Espagne : l’assaut de Pedro Sanchez contre la Constitution

Pedro Sanchez a négocié avec les indépendantistes catalans la suppression du délit de sédition pour lequel ils avaient été condamnés en 2019.

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Pedro Sánchez viaja a Estados Unidos BY La Moncloa(CC BY-NC-ND 2.0)

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Espagne : l’assaut de Pedro Sanchez contre la Constitution

Publié le 16 novembre 2022
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Pour garantir sa continuité au pouvoir, Pedro Sanchez a négocié avec les indépendantistes catalans la suppression du délit de sédition pour lequel ils avaient été condamnés en 2019. Cette énième atteinte à l’État de droit sort définitivement le PSOE de la catégorie de parti constitutionnaliste.

 

CGPJ : le double jeu de Sanchez 

Dans un précédent article, j’avais eu l’occasion d’expliquer de façon détaillée le fonctionnement du Conseil général du pouvoir judiciaire (CGPJ), équivalent espagnol du Conseil de la magistrature, ainsi que sa perte d’indépendance progressive au profit des pouvoirs exécutif et législatif.

Alors que le mandat des membres du CGPJ a expiré depuis quatre ans, la crise du bipartisme et la polarisation politique rendent impossible un consensus entre les formations politiques pour son renouvellement, ce qui provoque une crise sans précédent du système judiciaire espagnol.

Le 10 octobre, le président du CGPJ a démissionné afin de protester contre l’absence de renouvellement avec l’intention de créer un choc dans l’opinion publique. Contraint de relancer la négociation mais peu habitué au dialogue avec Pedro Sanchez, l’ancien président galicien et nouveau dirigeant du Parti Populaire (PP), Alberto Núñez Feijóo, a repris des négociations avec le Parti socialiste (PSOE) qui ont rapidement dégénéré en tragi-comédie.

Il s’est avéré en effet qu’en parallèle de ces négociations, le PSOE négociait en catimini avec le parti indépendantiste catalan ERC son soutien au projet de loi de finances pour 2023 en échange de l’engagement des socialistes à supprimer le délit de sédition du Code pénal pour le remplacer par un délit de troubles aggravés à l’ordre public aux peines moins importantes.

Il convient de rappeler que les indépendantistes catalans, coupables de l’organisation du référendum illégal du 1er octobre 2017 et de la déclaration d’indépendance qui s’ensuivit, avaient été condamnés pour sédition à des peines entre 9 et 13 années de prison. Par l’effet du principe de rétroactivité de la loi pénale plus favorable au délinquant, le tour est ainsi joué et nos apprentis putschistes verront donc leurs peines réduites au minimum et retrouveront leur éligibilité.

Non contents d’avoir obtenu leur grâce hors du cadre juridique applicable en la matière, Pedro Sanchez a du boire le calice jusqu’à la lie et accepter la suppression du Code pénal du délit dont ils se sont rendus coupables afin de garantir la continuité de son gouvernement pour quelques mois de plus.

En apprenant la teneur de l’accord entre nationalistes et socialistes, Feijóo a été contraint de mettre fin aux négociations pour le renouvellement des magistrats du CGPJ.

« Le mensonge comme forme de gouvernement »

En l’absence de cadre légal pour une amnistie générale, la suppression du délit de sédition du Code pénal était en discussion depuis plusieurs mois entre le PSOE et ERC. Le PP a donc cherché à s’assurer que les socialistes ne jouaient pas de double jeu. À quelques mois des élections municipales et régionales, les populaires en concurrence avec Vox ne pouvaient pas se permettre de céder au chantage des socialistes qui les accusent d’obstruer le jeu constitutionnel du renouvellement du CGPJ alors qu’eux-mêmes bradent sciemment la souveraineté nationale au profit de délinquants nationalistes qui clament depuis le début leur intention de récidiver dès que l’occasion se présentera

Le 12 novembre, El Mundo a révélé les messages échangés avant la rupture du dialogue entre les deux chargés de la négociation, le député européen du PP Estéban Gonzalez Pons et le ministre socialiste Félix Bolaños. Lorsqu’à la veille de l’annonce de l’accord le premier interrogea le second sur l’existence de négociations portant sur la suppression du délit de sédition, l’émissaire socialiste lui répondit sans sourciller « C’est une non-nouvelle, rien ne porte sur la sédition ».  Ce n’est qu’après une conversation directe entre Sanchez et Feijóo que le premier dut reconnaître le marché avec les nationalistes catalans.

Pourtant, durant la campagne électorale de 2018, Pedro Sanchez avait déclaré que les actions commises par les nationalistes catalans en septembre et octobre 2017 constituaient une rébellion. Il s’était même engagé à modifier l’article correspondant du Code pénal afin que la justice puisse sanctionner les formes hybrides d’atteintes à l’ordre constitutionnel qui ne reposeraient pas totalement sur l’emploi de la force. Entretemps, les tribunaux espagnols ont tranché et condamné les indépendantistes catalans pour sédition, un délit aux peines inférieures, considérant qu’il manquait un degré de violence à leurs actions pour qu’existe une rébellion. Le revirement est brutal.

Le président du gouvernement n’en est pas à son premier mensonge : il avait aussi dit qu’il ne s’allierait jamais avec Podemos ni avec Bildu, l’émanation politique de l’ETA, qu’il ne gracierait jamais les nationalistes catalans coupables d’une tentative de coup d’État et qu’il redonnerait au CGPJ son indépendance. Ce lourd pédigrée et sa dernière trahison à la Nation lui ont donc valu un éditorial particulièrement cinglant dans le journal de centre-droit El Mundo, intitulé « Le mensonge comme forme de gouvernement ».

 

Le PSOE a choisi son camp

En méprisant les règles élémentaires de la loyauté et de la morale politique, Pedro Sanchez semble entériner une alliance de gouvernement durable avec Podemos et le soutien continu des partis nationalistes catalans et basques, y compris ceux issus de l’ETA.

Sur le long terme, son consentement à des demandes nationalistes chaque jour plus délirantes aggrave les problèmes territoriaux de l’Espagne : ce qu’il appelle « dialogue » n’est rien d’autre que la poursuite du marchandage démocratique qui ne cesse de fracturer une Espagne de plus en plus invertébrée.

L’enjeu de la mainmise du pouvoir exécutif sur le pourvoir judiciaire apparait désormais clairement. Nombreux ont été les observateurs à dénoncer que la mise en œuvre des programmes politiques et économiques de la coalition socialo-communiste nécessitait un pouvoir judiciaire sous contrôle et très particulièrement le Tribunal Constitutionnel, dont les membres sont nommés par le CGPJ.

A un an des prochaines élections générales, Sanchez joue son va-tout en radicalisant les rapports politiques pour rassembler le camp de la gauche et exclure le PP du champ de l’acceptabilité politique. Dans un an, même si la droite devait accéder au pouvoir, les oppositions de toutes sortes reprendront les hostilités et assimileront toute tentative de réforme à une résurgence du franquisme.

Face aux tensions qui traverseront un Etat qu’il aura lui-même contribué à désarmer, notamment en supprimant le délit de sédition, le PSOE pourra se présenter comme le seul parti capable d’apaiser la situation. En achetant la paix sociale comme il le fait, Pedro Sanchez se fait complice des ennemis de la Constitution : tant que les nationalistes prospéreront, il aura une raison d’être.

 

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  • Le seul précédent connu de délinquants ayant négocié un cadre légal sur mesure avec le gouvernement est celui des cartels mexicains avec Obrador, un autre grand démocrate libéral… L’Espagne est un laboratoire d’expérimentation de la gauche radicale. l’Amérique Centrale et du Sud ont commencé, l’Espagne poursuit, les Insoumis français ne font qu’appliquer le modèle qui consiste en en quelques mots à ‘’antagoniser’’ tous les sujets. La tentative en cours d’interdiction de la corrida est un bon exemple. Peu importe le sujet, l’essentiel est de créer des positions antagonistes extrêmes…

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