Emmanuel Macron : et un, et deux, et trois mandats ?

En se déclarant favorable à la suppression de la limite de deux mandats présidentiels consécutifs, Richard Ferrand pose une vraie question.

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Emmanuel Macron : et un, et deux, et trois mandats ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 28 juin 2023
- A +

Retiré depuis sa défaite aux législatives, il y a un an, Richard Ferrand est victime d’un procès en autocratie. Pourtant, en se déclarant favorable à la possibilité d’un troisième mandat présidentiel consécutif, l’ancien président de l’Assemblée nationale a posé une vraie question.

 

Un troisième mandat possible, mais pas tout de suite…

Le dimanche 24 avril 2022, Emmanuel Macron était réélu pour un second mandat de 5 ans. S’il le souhaitait (et si les Français lui renouvelaient leur confiance), il pourrait en effectuer un troisième, mais il lui faudrait attendre 2032, car la Constitution l’interdit.

En effet, l’article 6 de la Constitution dispose que :

« Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. Les modalités d’application du présent article sont fixées par une loi organique. »

Cette limite de nombre de mandats successifs a été introduite lors de la révision constitutionnelle de juillet 2008, sur demande de Nicolas Sarkozy. L’ancien président de la République pensait (et à l’époque, je partageais ce point de vue) que l’énergie dépensée pour durer n’est pas dépensée pour agir et souhaitait ainsi « éviter la monopolisation de la fonction politique ».

 

La situation avant la réforme constitutionnelle de 2008

Avant cette date, le président de la République française était élu pour un mandat de sept ans, réduit à cinq ans par un référendum en l’an 2000, renouvelable sans limitation du nombre de mandats. S’il venait à se représenter une nouvelle fois, ce serait du jamais vu dans l’histoire de la Cinquième République, puisqu’aucun chef d’État n’a osé franchir le pas.

Les deux seuls présidents ayant fait deux mandats consécutifs entiers sont François Mitterrand, qui ne s’est pas représenté à la suite du cancer auquel il succomba peu après la fin de sa présidence, au début de l’année 1996, et Jacques Chirac, qui avait envisagé de se représenter pour la troisième fois, mais renonça en raison de mauvais sondages, de son âge (74 ans début 2007) et de la montée de Nicolas Sarkozy.

 

Faut-il rendre possible un troisième quinquennat consécutif ?

Richard Ferrand se déclare en faveur d’une révision constitutionnelle qui, en abrogeant le deuxième alinéa de l’article 6 de la Constitution (« Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs »), rétablirait la possibilité pour une même personne d’exercer un troisième mandat présidentiel consécutif.

Mais la popularité en berne d’Emmanuel Macron, et l’absence de majorité nette à l’Assemblée nationale et au Sénat vouent à l’échec toute révision constitutionnelle.

Une telle révision de l’article 89 de la Constitution supposerait en effet d’être votée dans les mêmes termes à l’Assemblée nationale et au Sénat (avant d’être soumise au Congrès ou au référendum). Quant à l’article 11 de la Constitution, qui permet au chef de l’État de recourir au référendum sans l’aval du Parlement, il est hors de question de l’utiliser aujourd’hui pour une révision constitutionnelle.

En se livrant dans Le Figaro à un plaidoyer ciselé pour un « moment d’unité nationale », l’ancien président de l’Assemblée nationale n’avait pas imaginé déclencher la polémique en déplorant que la limitation du mandat présidentiel dans le temps et le non-cumul des mandats « corsètent notre vie publique ».

« Et pourquoi pas restaurer l’Empire avec Macron 1er ? Richard Ferrand, le visage de la dérive autocratique de la Macronie », a réagi la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot.

« Pour certains la VIeme République ressemble plutôt à la Restauration ou l’Empire », a abondé le Premier secrétaire du PS Olivier Faure.

« Modifier la Constitution pour se permettre de rester au pouvoir… les deux derniers à l’avoir fait s’appellent Xi Jinping et Vladimir Poutine… voilà donc le plan démocratique d’Emmanuel Macron ? », s’est demandé le sénateur LR Alain Houpert.

 

Face aux nombreuses réactions, l’ancien président de l’Assemblée nationale a tenu à préciser ses propos, affirmant qu’il s’agit d’une position qu’il a « toujours tenue », et non « de circonstance ».

« Mon propos ne consistait pas à dire qu’il fallait changer des règles en vue de 2027 mais que, d’une manière générale, il fallait permettre à notre démocratie, à mon avis, de respirer mieux, en laissant en toutes circonstances, le dernier mot aux électrices et aux électeurs ».

 

Pourquoi ne pas laisser les électeurs juger de l’usure du pouvoir ?

Au-delà des polémiques ou des opportunités politiques, la proposition de Richard Ferrand pose une vraie question institutionnelle.

Il est légitime de penser que tout pouvoir nécessite des bornes, mais il n’est pas illégitime d’estimer que c’est au seul électeur qu’il revient de dire stop ou encore.

Richard Ferrand n’a nullement proposé de réviser la Constitution pour permettre à Emmanuel Macron de se représenter en 2027.

Interrogé sur les regrets qu’il avait de ne pas voir Emmanuel Macron pouvoir se représenter en 2027, il a simplement répondu :

« Notre Constitution en dispose ainsi. Cependant, à titre personnel, je regrette tout ce qui bride la libre expression de la souveraineté populaire. La limitation du mandat présidentiel dans le temps, le non-cumul des mandats, etc. Tout cela corsète notre vie publique dans des règles qui limitent le libre choix des citoyens. Ça affaiblit notre vie politique en qualité et en densité, et la rend moins attractive. »

Effectivement, aussitôt réélu, « le chef n’est plus le chef » puisque opposants comme soutiens (politiques et financiers) savent que l’après-Macron se jouera sans lui ! Au-delà de la personne même du chef de l’État actuel, c’est l’ensemble de l’équilibre constitutionnel qu’il faut revoir et en premier lieu la durée du mandat présidentiel et l’inversion du calendrier électoral.

 

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  • Avatar
    The Real Franky Bee
    28 juin 2023 at 6 h 15 min

    L’article 11 permet (de manière controversée certes) de demander leur avis aux électeurs via referendum. Mais bon de quoi parle-t-on ici ? D’un président élu à deux reprises par défaut, sans majorité parlementaire, qui n’a jamais engagé la moindre réforme d’ampleur, et dont les mandats sont caractérisés par une montée extrêmement préoccupante des mécontentements et de la violence politique. Y a-t-il vraiment urgence à reconduire ce schéma pour cinq ans de plus ? Je ne dis pas qu’il y a d’alternative flamboyante en face, mais ce n’est pas Macron qui va permettre de régler la crise politique française.

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    • Donc ne pas faire la même erreur une 3e fois 😉
      C’est évidemment un voeux pieu, car personne ne souhaite utiliser le vote blanc comme moyen symbolique de pression et du coup, ces mêmes personnes sont tellement influencées par les médias qu’elles pensent que voter pour le RN nous fera replonger dans « les heures les plus sombres de notre histoire » ^^

  • Ce n’est pas fréquent mais pour une fois je suis d’accord avec Mathilde Panot.
    « Aussitôt réélu, le chef n’est plus le chef », voilà un argument qui m’en touche une sans faire bouger l’autre. Déjà que je ne veux pas de chef, ni n’en ai besoin, je pencherai même pour 5 ans, point, non rééligible par principe.

  • 5 années de plus de technocratie nuisible et coûteuse, non merci ! Ferrand rêverait d’un jeu de chaises musicales à la poutine, I’m serait président intérimaire…

  • Je ne suis pas d’accord. Dans un régime dit démocratique, il faut instituer et préserver le renouvellement des élus quel que soit leur niveau de responsabilité, et d’autant plus pour les plus hauts niveaux de responsabilité.

    Le problème français consiste d’abord dans le verrouillage complet du processus électoral, empêchant l’entrée de nouveaux venus et de nouvelles idées politiques, et annihilant de facto toute possibilité de choix pour les électeurs.

    Par ailleurs, impossible de croire en l’innocence de Ferrand quand il fait cette proposition, vu le contexte actuel posé par Macron, et vu la petite musique qu’on nous chante dans les médias à propos d’un troisième mandat.

  • Richard Ferrand n’a effet pas dit ce qui a lancé la polémique dont les fact checkers se sont donnés à coeur joie de fact checker, mais il l’a très fortement suggéré indirectement ; n’oublions pas qu’il est pour le cumul des mandats, qu’il a déjà dit clairement dans le passé qu’il préféré le septennat et/ou pourquoi pas la possibilité d’un 3e mandat.
    D’ailleurs il y a eu apparemment une jurisprudence en Nouvelle Calédonie (il me semble), sur le fait que le président puisse faire un 3e mandat, car il avait suspendu son 2e mandat en cours ; après il semble aussi que le statut de la Nouvelle Calédonie soit spécial, donc à creuser.
    Macron, avec LREM et LR oserait très bien faire ce genre de manipulation du système, en toute tranquillité…

  • En dehors de période de cohabitation, Macron a été le seul président de la 5ème à être élu deux fois [mais sans doute parce qu’il avait le « diable » face à lui].
    Tous les autres sont devenus impopulaires très vite.
    Quand on a des présidents qui ne font pas ce qu’ils ont promis et font ce qu’ils n’avaient pas annoncé, deux mandats c’est déjà trop. On devrait même pouvoir les démettre à demi-mandat.
    A minima les soumettre.
    Dans ce cadre, j’adorerais qu’on décale les législatives de 2,5 ans par rapport aux présidentielles.
    « Les hommes ont la volonté de rendre service jusqu’à ce qu’ils en aient le pouvoir » (Vauvenargues)

    • M. Macron n’a jamais eu « le diable » face à lui, c’est « le diable » qui a été dénigré comme tel par les médias et le « cordon (dit) républicain » qui n’avait de « républicain » que le nom. Pourquoi, donc, à l’occasion du vote de la loi sur les retraites, ces « républicains » se sont laissés ridiculiser et moquer par M. Macron et son gouvernement et n’ont pas voté la motion de censure qui était susceptible de les renvoyer devant leurs électorats ?

  • Poutine et Xi Jinping doivent être à leurs 3eme mandat, le président Macron rêverait il d’être l’équivalent de Poutine et Xi, qui sont de vrai dirigeant

  • Ce qu’il n’a pas réussi à faire pendant les deux premiers mandats, c’est sûr il le fera dans le troisième. Et bien sûr, si ce n’est pas fait, il y a le quatrième.

  • limiter les mandats à deux permet le renouvellement du personnel politique.
    Idem pour toutes les fonctions exécutives ou représentatives.
    En revanche, une idée est de mettre les élections présidentielles et législatives les mêmes jours…

  • Poutine a patienté 4 ans. Macron n’a qu’à faire comme lui et patienter. Il sera alors de la fête en 2032.
    Cinq ans sans sans ce personnage, quel pied 🙂

  • La France n’est pas la Russie, je serais curieux de savoir ce qu’il reste a payer aux USA pour 1914-1918, 1939-1945 et l’ Indochine

  • Ferrand est un inspiré de première. Que voilà un excellent référendum :! Vous avez connu la peste, votez pour connaître le choléra !

  • Les commentaires sont fermés.

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