Légalisation du port d’armes : sécurité ou danger ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser intuitivement, la corrélation entre disponibilité des armes à feu et hausse des taux d’homicides n’est pas établie…

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Légalisation du port d’armes : sécurité ou danger ?

Publié le 15 juin 2023
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Un article de l’Iref-Europe

 

En France, le port d’armes est interdit depuis 1939 et la législation est aussi restrictive que chez la plupart de nos voisins européens.

Les citoyens ordinaires se voient nier ce que d’aucuns considèrent comme un droit fondamental alors que, parallèlement, on constate une hausse des homicides par arme à feu depuis une dizaine d’années dans des villes comme Marseille, sur fond de trafic de stupéfiants.

Marseille n’est pas la seule ville concernée : fusillade le 18 mai dernier à Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis, fusillade le 13 mai à Villerupt, en Meurthe-et-Moselle, fusillade le 9 mai à Valence, dans la Drôme, fusillade le 1er mai à Cavaillon, dans le Vaucluse, etc. L’attaque du 9 juin à Annecy a également relancé le débat sur le port d’armes pour se protéger de l’insécurité et des agressions.

Quelles conclusions en tirer ?

 

Disponibilités des armes à feu et taux d’homicides : la corrélation loin d’être établie

Il est difficile d’évaluer l’impact des armes à feu : les statistiques ne distinguent pas toujours les homicides, les suicides, les accidents de chasse ou domestiques, les décès faisant suite à l’usage d’une arme à feu par les forces de l’ordre.

En France, les statistiques sur la criminalité publiées par le ministère de l’Intérieur et celles de l’INSEE ne fournissent pas de données précises. Concernant les homicides, le système de classification statistique internationale des maladies (CIM-10) inclut une catégorie dite « lésions traumatiques infligées par un tiers dans l’intention de blesser ou de tuer » (X85-Y09), mais sans distinguer le moyen employé, et il ne comporte que deux catégories relatives aux armes à feu : les agressions par fusil, carabine et arme de plus grande taille (X94) et les agressions par des armes à feu autres, sans plus de précisions (X95).

Dans la littérature scientifique, la question récurrente porte sur la relation directe entre une plus grande disponibilité des armes à feu et les taux d’homicides.

Or, là aussi, la réalité est plus complexe qu’il n’y paraît. A priori, on pourrait croire que c’est dans les pays dont la législation sur les armes à feu est la plus permissive qu’il y a le plus d’homicides.

En réalité, la corrélation est loin d’être évidente.

Aux États-Unis, où le taux de détention de ces armes pour 100 habitants est le plus élevé au monde (120,5), il y a eu 13 624 homicides par armes à feu en 2020. La situation est bien différente dans d’autres pays comme la Finlande, dans le top 10 des pays les plus armés, sans que cela ne semble avoir une incidence sur le nombre d’homicides par ce moyen (cinq en 2019).

De la même manière, les citoyens suisses sont parmi les plus armés, et on ne compte que neuf homicides par arme à feu en 2020.

Lecture : Pays avec le plus d’armes à feu pour 100 habitants
Source : Estimating global civilian held firearms numbers – Small Arms Survey (2018)

 

Les armes à feu servent surtout en cas de légitime défense, et non pour commettre des crimes

Dans les débats sur le port d’armes, on a tendance à négliger, voire ignorer, un objectif pourtant majeur : la dissuasion.

Par définition, un criminel est peu soucieux de ce qui est légal ou de ce qui ne l’est pas. S’il lui faut une arme, il trouvera toujours un moyen de se la procurer : il connaît les réseaux clandestins. Le citoyen lambda, lui, se retrouve donc très vulnérable.

Cet aspect de la question a été évalué par l’économiste américain John Lott dans un article intitulé « More Guns, Less Crime » publié en 1996. Il a collecté des données venant de plus de 3000 comtés aux États-Unis pendant une période de 15 ans, et analysé l’impact du port d’armes sur neuf types différents de crimes.

Résultats : dans les États où il était autorisé, le taux d’homicides avait baissé de 8,5 %, le taux de viols de 5 %, le taux de vols de 3 %, ces effets étant notables au bout de trois ans. Dans les États dotés d’une législation sur le port d’armes dissimulées, le taux de meurtres de masse dans les lieux publics était inférieur de 69 % à celui des autres États. Cette loi a une influence sur les États voisins qui ne l’ont pas promulguée : le taux de criminalité a tendance à augmenter. Logique : les criminels sont plus à l’aise dans les États où les citoyens n’ont pas les moyens de se défendre eux-mêmes.

L’étude de John Lott s’accorde avec des données beaucoup plus récentes.

À New York, le nombre de permis d’armes a été multiplié par 3 entre 2007 et 2016, et il s’est accompagné d’une chute du nombre de meurtres de 25 %.

Au Brésil, le nombre de citoyens armés a été multiplié par 2,3 après la libéralisation du port d’armes par l’ancien président Jair Bolsonaro. La société brésilienne est-elle devenue plus violente ? Non : le taux d’homicide a chuté, de 34 pour 100 000 habitants en 2019 à 18,5 en 2023.

Un accès bien plus facile à des armes, de surcroît moins chères, n’est certainement pas pour rien dans ces statistiques.

D’autres données vont dans le même sens : une enquête menée auprès de 54 000 résidents américains en 2021 a révélé qu’une arme à feu avait été utilisée dans environ 1,67 million de cas de légitime défense chaque année, et qu’aucun coup de feu n’avait été tiré dans 81,9 % des cas.

 

L’approche libérale : une question de principe

Comme nous venons de le voir, la question du port d’armes est trop complexe pour être cantonnée aux tragiques tueries de masse qui horrifient évidemment l’opinion, et un plus grand accès aux armes à feu n’implique pas nécessairement un plus grand nombre d’homicides.

Un autre chiffre vient appuyer une réalité peut-être contre-intuitive, mais incontestable : si l’on en croit le rapport 2018 de Small Arms Survey, fin 2017, il y avait dans le monde près de 857 millions armes à feu détenues par des civils pour, et c’est l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime qui l’énonce, quelque 238 000 homicides par arme à feu la même année : soit 27,77 homicides pour 100 000 armes à feu.

D’un point de vue libéral, le port d’armes citoyen est surtout une question de principe : le droit de résistance à l’oppression, un droit naturel consacré par la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, dépasse les batailles de chiffres sur la létalité. Bien sûr, ce droit ne signifie pas absence totale de contrôle. Dans la plupart des pays, la détention d’une arme n’est accordée que sous conditions. En Suisse, en République tchèque ou en Autriche par exemple, certaines armes peuvent être détenues après vérification des antécédents judiciaires, un examen médical, et un examen sur le maniement des armes à feu. Comme souvent, le problème n’est pas l’arme en elle-même, mais bien celui qui la porte et le droit qui encadre sa détention.

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  • Comme dans votre précédent article où vous nous expliquiez que l’industrie Russe était tellement à la ramasse côté technologie qu’elle en était réduite à acheter des Sukhoi 35 à l’Iran, et merci de la tranche de rigolade, je crains qu’ici également votre analyse soit un peu courte.
    Vous confondez au sens d’un même paragraphe « port d’armes » et « détention d’armes ». En France, si vous êtes inscrit dans un club de tir, vous avez le droit de détenir des armes, pas de les porter à votre guise (« port d’armes ») mais de les transporter. (pourvu qu’elles ne soient pas directement utilisables).
    Mais votre plus grosse omission est de ne pas prendre en compte la structure même de la société et son histoire. Vous comparez la Finlande et les USA… Les USA se sont bâtis sur la méfiance envers les excès de l’Etat (d’où le 2ème amendement) contre lesquels le citoyen a le droit de se défendre et, surtout, c’est un pays communautaire, ethniquement et culturellement, où la violence a toujours été présente. La Finlande, en tout cas jusqu’à présent, est un pays plutôt homogène et, comme tous les pays où la vie, y est extrêmement difficile à cause du climat, il était nécessaire d’avoir un sens communautaire très important. Question de survie… Donc, on ne peut pas réfléchir à la question des armes sans prendre en compte la manière dont le pays, sa société et sa culture sont structurés et organisés et en omettant son histoire propre.

    • Vos remarques pourraient faire l’objet d’un autre article. Il y a un bouton « proposer un article » en bas de la page. A vous de jouer?

    • J’ai toujours un peu de mal quand les faits contredisent vos opinions, de chercher des explications ailleurs; Oui mais cepapareil..
      Le fait; Il n’y a pas correlation entre % de détention d’armes (légale) et homicides par armes ou autres.
      La vérité; l’état ne veut pas de citoyens armés.

    • Votre plus grande omission est d’ignorer que même aux USA les armes ne servent pas, dans leur extrême majorité et pour les citoyens lambda, à tuer leur voisin bruyant ou celui qui vient de leur faire une queue de poisson, argument principal des opposants français.

    • Et sinon, concernant l’action de Bolsorano et la statistique indiquée, vous en pensez quoi ?
      Les chiffres de la réalité sont difficiles des fois ; attention à accepter les chiffres comme vous acceptez les chiffres donnés (et manipulés) par les démocrates / socialos 😉

  • Merci pour cet article qui reprend des données déjà lues ailleurs. Oui le port d’armes doit être libéralisé, il n’y a aucune raison d’interdire aux citoyens lambdas le droit de se défendre autrement qu’en se cachant sous une table.
    Il a été démontré que les tueries de masse aux USA ont lieu dans des espaces où les armes sont interdites, tiens tiens. Bien sûr, les médias se gardent bien de préciser cela, jouant sur l’horreur de la tuerie pour permettre aux Gvt de maintenir à tous, partout, tout le temps l’interdiction d’un droit de se défendre et de défendre les autres.

  • Merci pour cet article qui met les points sur les « i ».
    Il serait intéressant de voir parmi les homicides avec arme, lesquels l’ont été avec des armes « légalement » acquises. J’ai peur de la réponse, car elle détruirait le narratif des démocrates et autres socialos qui ne veulent pas de citoyens armés.

  • Tous les Etats veulent la dissuasion nucléaire.
    « L’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combat » (Sun Tzu).
    Peu veulent accorder le même droit à leurs citoyens.

  • D’une façon générale, là où il y a justice, les armes à feu ne sont pas utilisées sauf par des gangsters ou des malades mentaux.
    En France, la justice est tellement laxiste, qu’autoriser la détention ou le port d’armes au citoyen est un énorme risque pour l’État de voir les citoyens faire justice eux-mêmes. Aux USA, le justice ne fait aucun cadeau aux délinquants. Donc même armée, sa population utilise peu ses armes sauf pour se défendre.

    • @JR
      Bonsoir,
      La justice américaine est surtout locale. Si, comme dans beaucoup de villes, le District Attorney (qui est elu) est démocrate, il laissera les criminels libres sans cautions jusqu’à leur jugement si celui-ci se tient un jour. Le D.A s’en prendra ors à quiconque osera ne pas se laisser faire comme cd fut le cas pour pour la famille McCluskey, Kyle Rittenhouse et d’autres.
      Sans compter le fait que l’ATF, agence fédérale, applique des règles qu’elle a instauré comme s’il s’agissait de lois. Comme l’a dit son directeur en audition au Sénat l’agence applique les lois votées par le Congrès. Les lois concernant les lanières de pistolet (pistolet brace) ou encore le FRT (bloc de détente qui permettrait, d’après l’ATF, de convertir un fusil semi auto en automatique) ne sont que des règles de l’agence mais elle fait du porte à porte afin qui lui soient donnés lanières ou le bloc de détente.

  • « par » ; « par » encore et encore ; « homicides par arme à feu » ;  » crimes par armes à feu » mais on ne lit jamais : « défendu par une arme à feu ».
    Il faut cesser d’écrire « par », de le dire même : c’est « avec »/ »au moyen de »/à l’aide de » ou « muni de ».
    « Par » c’est le mantra répété par la gauche et les anti armes. Les armes, à feu ou non, ne commettent rien. Elles ne décident pas de braquer une épicerie, une station-service, un restaurant (même avec une réplique d’airsoft), un carjacking, de commettre un home invasion, une expropriation, un meurtre, un mass murder, une exécution…

    Si le « droit encadre sa détention » alors ce n’est pas un droit. Le droit des armes n’a qu’une seule raison/justification, légitime : la défense des Droits (donc de sa liberté et de là sa vie, sa propriété, sa sûreté.) C’est donc le Droit de Résister à toute oppression sur les Droits. Comme je l’ai lu dans des commentaires américains : « Si c’est bon pour les Marines, alors c’est bon pour nous. »
    Demander et devoir attendre la permission de l’Etat pour avoir, porter et utiliser des armes quand un delinquant ou un criminel s’en prend à nos Droits, c’est une condamnation à un séjour aux urgences (qu’il ne faut pas surcharger, je rappelle) à minima voire une condamnation à mort vu que nous devons laisser nos vies entre les mains et le bon vouloir de personnes n’ayant aucun respect pour autrui ni ses Droits.

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