Pourquoi l’absolutisme est absolument illégitime

Les arguments de Locke contre l’absolutisme ont littéralement révolutionné le monde. Voici un résumé de cet argumentaire, tel qu’il l’a exprimé dans ses Deux traités de gouvernement.

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Portrait of John Locke, by Sir Godfrey Kneller.

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Pourquoi l’absolutisme est absolument illégitime

Publié le 5 décembre 2022
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Par Dan Sanchez.

Pour les monarques absolus, John Locke était « l’homme le plus dangereux du monde », comme je l’ai expliqué dans un article récent. Les arguments de Locke contre l’absolutisme ont littéralement révolutionné le monde.

Voici un résumé de cet argumentaire, tel qu’il l’a exprimé dans ses Deux traités de gouvernement.

 

L’état de nature

John Locke a soutenu que chacun dispose de droits individuels et à la propriété ainsi que le droit de les défendre. Selon Locke, les individus ont ces droits en raison de leur nature humaine et non en raison d’un gouvernement ou d’un arrangement social préalable.

Lorsqu’un individu fait valoir ses droits contre toute violation par d’autres individus, il se trouve dans ce que Locke nomme un état de nature par rapport à ces individus. Cela signifie qu’il se réserve le droit de juger tout différend relatif entre lui et eux et de faire appliquer son jugement. Cela inclut les litiges relatifs à la propriété, l’identification des transgressions de droits et la détermination des réparations.

Selon Locke l’état de nature présente de graves « inconvénients ».

Lorsque les individus sont « juges de leurs propres affaires […] l’amour-propre les rendra partiaux envers eux-mêmes et leurs amis ; et d’autre part, cette mauvaise nature, la passion et la vengeance les pousseront trop loin dans la punition des autres ; et de là, il ne s’ensuivra que confusion et désordre… »

Locke souligne en outre que « celui qui a été assez injuste pour faire du tort à son frère ne sera guère assez juste pour se condamner lui-même pour ce tort… »

Ainsi, selon Locke, bien que les gens aient des droits, ceux-ci auront tendance à être violés de façon endémique.

 

Gouvernement

Pour mieux garantir leurs droits, les individus peuvent provisoirement renoncer à celui de les faire valoir au profit d’une communauté. Les membres de ce commonwealth se soumettent volontairement à lui en tant qu’appel et autorité commune et ne sont donc plus dans un état de nature les uns envers les autres, mais plutôt dans un état de société politique ou civile.

Les membres du commonwealth peuvent créer un « gouvernement civil » en nommant certains d’entre eux à des postes pour la création de lois, les jugements des litiges et l’exécution de ces jugements. Le seul objectif de ces gouvernements et de ces lois est le but pour lequel les individus ont rejoint le commonwealth en premier lieu, à savoir garantir leurs droits.

 

Absolutisme

Locke affirme qu’il est donc évident « que la monarchie absolue, qui est considérée par certains comme le seul gouvernement au monde, est en effet incompatible avec la société civile et ne peut donc être aucune forme de gouvernement civil… »

À l’appui de cette affirmation, Locke a fait valoir qu’un monarque absolu « est autant dans l’état de nature avec tous ceux qui sont sous sa domination qu’il l’est avec le reste de l’humanité : en effet, où que se trouvent deux hommes, sans règle permanente ni juge commun auquel faire appel pour trancher leurs litiges de droit, ils sont encore dans l’état de nature et en subissent tous les inconvénients ».

Comme Locke l’a rappelé aux champions de l’absolutisme, « les monarques absolus ne sont que des hommes » et sont donc incités à défendre leur intérêt personnel comme tout le monde. Ainsi, lorsqu’ils sont « juges dans leurs propres affaires », ils auront eux aussi tendance à être « partiaux envers eux-mêmes et leurs amis » lorsqu’ils jugeront des litiges et seront sujets à « la passion et la vengeance » lorsqu’ils attribueront des sanctions.

Pour ceux qui pensent autrement, Locke a anticipé la formule selon laquelle « le pouvoir absolu corrompt absolument » :

Car celui qui pense que le pouvoir absolu purifie le sang des hommes et corrige la bassesse de la nature humaine, n’a qu’à lire l’histoire de cette époque ou de toute autre pour être convaincu du contraire.

Un monarque absolu dispose de toute la latitude de l’état de nature (et des tentations qui l’accompagnent). De plus, cette latitude est « augmentée par le pouvoir et rendue licencieuse par l’impunité ».

Un tel monarque sera probablement, non pas un protecteur, mais une menace pour les droits de ses sujets. Ce résultat est contraire à l’objectif premier de la formation d’une société politique et de la création d’un gouvernement civil, qui était de garantir les droits du peuple mieux qu’ils ne pouvaient l’être dans l’état de nature.

Sous l’absolutisme, les droits d’une personne sont en fait moins protégés que dans un état de nature général. Dans l’état de nature, l’Homme n’a aucun recours mais il a au moins la liberté de se débrouiller seul. Un sujet soumis à l’absolutisme n’a ni l’un ni l’autre. Comme le dit Locke :

« … alors que dans l’état ordinaire de la nature il a la liberté de juger de son droit et de le maintenir du mieux qu’il peut ; maintenant, quand sa propriété est envahie par la volonté et l’ordre de son monarque, non seulement il n’a aucun recours, comme ceux de la société devraient en avoir, mais comme s’il était dégradé de l’état commun des créatures rationnelles, il se voit refuser la liberté de juger de son droit, ou de le défendre ; et il est ainsi exposé à toutes les misères et à tous les inconvénients qu’un homme peut craindre de la part de quelqu’un qui, étant dans l’état de nature sans entraves, est cependant corrompu par la flatterie et armé par le pouvoir. »

Locke conclut :

«… il vaut beaucoup mieux être dans l’état de nature, où les hommes ne sont pas obligés de se soumettre à la volonté injuste d’un autre : et si celui qui juge,  juge mal dans son propre cas, ou dans tout autre cas, il en est responsable devant le reste de l’humanité ».

Si, selon Locke, un souverain insiste pour rester dans un état de nature vis-à-vis de ses sujets, ces derniers, plutôt que de se soumettre à sa merci, feraient mieux de lui rendre la pareille : c’est-à-dire d’entrer dans un état de nature vis-à-vis de lui.

Il en va toujours ainsi des absolutistes.

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