La fable du roi et des retraites

Il était une fois une petite île où vivaient cent adultes qui mettaient facilement de l’argent de côté car ils n’avaient pas d’enfants.

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La fable du roi et des retraites

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 10 février 2023
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Plutôt qu’un texte technique de plus, voici une petite fable. Car socialement et financièrement, tout a été dit, notamment sur le ratio cotisants-retraités, ce qui est un grand progrès par rapport aux considérations idéologiques qui subsistent encore. L’iFRAP a réalisé d’excellentes études. Mais le fond du problème n’est pas l’argent. Lisez !

Il était une fois une petite île, où vivaient cent adultes qui mettaient facilement de l’argent de côté car ils n’avaient pas d’enfants. Quand leurs vieux jours arrivèrent, leur compte en banque était bien gras, mais il n’y avait plus rien au marché car plus personne ne labourait les champs. Ils moururent tous de faim sur leur tas d’écus.

Mais, me direz-vous, chez nous, c’est différent : les gens ont des enfants !

Dans l’île voisine vivaient aussi cent adultes dont 50 travaillaient. Leur roi leur conseilla d’avoir des enfants. Ces cent adultes, soit cinquante couples, firent donc un enfant. Quand la retraite vint, il y avait donc cent vieux, cinquante jeunes en âge de travailler et leurs enfants. Donc, mettons deux cents personnes à nourrir au lieu de cent pour le même nombre d’actifs. Famine, faute de gens dans les champs. Mais les fonctionnaires exigèrent de rester nombreux et de conserver leur part de nourriture. Et les vieux moururent de faim sur leurs tas d’écus.

Dans l’île voisine, le roi conseilla d’avoir plusieurs enfants. La moitié en eut quatre, l’autre moitié aucun, préférant mener la belle vie et entasser les écus. À la retraite, il y eut donc cent vieux et cent jeunes. Il y avait assez de nourriture pour tout le monde, mais tout juste. Les vieux riches qui n’avaient pas eu d’enfants pensèrent bien manger. Mais les jeunes et leurs parents se servirent en premier et n’apportèrent que peu au marché. Les riches dépérirent sur leurs tas d’écus. Puis la médecine progressa et il y eut bientôt cent cinquante vieux. Ou plutôt il y en aurait eu cent cinquante si les plus fragiles n’étaient pas morts de faim.

Mais, me direz-vous, chez nous, c’est différent, les systèmes de retraite nous donnent « des droits » !

Sur une île voisine, on portait ses écus à une organisation qui vous donnait en échange un papier où étaient inscrits vos « droits ». Les écus allaient aux retraites des vieux de la génération précédente. Le jour de leur retraite, ceux qui avaient beaucoup de « droits », car ils avaient beaucoup cotisé n’ayant pas d’enfants, se présentèrent pour toucher leur grosse retraite. Mais les caisses étaient vides car leurs cotisations avaient été versées à la génération précédente ou à des entreprises qui n’avaient plus assez d’employés et de clients. Les vieux manifestèrent pour réclamer « leurs droits ». Pour respecter les engagements de l’État, le roi taxa donc les jeunes. Ce fut une révolte générale. Les vieux ne touchaient que la moitié du revenu des jeunes et les jeunes étaient furieux de se voir retirer cette moitié. Ils finirent par émigrer, laissant les vieux sans enfants mourir de faim avec leurs mirifiques contrats.

Les vieux qui étaient encore valides travaillèrent. Dans l’île où il n’y avait pas d’enfants, cela ne fit que retarder l’échéance et ils moururent tous de faim. Dans les autres îles, on prit l’habitude de travailler après 60 ans, et avec ce renfort du troisième âge, les jeunes purent nourrir le quatrième âge.

Dans une autre île, le roi envisagea d’attirer des jeunes. Mais nous avons vu que les îles voisines, de même race et de même religion, manquaient également d’enfants. Arriva alors un bateau de réfugiés à la peau sombre fuyant un mauvais gouvernement. « Voici des jeunes », dit le roi. « Quoi !? rétorquèrent les habitants. Ils n’ont pas nos habitudes ni notre religion. Et peut-être, quand nous serons âgés et faibles, nous jetteront-ils à la mer ! » ; « C’est bien possible, dit le roi, mais c’est cela ou travailler jusqu’à 80 ans car nos propres jeunes vont partir si tout doit reposer sur eux ! »
Je passe sur les problèmes qui suivirent.

Cette petite fable montre à quel point sont liées les retraites, la natalité et l’immigration. Le lien, c’est la production. Celle des biens et services à produire de manière suffisante pour tous. Et qui dit production dit travail. Et qui dit travail ne dit pas retraite.

On meurt de faim même avec de l’argent si la production ne suit pas parce que trop d’actifs prennent leur retraite. Les économies, les retraites, les promesses des politiques, les pensions du gouvernement, les assurances privées ou publiques, les retraites versées par les organisations de gauche ou les fonds de pension de droite ne servent à rien, comme les tas d’écus de notre fable.

Car il n’y aura rien à acheter. Il n’y aura pas de pain dans les boulangeries, pas d’infirmières pour vous soigner. Et ne me dites pas : « il faut prendre l’argent là où il est », en pensant aux multinationales ou aux riches héritiers. Même si vous leur arrachez leur argent par l’impôt ou par la force, il n’y aura toujours pas de pain à acheter. Ou assez d’infirmières pour vous soigner.

Mais, allez-vous dire, moi Européen, j’ai sur mon compte les euros de ma retraite… Je vais acheter de la nourriture aux Chinois !

La réponse est simple : pourquoi les Chinois voudraient-ils de vos euros ? Ils ne valent plus rien, puisqu’il n’y a rien à acheter en Europe… depuis qu’elle croule sous les retraités. Et d’ailleurs, les Chinois n’ont pas plus d’enfants que les Européens et mourront de faim avec eux.

 

Quelques remarques :

Ce texte est valable en capitalisation comme en répartition.

En France, nous serions à l’abri grâce à nos deux enfants par femme. D’abord, ce n’est vrai que depuis l’an 2000, donc ce sont pour l’instant des bouches à nourrir. Il faudrait aussi que nos jeunes n’émigrent pas et que ceux qui restent, « de souche » ou pas, soit bien formés.

L’Allemagne a peu d’enfants mais attire les jeunes Européens (Italiens, Espagnols, etc.), la catastrophe y sera donc peut-être moins forte que prévu. Par contre, elle sera pire dans les pays ainsi déshabillés.

Belles discussions en perspective sur « la solidarité européenne »…

 

Article publié dans Le Cercle Les Échos, le 21 août 2013

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  • Il était une fois un mec qui en avait marre de ne voir le monde que depuis son île et qui attacha ensemble quelques bouts de bois pour en faire un navire. De ce jour, les habitants des îles échangèrent leurs savoirs et leurs produits, purent plus facilement trouver avec qui s’unir suivant leur goût, et en quelques générations plus personne ne fit la moindre attention à quelle île avait été le berceau d’untel ou unetelle. Les jeunes continuèrent toutefois, à la chinoise, à respecter la sagesse des anciens qui avaient apporté la prospérité au monde, et à les associer à leurs entreprises, tant en argent qu’en idées, car ils en avaient compris l’intérêt.

    • Vous avez raison, mais ça ne change rien au problème. Pour revenir dans la technique, les prévisions du COR intègrent les progrès de la productivité

      • Quand je vois des trucs comme « les projections du système de retraite seront déclinées selon quatre nouvelles cibles de productivité (0,7 %, 1,0 %, 1,3 % et 1,6 %), avec un taux de chômage à long terme de 7 % », d’abord j’en conclus le célèbre « ces choses nous dépassent, faisons semblant d’en être les organisateurs ». Mais surtout, le COR me fait furieusement penser au Commissariat au Plan, aux planificateurs maoïstes et aux planificateurs soviétiques. Peut-être « tour d’ivoire » serait-il mieux adapté qu’île isolée pour décrire ça…
        Que ce soit pour avoir des enfants ou pour s’en sortir sur ses vieux jours, il y a un principe auquel je me refuse à déroger : c’est à chacun de décider en ce qui le concerne, nul n’est en droit de lui imposer sa solution. Tous les calculs que j’ai pu faire montrent que la capitalisation est sans comparaison avec la répartition. Les rendements y sont de l’ordre de 6% nets d’inflation avant que l’Etat ne vienne les détruire à coups d’impôts. Le monde est suffisamment vaste pour s’affranchir d’une prétendue pénurie de placements faute de jeunes entreprises et de jeunes entrepreneurs.
        Mais je reconnais que j’ai eu tort de penser que le constructeur de navire voulait juste voir du pays : il voulait échapper aux maîtres qui lui dictaient de faire des enfants pour se conformer au Plan.

  • Les robinsonnades est un genre littéraire qui se veut édifiant, mais qui sont en général à coté de la plaque, chacun y mettant ses lubies.
    L’auteur est un nataliste compulsif, la solution magique, les enfants.

    • @gillib. Vous avez entièrement raison, avec une nuance, l’auteur a quand même mentionné la nécessité de bien former les jeunes, et c’est une des clés. Tous ces débats actuels, inspiré par des considérations démographiques et financières purement comptables, sont stériles et ne règlent rien. Au collège déjà je me suis aperçu que les démographes confondaient presque tous quantité et qualité. Ce qui compte c’est d’avoir des jeunes formés et motivés, et des vieux en bonne santé et actifs le plus longtemps possible (modèle Japonais?). On en est très loin. Une des raisons de tout cela est que le « management » au sens large, que ce soit dans les entreprises (surtout les grandes), l’Etat ou la politique, est tragiquement défaillant. L’autre est l’explosion de la famille et de l’éducation.

    • il n’est de richesse que d’hommes…

    • Alors, quelle est votre solution ?

      • La solution, c’est le libéralisme. Et seul la retraite par capitalisation est libéral, la retraite par répartition est forcement étatique et contrainte.
        Le libéralisme ne propose pas de solution miracle, le deus ex machina (l’état) qui sauve la population. Si le nombre d’enfants baissent, la valeur des retraite baissera en proportion mécaniquement, l’état n’y pourra rien, ni les syndicats.
        En un mot, la vérité des prix, et non un état qui promet des choses intenables, à moins de vivre à crédit.
        C’est un choix de vie, faire des enfants pour l’avenir ou vivre au jour le jour. Et les gens assume les conséquences.

        • Le problème est que ceux qui capitalisent le plus sont ceux qui ont le moins d’enfants, et qui donc ont une meilleure retraite payée par les enfants de ceux qui n’ont qu’une faible retraite, (ces enfants qui font par leur travail font fructifier les capitaux épargnés) car ils n’ont pas pu capitaliser autant, ayant eu des enfants.
          La retraite par capitalisation encourage la dénatalité, laquelle produit inévitablement une diminution de la production donc des retraites.

  • Autre proposition : plutôt que de faire venir des jeunes d’une culture différente, dominante et agressive (car le problème n’est pas la couleur de peau, mais bien la délinquance décomplexée et la multiplication des agressions sexuelles), installons sur leur île, à nos frais, les moyens de production et qu’ils travaillent là-bas. Nous vivrons des dividendes… De toutes façons, pourquoi viennent-ils sur une île où il n’y a rien à produire ? Surtout, est-il sain de les déraciner pour pourvoir à nos besoins ?

  • Les fables d’Yves Montenay : « Et avec cinq millions d’immigrés du Mali en plus, la France est devenue la première puissance scientifique mondiale et est parvenue à construire un ascenseur spatial. Vive la FWANCOPHONIE ! »

  • Comme dit la gauche, l’immigration est notre richesse. En suivant cette vérité absolue, il y a 2 solutions proposées par cette dernière :
    1) empêchons tout immigré de venir en France car les riches (surtout s’ils deviennent milliardaires), ça ne sert à rien.
    2) faisons venir 1 milliards de crèves la fin de toute la planète et nous serons tous encore plus riches.
    Je laisse à tout un chacun le loisir de méditer sur cette vérité gauchiste.

  • Le migrant qui vient bosser en france et cotise pour les vieux du pays..et non les vieux de « son pays »;. et ça devient comique quand on pille un pays des ses forces vives..pour sauver le système de retraite d’un autre..

    l’idée révoltante profondément révoltante est de considerer que le fait d’avoir des enfants doit être encouragé, et donc aussi éventuelle découragé;.

    qu’on paye pour les enfants des autres..ou qu’on fasse payer…

    ce sont des fables collectivistes reposant sur la macroéconomie.. mais aussi un gros soupçon de la richesse produite dans le pays appartient un peu beaucoup à ses habitants.

    si vous acceptez l’agurment collectiviste vous tombez dans le piège pensée collectiviste et ce qui va avec..

    le mode de pensée libérale est liberté de choix..
    et les « solutions libérales aux problème de comment vivre pour ses vieux jours passe par l’idée de l’effet de l’exemple et la responsabilisation..

    et en effet ceux qui font des mauvais choix payent très cher!!!

    d’abord qu’on sorte des politiques natalistes ou dé natalistes..

    à savoir que les gens qui font des gosses en assument les couts!!!
    car ce n’est pas un devoir mais une pulsion humaine fondamentale ..
    avoir des enfants est un accomplissement conc les gens le recherchent spontanément.. mais aussi c’ est la raison pour des mecs de gagner leur vie et plus;..

    nous avons construit une société où avoir des enfants est une question que DOIVENT se poser de sens en age de le faire avec un rationnel délirant.. combien l’etat va me donner.. sans d’ailleurs pouvoir le savoir au juste;.

    mais bordel arrêtez de déconner..et demettre les chose à l’envers laissez les gens vivre!!!

    la solidarité intergénérationnelle revient à la famille pas à l’état..donc foutez en l’air toute la fiscalité nataliste ou enfaveur des vieux travailleurs ou des femmes seulés avec enfant..
    parce qu’alors c’est le système de retraite qui CAUSE la destruction de la famille;.

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