Retraites : le modèle social français convulse

Le modèle social français est devenu le modèle mental dominant qui nous empêche de nous projeter dans l’avenir.

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Retraites : le modèle social français convulse

Publié le 9 mars 2023
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« On est là ! Même si Macron ne veut pas on est là ! »

L’appel des syndicats à la mobilisation contre la réforme des retraites semble avoir rassemblé au-delà des éternels professionnels du blocage. Aux cortèges de la FO et de la CGT s’agrégeaient plus ou moins discrètement des Gilets jaunes mais aussi les personnels soignants honteusement suspendus au moment de la crise covid, quelques lycéens radicalisés et plus largement tout le ban et l’arrière-ban de l’antimacronisme de gauche.

Macron rassemble parce qu’au-delà de la réforme des retraites, il incarne l’ennemi de classe par excellence, vendu aux riches et aux patrons, indifférent à la souffrance des classes populaires et soutien sans faille du grand capital. Et si c’est répété à l’envi par les centrales syndicales, les médias d’opposition et Mélenchon, c’est que ce doit être vrai. Ou pas.

 

Macron ou la social-démocratie à la française

Seulement à y regarder de plus près, le « banquier » Macron n’est pas vraiment étranger à la ménagerie social-démocrate franco-française. Pur produit de la « méritocratie républicaine », celle qui offre à l’aristocratie bureaucratique nationale le privilège de gouverner le pays, l’actuel locataire de l’Élysée n’est au fond qu’un énarque tendance deuxième gauche comme nos grandes écoles en produisent à la chaîne.

La réformette des retraites en témoigne : incapable de sortir du cadre posé depuis l’après-guerre, le gouvernement ne fait que répéter un scénario chorégraphié depuis des années par les mêmes acteurs, les mêmes personnels et avec les mêmes résultats ridicules visant à « sauver le modèle politique français ».

Des hauts fonctionnaires réforment à la marge sans toucher à l’essentiel d’un système de retraites hérité de Vichy et du CNR, bismarckien et autoritaire, sur lequel ils ont largement la main. Peu importe qu’il dégringole pour des raisons bassement démographiques, ils n’ont aucun intérêt à abdiquer un pouvoir de direction qui se partage en petit comité, comme tous les postes de pouvoir1.

 

Cage de fer collectiviste autoritaire

C’est que les manifestants et autres syndicalistes sont aveugles à la cage de fer qu’ils cherchent à préserver « quoi qu’il en coûte » : le modèle social français est un État-providence autoritaire piloté par une classe technocratique qui prétend organiser la redistribution étatique des richesses de manière scientifique, c’est-à-dire sans trop vous demander votre avis.

L’État-providence français est le produit de son époque économique, les Trente glorieuses, qui ne jure que par le planisme, les nationalisations, la concertation encadrée par l’État entre syndicats et patrons et le centralisme politique gaullien. Sur fond de croissance et d’optimisme, l’idée de confier à l’ingénieur, puis au haut fonctionnaire, la tâche de « moderniser » le pays devient l’obsession des élites2.

L’illusion politique, qui ne s’est pas totalement dissipée aujourd’hui est de croire que l’organisation scientifique de la production ne touche que superficiellement les rapports de production. Le planisme des ingénieurs puis des énarques n’empiète pas sur l’économie de marché, ne transforme pas le pays en économie de fonctionnaires, ne fait que fluidifier la concertation entre les acteurs économiques et sociaux au nom de l’intérêt général.

Cette belle mécanique repose sur une illusion. Elle présuppose l’alignement essentiel des intérêts entre technocratie et les populations qu’elle prétend piloter, à l’image d’une armée dont l’ensemble de la chaîne de commandement est orienté pour la victoire décisive. C’est cet idéal prussien qui faisait craindre à Friedrich Hayek la fameuse « route de la servitude ».

Si les deux acteurs s’entendent tacitement pour faire croître la taille de l’État au sein de l’ordre social, les uns pour consolider leur domination bureaucratique, les autres pour bénéficier des largesses de la redistribution, cela fait longtemps qu’ils n’appartiennent plus au même monde, en qu’en conséquence, sur un plan strictement économique, ils ne répondent plus aux mêmes incitations rationnelles.

Les uns réclament toujours plus de droits, de biens et de services gratuits tant ils sont maintenus dans l’ignorance des mécanismes économiques les plus élémentaires. Les autres ne peuvent se résoudre à transférer leur gouvernance, dans le domaine du social comme dans celui de l’économie en général, à la société elle-même.

Unis dans la même détestation d’un capitalisme financier perçu comme une dépossession, les uns préfèrent sacrifier la prospérité des générations futures, et les autres temporiser jusqu’à l’effondrement d’un modèle qu’on sait bancal depuis plus de 40 ans, à droite comme à gauche.

Aujourd’hui, le modèle social français est devenu le modèle mental dominant qui nous empêche de nous projeter dans l’avenir et de répondre aux impératifs de la mondialisation des échanges. Il est tant de changer de logiciel.

 

 

 

  1. Sur la rapacité de l’aristocratie bureaucratique française, on lira le très instructif essai de Vincent Jauvert, La Mafia d’État paru aux éditions du Seuil en 2021.
  2. Augustin Landier, David Thesmar, Le grand méchant marché, Flammarion, 2007.
Voir les commentaires (11)

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  • Pour que l’on voie sur la photo d’illustration un manifestant porter la pancarte « Margareth MACRON », il faut vraiment comprendre que les syndicats manipulateurs de grévistes ne reculent devant rien pour arriver à leurs fins! Diaboliser Mme TATCHER qui avait en son temps eut les C***LLES pour redresser l’économie anglaise, c’est trop facile! Mais bien pratique pour enfumer les incultes en économie français!

  • Allons, Macron « banquier » ??? plus surement au guichet accueil client…… pour la com ! modèle social ou pillage de l’économie ? et gaspillage organisé ? Que de la démagogie nous laissant croire que nous sommes « riches » et étouffant les entrepreneurs, en résumé.

  • Je pense qu une bonne partie de la technostructure a bien compris que le modele francais de retraite par repartition et plus generalement notre systeme social est condamne : trop cher et incpable d encaisser l evolution demographique
    Le probleme c est qu une remise a plat est suicidaire electoralement. En effet la seule facon de redresser le tir serait de soumettre a une diete severe les retraités actuels (eh oui, si on veut baisser les prelevements il faut forcement reduire les pensions et les soins medicaux). inutile de dire que ce type de perspective va faire un tabac dans l electorat, sachant que l electeur moyen a plus de 50 ans et que Macron a ete elu par les retraités (si seuls les actifs votaient, Le Pen aurait ete elue)

    PS: evidement on peut pas maintenir en vie un systeme condamné. il va s effondrer. Mais si vous avez aujourd hui 65 ans, ou est le problem si le systeme s effondre quand vous serez mort ?

    -2
    • La seule façon ????
      Nous avons là exactement le problème : les Français ne veulent pas imaginer qu’il puisse exister des façons s’ils ne les ont pas proposées eux-mêmes. On se retrouve avec des « La seule façon de s’en sortir serait d’imposer les riches et même de nationaliser leurs biens », répétés par certains dès qu’ils ont la parole. Que des gens sensés et respectables, cf. les livres de Jacques Garello, aient proposé une multiplicité de solutions, et même que des gens moins respectables comme moi-même en aient proposé d’autres, devient ésotérique et anecdotique devant la pensée unique/parole unique répétée à l’envi « Il n’y a qu’une façon… »

    • Tiré d’un de vos commentaires:
      « la peur de nos dirigeants d un procès (si la famille d un mort du covid vous colle un procès pour non assistance a personne en danger) »
      à mettre en perspective avec le votre ci dessus:
      « Le problème c est qu une remise a plat est suicidaire électoralement. »
      Donc vous constatez que nos dirigeants ont peur de tout et de son contraire et font n’importe quoi comme des shadoks ( il vaut mieux pomper…. etc……) la peur au ventre en espérant « que ça va bien se passer » comme dit H16! En conclusion, il est plus dangereux pour eux de perdre leur boulot que de se faire coller un procès dont ils sortiront peut-être responsables, mais jamais coupables! Vu comme ça, c’est plus clair!

    • Pourquoi ne pas diminuer les pensions actuelles et travailler sur un autre système pour la génération actuelle (voire suivante si difficile à mettre en place) ?
      Il existe en effet pleins de solution, mais la meilleure (par capitalisation) ne peut être mise en place car l’éducation économique de la populace n’est pas suffisamment élevée (la preuve est qu’ils comparent Macron à Tatcher !)

      • C’est vrai, mais il n’y a pas besoin d’éducation économique de la population, il faut juste quelques dirigeants avec l’éducation adéquate pour mettre en place les mesures initiales sans passer par le grand débat large national. Pour mettre en place la capitalisation, il faut commencer par simplifier radicalement les PEA/PER et en retirer la plupart des contraintes. Les syndicats ne descendront pas dans la rue parce que le plafond du PEA sera relevé à 500000€, les SCPI, foncières et sociétés étrangères autorisées, qu’il sera fusionné avec le PEA-PME, etc. Ensuite, il faut défiscaliser l’épargne en échange de l’obligation de la consacrer à sa retraite et du renoncement à un montant équivalent de droits à répartition. Là non plus, les syndicats ne descendront pas dans la rue pour ça. Et quand on aura vu son voisin ou son cousin s’offrir une bien meilleure retraite par le recours à une part importante de capitalisation et l’abandon d’une grande part de sa répartition, pas besoin d’éducation économique, chacun voudra en être. Il ne faut pas les prendre par l’éducation, mais par l’exemple réussi qui suscite leur envie.

        • Le relèvement du plafond PEA, ça resterait assez confidentiel, mais une défiscalisation contre un renoncement à des droits à répartition, c’est un « cadeau aux riches ».
          De plus, une défiscalisation honnête serait que ces sommes passent directement de l’employeur vers le compte de placement du salarié, sans passer par la case URSSAF. C’est un « cadeau aux patrons ».
          Ces milliards pour les riches, c’est la casse du modèle social, motif de grève. Toute réforme réelle nécessite que moins d’argent passe par l’URSSAF et l’Etat, et donc moins à redistribuer.

  • « le modèle social français est devenu le modèle mental dominant qui nous empêche de nous projeter dans l’avenir » : ce n’est pas vrai, c’est le modèle SOCIETAL français, adossé à l’état de droit UE et mondialisé, qui nous empêche de nous projeter dans l’avenir. Il faut dire aussi que l’état de déconfiture de l’économie et de l’éducation ne facilite pas cette projection. La France descend de l’échelle marche après marche, inexorablement. Et qui est responsable de cela : l’essssstrême droite incompétente !

  • Pathétique et grotesque le face à face syndicats- bureaucrates d’Etat!!!! Toujours la même farce triste et postures sans aucune idée nouvelle pour expliquer les raisons économiques et démographiques, ceteris paribus , d’une nécessaire évolution de nos régimes de retraites actuels, vraiment inégalitaires et injustes, que seuls les plus planqués de ce pays ont l’audace de vouloir prolonger à leur seul profit, en enfumant le reste du pays, bien sûr maintenu dans un état d’ignorance des réalités économiques par une presse qui se vautre dans l’image immédiate et sensationnelle …
    Je formule l’espoir que ceux qui encore envie de travailler dans ce pays l’emporteront avec bin sens face aux menaces de réalités rag’vageuses de demain.
    Dieu que nos bureaucrates d’Etat expliquent mal le contenu et les perspectives de leurs timides projets de réformes…! Se contentant d’attendre le résultat de débats parlementaires où les majorités se comptent pour espérer passer, et laissant faire des terroristes minoritaires, qu’ils soient élus ou simplement quelques centaines de milliers d’agités dans la rue au motif du droit d’expression, plutôt au motif de leur propension à se protéger de tout effort, qui dans beaucoup d’autres pays seraient déjà neutralisés et remis au boulot, en leur expliquant que ce n’est pas en diminuant les richesses qu’on aura plus à distribuer .

  • Il faut toutefois noter que les manifestants protestent plus contre macron et ses méthodes totalitaires que sur le fond de cette pseudo réforme.

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