Le business derrière nos données. Enjeux sur nos vies privées 1/3

À l’ère du numérique, notre vie privée est devenue un terrain de bataille où s’affrontent exploitants et défenseurs de celle-ci. Zoom sur ces acteurs, les enjeux de la protection des données et les risques de leur exploitation abusive.

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Le business derrière nos données. Enjeux sur nos vies privées 1/3

Publié le 3 juillet 2023
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Article disponible en podcast ici.

Drôle d’époque, notre vie privée attire les convoitises. Pourtant, elle est justement privée, mais depuis l’arrivée d’internet et de l’informatique, nos moindres faits et gestes peuvent être traqués dans nos vies en ligne.

Gallimard ne sait rien de nos lectures. Amazon connaît tous nos achats et nous observe lorsque nous sommes sur sa liseuse Kindle. Universal ne connaît pas nos goûts musicaux. Spotify sait chaque seconde d’écoute. Le barman n’a que faire de nos conversations entre amis. Facebook les analyse toutes.

Maintenant qu’une grande partie de notre vie est numérique, notre vie privée est devenue une bataille où s’affrontent violeurs et défenseurs de celle-ci.

Nous allons analyser les différents acteurs et le business des données sur internet. Pour ceux qui veulent protéger leur vie privée, je vous invite à regarder une de mes vidéos sur le sujet.

 

Les violeurs de vie privée

Marketing

Bien sûr, on pense à Facebbok, Google ou Microsoft. À eux trois, ils gèrent les principaux messages envoyés par internet avec Messenger, Whatsapp, Gmail et Outlook. Ils disposent de 84 % des smartphones dans le monde avec Android et 75 % des ordinateurs avec Windows et ChromeOS. Ils contrôlent les principaux réseaux sociaux avec Facebook, Instagram, YouTube et LinkedIn. Ils ont même un droit de regard sur nos documents avec Office ou GSuite.

C’est déjà énorme, et pourtant cela reste la partie émergée de l’iceberg.

Premièrement, la BigTech espionne nos mouvements en dehors de leurs sites. Google dispose de Google Analytics, un module à installer sur un site tiers pour analyser le trafic en échange de laisser Google espionner les visites sur le site web. Le gestionnaire du site peut visualiser les métriques de ses visites.

Google Analytics est installé sur 80 % des sites web, ce qui permet à Google de surveiller 80 % d’internet. Sans oublier le navigateur Google Chrome qui doit permettre de surveiller les 20 % restants.

Facebook n’est pas en reste : lui aussi propose un module à installer sur les sites, le Facebook Pixel. Ce composant se transforme en mouchard pour analyser le trafic des sites où il est présent.

Deuxièment, à côté des BigTech, il existe des milliers d’entreprises pour collecter nos données, les revendre, puis les mettre aux enchères.

Oui, vous avez bien lu, nos données finissent aux enchères, il y en a chaque fois que vous visitez un site web.

Par exemple, vous naviguez sur internet à la recherche de vos prochaines vacances. Tout votre parcours est analysé, un profil marketing circule avec vous sur internet (homme à 80 %, CSP+ à 60 %, recherche vacances à 90 %).

À chaque site visité, ce profil est mis aux enchères (Programmatic advertising), des robots vont se battre durant quelques millisecondes pour le compte d’annonceurs. Dans votre cas, une bataille entre hotels.com contre trivago.com. À la fin, le gagnant aura le droit d’afficher sa pub devant vos yeux.

Tout ce processus se rejoue sur chaque site entre le moment où celui-ci s’affiche et que la pub apparaît.

Mercenaire 2.0

On restait jusqu’ici dans la sphère du marketing. Il existe aussi des entreprises de surveillances d’internet au service des gouvernements, des mercenaires du numérique 2.0.

L’entreprise Palantir propose d’analyser les immenses données des citoyens en ligne pour les États, une sorte de NSA clé en main. Le gouvernement français l’utilise, et même le NHS britannique a utilisé ses services durant le covid.

On peut aussi citer NSO avec son logiciel Pegasus. Il sert à pirater le téléphone de n’importe qui. Son but est bien sûr de traquer les terroristes et les pédophiles. Il n’a toujours pas permis de retrouver les clients d’Epstein. Mais il a déjà été utilisé 50 000 fois au moins pour espionner des journalistes et militants des droits de l’Homme comme Ahmed Mansoor ou même des politiques. Le Maroc a utilisé ce logiciel pour espionner le téléphone de Macron.

 

Les défenseurs

Il existe de vrais acteurs qui militent pour nos vies privées, qu’il s’agisse d’associations comme EFF aux États-Unis, la Quadrature du Net et Framasoft en France ; ou des entreprises comme Proton qui propose un concurrent entièrement chiffré à Gmail et Drive.

Encore une fois, pour ceux qui veulent davantage de détails sur les applications et outils pour protéger leur vie privée, je vous renvoie vers ma vidéo à ce sujet.

Mais certaines entreprises interrogent, telle Apple. Sur le papier, Apple se veut un anti-Google. Son business model repose sur la vente de produits et services aux consommateurs et non sur la collecte de données.

D’un côté, Apple se donne les moyens : puces de sécurité T2 et capteurs biométriques sur tous les appareils pour chiffrer et mieux sécuriser ; mises à jour fréquentes et bug bunty pour éviter les failles ; implémentation du chiffrement de bout en bout dans diverses applications pour éviter la circulation en clair des données dans ses serveurs ; meilleur cadrage et limite du traçage des applications tierces sur AppStore.

De l’autre, Apple reste une entreprise fermée, ses appareils sont difficilement auditables. L’entreprise revendique la collecte de données sur l’AppStore et l’app Bourse. Dans l’affaire Snowden elle a bien travaillé avec la NSA. Le FBI lui demande de retirer le chiffrement. La Chine lui demande de retirer des apps pouvant aider les manifestants.

Est-ce qu’Apple fait tout son possible pour protéger nos vies privées ou surfe-t-elle sur un simple argument marketing ?

En tout cas, pour certaines entreprises, la question ne se pose même plus.

L’entreprise Qwant se voulait un Google français respectueux de la vie privée. Après 25 millions investis par l’UE, le produit reste bancal, trop dépendant de Bing. Alors que d’autres solutions similaires ont réussi à émerger comme DuckDuckGo ou Brave Search. Pire : le salaire élevé de ses dirigeants a été révélé alors que la boîte ne gagne toujours pas un rond. Malgré l’afflux d’argent public, sa situation est telle qu’elle a emprunté 8 millions d’euros à Huawei pour éviter la faillite.

Enfin, son fondateur vient de partir pour lancer une entreprise de cybersurveillance. La crédibilité de Qwant est vivement touchée. Cela ressemble à une entreprise ramassant les subventions pour les « nobles causes ».

 

Conclusion

Il ne sert à rien de pointer du doigt un acteur ou une plateforme, en particulier comme Tiktok. Tout internet viole votre vie privée réparti à travers des milliers d’acteurs !

Il manque d’ailleurs l’acteur le plus important. Dans un prochain article, nous verrons quels rôles ont les États dans ce business de nos vies privées.

 

Article publié initialement le 20 janvier 2023.

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  • Il est sans doute illusoire d’espérer protéger sa vie privée. En revanche, il devrait être possible de la cacher en embrouillant les inquisiteurs par des dizaines d’avatars dont ils ne pourraient identifier qu’ils représentent la même personne.

  • Les commentaires sont fermés.

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