Nous y sommes ! Après une campagne pleine de rebondissements et d’un suspense encore jamais vu sous la Cinquième République, notre cher président a – enfin ! – été réélu face à l’ignoble menace fasciste !
Si vous avez lu cette première phrase au premier degré, désolé pour vous. Il était temps que cela prenne fin. Après une campagne d’un ennui sublimé par l’insipide débat de mercredi, Emmanuel Macron a été réélu à près de 58 % des voix face à une candidate piteuse qui a encore une fois été incapable de rassurer sur sa stature présidentielle malgré un excellent slogan de premier tour. Une victoire aussi, et surtout, marquée par le second plus fort taux d’abstention pour un second tour d’élection présidentielle, dépassant celui de 2017 mais toujours en dessous des 31,3 % de 1969.
Une non-surprise qui permet enfin de s’interroger sur un fond que l’asphyxie de la respiration démocratique offerte par nos institutions a soigneusement permis d’éviter. Une asphyxie savamment contrôlée par le président réélu afin d’éviter, contrairement à chaque élection depuis l’instauration du quinquennat, de la voir se transformer en référendum contre le monarque sortant. Un modèle « Macron 2022 » qui risque d’ailleurs de faire école.
Cependant, dès vendredi, Emmanuel Macron a donné des pistes de ce que sera sa nouvelle gouvernance.
Lors de son dernier déplacement de campagne dans la cité qui vit naître Champollion, celui qui était encore président-candidat a évoqué son nouveau mantra, « libérer et planifier », 5 ans et demi après avoir démarré sa campagne par « libérer et protéger ». Le passage de la protection à la planification n’est guère pour nous rassurer, en particulier s’agissant de la place de la France dans le jeu mondial dont découle naturellement celui de notre économie et donc des salariés dans le concert international.
Réélection de Macron : vers cinq nouvelles années d’échecs diplomatiques
La France s’est démarquée durant ses 5 dernières années par une certaine impuissance sur le plan international.
Se voulant médiateur, Emmanuel Macron a connu une série d’échecs diplomatiques majeurs. Un nom les symbolise : Vladimir Poutine, que le hasard voudra voir ouvrir puis clore le premier mandat d’Emmanuel Macron sur le plan international, puisqu’il a été reçu en grande pompe à Versailles le 29 mai 2017 puis régulièrement appelé dans le cadre du conflit russo-ukrainien depuis fin février. Un conflit qu’Emmanuel Macron aura été incapable d’empêcher, cumulant ainsi, sur le mois de février, un second échec après le retrait des troupes françaises du Mali annoncé le 17.
Mais combien même leurs similitudes sont régulièrement exposées ici, le président russe n’est pas la seule illustration des échecs du macronisme diplomatique. Donald Trump, qu’Emmanuel Macron aura tenté en vain de faire revenir dans l’accord de Paris, est une autre manifestation de relations qui ne se sont guère réchauffées depuis l’élection de Joe Biden.
Ses passes d’armes avec certains dirigeants populistes ou illibéraux ne se sont généralement conclues que par quelques saillies.
Mais le principal échec d’Emmanuel Macron se situe dans sa politique européenne, pourtant fer de lance de celui qui n’a pas nommé un, mais deux membres de gouvernement chargés de la question. Il faudra en effet attendre la pandémie pour que le président français parvienne à imposer un plan de relance européen et la mutualisation des dettes.
Le premier président réélu de l’ère quinquennale compte naturellement continuer ses efforts. Dans le projet publié sur son site de campagne, qui ne comporte à aucun moment le mot « international », mais 6 fois celui de « planification », l’ambition internationale d’Emmanuel Macron repose sur deux piliers : l’autonomie européenne et la planification écologique. Deux éléments qui se décomposent évidemment sur le plan commercial.
Un libre échange cadenassé
S’il est difficile de parler réellement de libre-échange dans un monde aussi protectionniste que le nôtre, la question du commerce international est naturellement impactée par cette vision faisant de l’Europe un acteur international bien davantage que ne l’est, aux yeux du chef de l’État, la France. Un acteur imposant de plus en plus de normes à ses partenaires, qu’il s’agisse des questions sociales, environnementales ou des secteurs dits stratégiques, allant jusqu’à la création d’un procureur commercial européen chargé d’assurer le respect de ces normes.
Sur le plan commercial, le second quinquennat macronien devrait en toute logique s’axer davantage sur la question écologique. Son projet en matière de commerce européen prévoit en effet la négociation d’objectifs climatiques dans les accords commerciaux intraeuropéens et introduire des clauses-miroirs imposant des normes environnementales équivalentes avec l’UE dans les accords avec les pays tiers.
Comme souvent en matière internationale, ces belles paroles supposent l’accord de nos partenaires, ce que la réalité du jeu géopolitique rend plus qu’incertain, y compris en Europe où les bras de fer restent nombreux avec les pays d’Europe orientale.
Davantage de centralisation sociale européenne avec la réélection de Macron
De tels bras de fer sont notamment communs s’agissant de la circulation des travailleurs et en particulier des travailleurs détachés qui ont été au cœur d’une bataille de chiffres lors du débat de mercredi. Un sujet sur lequel le président français s’est voulu en pointe dès sa première année de présidence, consolidant ainsi la directive de 1996 en harmonisant et en renforçant les sanctions contre le dumping et les fraudes dans l’ensemble de l’Europe. Cette victoire confirme une nouvelle fois l’ambition jacobine du président français sur la scène européenne, rejetant toute concurrence juridique entre les États européens.
Pour rappel, la France est actuellement le deuxième pays d’accueil de travailleurs détachés derrière l’Allemagne pour un marché essentiellement occupé par le BTP.
Emmanuel Macron devrait naturellement poursuivre dans cette voie avec la proposition d’un SMIC européen assez chimérique lorsqu’on se souvient que, selon l’INSEE, les niveaux de vie à l’intérieur même de l’UE varieraient de 1 à 4.
La promesse d’une déconcentration des pouvoirs
Entre déconvenues diplomatiques, planification et centralisme européen, le projet international d’Emmanuel Macron n’appelle à aucun optimisme. Une situation à rapprocher du rapport entretenu par l’exécutif avec les libertés publiques durant les 5 dernières années. Un rapport qui n’a d’égal que celui entre Emmanuel Macron et la concentration des pouvoirs.
Alors que deux tiers des Français estiment souhaitable une cohabitation, le parlementarisme semble avoir la cote. Outre l’appel de Jean-Luc Mélenchon a « [l’]élire Premier ministre », Emmanuel Macron a proposé le retour de la proportionnelle aux élections législatives, déjà formulé il y a 5 ans et surtout celui du septennat, singeant, comme à son habitude, les propositions de ses concurrents et ici en particulier de madame Le Pen.
Si nos candidats semblent d’être soudainement convertis au parlementarisme, n’oublions pas l’avertissement chiraquien :
Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent.
Compte tenu de ce qu’a été le premier mandat d’Emmanuel Macron sur le plan des libertés publiques et de la concentration des pouvoirs, ce sujet sera un des principaux points d’attention de tout observateur pour les 5 années à venir.
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