Loi industrie verte : quintessence macronienne

Avec la Loi industrie verte, le gouvernement veut faire de la France « la championne de l’industrie verte en Europe ». Pour Adrien Hall, le texte n’est pas à la hauteur de l’ambition.

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Loi industrie verte : quintessence macronienne

Publié le 3 août 2023
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L’industrie a le vent en poupe en Occident, et depuis Trump, les États-Unis ne cessent de vouloir retrouver une souveraineté industrielle.

En dégainant un plan de 370 milliards de dollars sur dix ans composé de subventions et de crédits d’impôts pour toute entreprise désireuse de produire sur le sol américain, l’administration Biden a voulu taper fort pour séduire les investisseurs étrangers.

Inquiet face aux risques de délocalisations massives, le gouvernement d’Elisabeth Borne a donc fait voter ce 22 juillet 2023, en première lecture devant l’Assemblée nationale, la première partie de son projet de Loi industrie verte. Présentée comme une « nouvelle étape de réindustrialisation du pays », ce texte doit permettre « de faire de la France la championne de l’industrie verte en Europe ».

Si la démarche est louable, force est de constater que l’ambition gouvernementale a pour l’instant accouché d’un texte sans souffle, ni réellement industriel, ni réellement écologique, et surtout incapable de lutter avec son concurrent américain : l’Inflation Reduction Act (IRA).

 

Un texte sans vision claire

Malgré une stratégie axée sur quatre priorités : « Faciliter, financer, favoriser et former », le texte peine à définir une politique industrielle claire et innovante pour la France.

Nulle part dans cette loi, le gouvernement n’aura réussi à définir clairement ce qu’est une industrie verte et quelles sont les conditions nécessaires pour la faire advenir. L’essentiel du texte est ainsi réduit à libérer du foncier pour un usage industriel par la réhabilitation des friches, à quelques allégements de procédures administratives, à l’introduction d’éléments environnementaux dans la commande publique, ou encore à une timide mobilisation de l’épargne privée pour financer l’industrie.

Tout n’est assurément pas à jeter.

Quelques mesures sont même les bienvenues, comme la réduction du délai d’implantation industrielle de 17 à 9 mois, ou l’extension du bénéfice de la procédure de déclaration de projet aux implantations d’industries vertes afin de rapidement mettre en compatibilité les documents de planification territoriale ou d’urbanisme avec ces projets.

Mais on ne pourra que regretter que le gouvernement n’ait pas eu les idées plus claires pour proposer une véritable stratégie industrielle autour d’axes simples tels que : comment garantir une énergie propre et bon marché aux industries ? Comment favoriser le financement de l’innovation industrielle et les industries innovantes ? Comment décarboner les industries polluantes déjà présentes ? Ou encore, comment favoriser la relocalisation d’industries parties dans des pays comme la Chine afin qu’elles produisent en France tout en étant à la fois compétitives et respectueuses de normes environnementales strictes ?

 

Un projet de loi victime d’une politique contradictoire

Pire encore, le gouvernement se restreint volontairement dans les propres axes qu’il a défini en étant prisonnier de ses propres contradictions.

En effet, si les mesures facilitant la réhabilitation des friches pour les projets industriels ou la densification des zones d’activités existantes ne sont pas dénuées d’intérêts, il n’en reste pas moins qu’elles sont d’abord la conséquence d’un objectif délirant de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols fixé par la loi Climat et Résilience de 2021.

Le Sénat a bien tenté de contourner cette contradiction en excluant l’artificialisation liée aux implantations industrielles du décompte ZAN, mais cette proposition n’a pas emporté l’adhésion du gouvernement et de sa majorité de députés.

Il y a donc fort à parier que la législation ZAN va, comme le fait remarquer très justement le rapport de la commission spéciale de l’Assemblée nationale, « indéniablement accentuer la contrainte financière et la concurrence entre les usages dépendants du foncier », rendant ainsi la France moins compétitive et moins attractive aux projets industriels, dès lors que le foncier y sera plus rare et surtout plus cher.

 

Une approche étatiste toujours trop présente

En proposant enfin de créer une « procédure exceptionnelle simplifiée pour les projets d’intérêt national majeur », le gouvernement nous rappelle à tous que le mythe de l’État stratège a encore de beaux jours devant lui. La version initiale du texte instaurait effectivement une procédure ad hoc de mise en compatibilité par l’État des documents de planification et d’urbanisme pour certains projets industriels de très grande ampleur reconnus d’intérêt national majeur, le tout sans le consentement des élus locaux.

Mesure jugée « inacceptable » par l’Association des Maires de France (AMF) au nom du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, les députés se sont finalement résolus à adopter la position des sénateurs en permettant aux élus locaux de s’opposer, dès le début, à ces projets industriels. Si cette victoire sénatoriale est à saluer, il est quand même regrettable que la démocratie locale ne tienne que par la vigilance du Sénat, et non par le souci d’un exécutif de respecter la libre administration des communes.

En définitive, ce projet de Loi industrie verte est avant tout un condensé des reproches régulièrement faits au pouvoir en place : absence de vision politique claire, contradiction dans les solutions proposées et étatisme centralisateur.

Il est donc peu probable que ce texte permette à la France de résister à l’Inflation Reduction Act.

Voir les commentaires (9)

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Créer un compte Tous les commentaires (9)
  • « Nulle part dans cette loi, le gouvernement n’aura réussi à définir clairement ce qu’est une industrie verte et quelles sont les conditions nécessaires pour la faire advenir »
    Il y a une définition qui pourra s’appliquer sans risque de se tromper: « Quand c’est vert, c’est moisi ».

  • « on ne pourra que regretter que le gouvernement n’ait pas eu les idées plus claires pour proposer une véritable stratégie industrielle autour d’axes simples »
    Euh? là faut pas rêver! Connaissant l’efficacité industrielle des politiques, et leurs incompétences multiples, il vaut mieux rester lucide et ne rien regretter! L’État stratège? quand on voit les résultats qu’il enfile comme des perles au fil des décennies,ça fait peur!

  • En France on vote des lois qui n’ont ni queue ni tête pour faire plaisir à tout le monde. Mais ça occupe des fonctionnaires et donne bonne conscience à des politiciens qui pourront dire « j’ai fait quelque chose, réélisez moi ». Et les gueux d’applaudir.

  • Comment le gouvernement pourrait-il définir ce qu’est une industrie verte alors que tout ce qui a été décidé par ce même gouvernement est démenti par la réalité.
    La mise en place des ZFE est retardée, idem pour l’interdiction des chaudières à gaz, il est plus que probable que la fin des moteurs thermiques ne soit pas pour demain…
    Cette croyance délirante dans la croissance verte est une folie, voire une maladie mentale.
    Nous sommes prêts à nous suicider pour solutionner un problème dont nous ne sommes pas pas certains qu’il en soit un.
    Le « dérèglement » climatique causé par les rejets de CO2 n’est qu’une hypothèse non démontrée scientifiquement.
    Le climat d’inquisition qui règne autour de ce sujet en dit long sur la solidité des arguments des « réchauffistes ». Quand on est sûr de ce qu’on avance, on n’a pas peur du débat.
    Aujourd’hui, je peux encore écrire cela, demain, je serai peut-être un délinquant climato-sceptique.
    Les dégâts causés par l’intolérance de nos élites sont déjà beaucoup plus visibles que les effets du réchauffement…

  • « Un texte sans vision claire »

    Au contraire c’est très clair, l’industrie « verte » c’est juste le Gosplan et la décroissance forcée.

  • ZAN… ZFE… Combats d’arrière-garde… De la même ministre.
    Désormais, on ne doit plus parler de ligne Maginot. Mais de ligne Pompili.

  • Quelle a été l’expérience au Québec?
    Le gouvernement a terminé l’an dernier (2022) l’ensemble des programmes visant à réduire la consommation d’électricité au niveau résidentiel. Résultat? Aucune réduction de la consommation, malgré les milliards mis là-dedans. Un exemple: chez les plus pauvres, on a calfeutré les fenêtres avec du silicone pelable. Cela aurait peut-être pu fonctionner, mais il aurait fallu renoncer à aérer pendant la belle saison. Or, comme les logement les plus modestes n’ont pas de climatisation… Il aurait fallu payer chaque année plusieurs centaines de dollars pour faire recalfeutrer et sauver quelques dizaines de dollars d’électricité. Depuis, son pendant pour les industries a été mis au placard. Même le parti qui ressemble chez nous le plus aux Insoumis a bien demandé et obtenu une rencontre avec le gouvernement du Québec voici plusieurs mois, mais depuis silence radio. Et pourtant, l’environnement et l’économie verte sont deux des piliers de son programme.
    Si j’étais vous, je m’assurerais de pouvoir suivre l’évolution de la consommation électrique au fil des ans, parce qu’il y a un énorme potentiel de fraude, avec des « solutions » qui n’en sont pas. Cependant, si vous désirez que certains ‘biens introduits » fassent la nouba avec vos provisions, je n’y peux rien.
    Ensuite, l’idée semble être surtout d’envoyer ailleurs les émissions pour se spécialiser dans le secteur tertiaire peu émetteur. C’est de là que provient la réduction des émissions de l’UE et de la Californie. Plusieurs sources existent pour vérifier dont les données , dont les publications sur le commerce extérieur des gouvernements. Une autre source intéressante est la Review of maritime transport de l’UNCTAD (annuelle.) En comparant les chiffres sur plusieurs années, on peut constater la forte croissance de la flotte marchande mondiale. Une fois tenu compte de l’inflation et de la croissance de la population, on peut se rendre compte que l’Occident en vient progressivement à sous-traiter les émissions. Et, cela veut aussi dire que l’essentiel -sinon la totalité- de ce que vous avez mis là-dedans a été purement et simplement gaspillé. (Pas pour tout le monde évidemment.)
    Ensuite, il faut se méfier, car la quantité d’énergie électrique disponible pour faire tout ce que l’on veut faire se raréfie, ne serait-ce que par l’électrification des transports. Chez moi, nous ne pouvons même pas songer à augmenter la production industrielle parce que nous n’avons plus de réserves. Ce serait une chose à vérifier chez vous en premier, je crois.

  • « L’industrie a le vent en poupe en Occident …  » Pas partout, pas partout. Bruxelles ne veut plus de l’industrie lourde. Celle-ci a le tort en effet de ne pas être assez « verte » aux yeux de nos eurocrates qui doivent sauver la planète : https://www.lecho.be/economie-politique/europe/economie/pierre-regibeau-le-bras-droit-belge-de-vestager-fait-ses-adieux-si-l-industrie-lourde-europeenne-disparait-qu-il-en-soit-ainsi/10484583.html

  • Lorsque E Macron a versé 1 milliard d’euros à l’Afrique du Sud pour participer à la lutte contre le réchauffement climatique y a t’il eu une loi avec tout les machins administratifs à maîtriser ou éviter ?

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