au colonialisme.
Frédéric Bastiat a une grande influence sur la pensée économique, bien qu’à rebours des théories en vogue de son temps, le protectionnisme à droite et le socialisme à gauche, pour aller vite. Il se présente comme un fervent défenseur du libre-échange et un détracteur de tout système économique teinté d’interventionnisme.
Le jeune Bastiat se passionne pour la philosophie. Il lit des auteurs libéraux comme Jean-Baptiste Say, Charles Dunoyer ou Benjamin Franklin.
Il réfléchit avec eux sur la société, la liberté, la politique et le Parlement. Et puis il y a l’Angleterre – ah ! l’Angleterre, et les économistes anglais. Leur ferveur pour le libre-échange le passionne. Si ce mouvement pouvait se diffuser aussi en France ! Et ce Premier ministre du Royaume Uni, Robert Peel (1841 à 1846), certes conservateur, qui décide de pratiquer une politique unilatérale de libre-échange. Robert Peel propose de régler les tarifs anglais selon leurs intérêts, et cela permettra de mettre les produits du monde à la portée des consommateurs anglais.
Dans Harmonies économiques, Bastiat propose un examen critique de La richesse des Nations de Adam Smith puis de David Ricardo et Jean-Baptiste Say. À la différence de Say qui pense que l’utilité est le fondement de la valeur ou de Ricardo pour qui le travail dépensé pour produire les biens détermine le prix, pour Bastiat, la valeur s’exprime à travers les services rendus. Son idée, c’est que c’est le service et non le travail qui détermine la valeur.
Pour Bastiat, la valeur, c’est ce qu’il en coûte pour se procurer une richesse. Toute l’économie est fondée sur des échanges de services et non pas de produits. Dans un système où la liberté existe, il y a une équivalence entre les services rendus.
Si le maître mot de sa pensée présenté dans Harmonies économique est RESPONSABILITÉ, Bastiat exprime autre chose qui a sans doute contribué à son oubli volontaire par les socialistes et par les rad-soc francs-maçons de la Troisième République. Frédéric Bastiat est catholique.
Ainsi s’exprime-t-il dans Harmonies économiques :
« Il y a dans ce livre une pensée dominante ; elle plane sur toutes ses pages, elle vivifie toutes ses lignes. Cette pensée est celle qui ouvre le symbole chrétien : Je crois en dieu.
Oui, s’il diffère de quelques économistes, c’est que ceux-ci semblent dire : « Nous n’avons guère foi en Dieu ; car nous voyons que les lois naturelles mènent à l’abîme. — Et cependant nous disons : Laissez faire ! parce que nous avons encore moins foi en nous-mêmes, et nous comprenons que tous les efforts humains pour arrêter le progrès de ces lois ne font que hâter la catastrophe. »
S’il diffère des écrits socialistes, c’est que ceux-ci disent : « Nous feignons bien de croire en Dieu ; mais au fond nous ne croyons qu’en nous-mêmes, — puisque nous ne voulons pas laisser faire, et que nous donnons tous chacun de nos plans sociaux comme infiniment supérieur à celui de la Providence. »
Je dis : Laissez faire, en d’autres termes, respectez la liberté, l’initiative humaine… »
Bastiat, c’est avant tout une pensée philosophique, juridique et politique de la libération de l’Homme, et surtout une écriture élégante et puissante. Il y a un bonheur de lire cet auteur libéral qui n’a pas besoin de torturer la langue française pour exprimer sa pensée, mais qui au contraire la libère.
Gustave Flaubert écrivait à George Sand le 7 octobre 1871, soit plus de vingt ans après la disparition du penseur, c’était l’essor des hussards noirs de la Troisième république : « Dans trois ans tous les Français peuvent savoir lire. Croyez-vous que nous en serons plus avancés ? Imaginez au contraire que, dans chaque commune, il y ait un bourgeois, un seul, ayant lu Bastiat, et que ce bourgeois-là soit respecté, les choses changeraient ! »
Frédéric Bastiat, Harmonies Économiques, IDEM 778 p. 21€80
Réédition chez IDEM de l’ouvrage paru la première fois en 1850, addenda post morten et notes de bas de pages de l’éditeur.
Le maître mot de cette oeuvre est dans son introduction « A la jeunesse française » :
« Tous les intérêts légitimes sont harmoniques. »
http://bastiat.org/fr/harmonies.html