Espagne : le Parti Populaire face au dilemme de la diabolisation

À plus d’un an des élections législatives nationales, son successeur devra faire un choix qui déterminera l’avenir de la droite espagnole : quelles relations le Parti Populaire entretiendra-t-il avec Vox ?

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Espagne : le Parti Populaire face au dilemme de la diabolisation

Publié le 2 mars 2022
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La découverte de l’espionnage pratiqué par la direction nationale du Parti Populaire à l’encontre de la présidente madrilène Isabel Diaz Ayuso a plongé la formation dirigée par Pablo Casado dans une crise inédite. À plus d’un an des élections législatives nationales, son successeur devra faire un choix qui déterminera l’avenir de la droite espagnole : quelles relations le Parti Populaire entretiendra-t-il avec Vox ?

Pablo Casado, un président soumis aux diktats moraux de la gauche

La députée et porte-parole du PP, Cayetana Alvarez de Toledo, avait été la première à déplorer le revirement idéologique de Pablo Casado. En 2018, celui-ci avait remporté les élections à la présidence du PP en promettant de mener une bataille culturelle contre les divers illibéralismes qui prospèrent en Espagne : nationalismes périphériques, mémoire historique, idéologie de genre, etc.

Ce changement tactique s’est principalement manifesté à travers l’adoption d’un discours hostile à Vox : aux côtés des partis qu’il prétendait combattre, Pablo Casado a fait sienne la théorie du cordon sanitaire contre l’extrême droite. En vue des élections législatives de 2023, ce nouveau positionnement augure la possibilité d’un gouvernement de coalition inédit entre les populaires et les socialistes, un projet qui plait à Bruxelles.

Pourtant, cette réorientation stratégique semble incompréhensible pour l’électorat de droite. Alors que dans ses alliances, Sanchez se permet de franchir tous les Rubicon possibles, pourquoi le PP devrait-il faire barrage à Vox ? Non contente d’être représentée par de simples castors sans projet idéologique défini, une partie significative de l’électorat du PP, qui ne se soumet pas aux diktats moraux de la gauche, voit dans le vote Vox une façon de peser à droite sur le discours du PP.

La question était au centre des récentes élections autonomiques en Castille et Leon. Le président sortant de la Communauté Autonome Alfonso Fernández Mañueco (PP) avait fait campagne sur son refus de voir Vox entrer dans le gouvernement autonomique. Cela lui a valu de s’éloigner considérablement de la majorité absolue promise par les premiers sondages : en obtenant 31,5 % des voix, il dépend désormais des 13 députés de Vox (18 % des voix) pour former un gouvernement. Avec un tel rapport de forces, il est désormais peu probable que Vox accepte de soutenir un gouvernement auquel il ne participerait pas…

En parallèle, le secrétaire général de Pablo Casado, Teodoro Garcia Egea, tentait d’éliminer toute opposition : la première à en faire les frais fut Cayetana Alvarez de Toledo, destituée de son poste de porte-parole de la formation en août 2020. Logiquement, Isabel Diaz Ayuso ne pouvait être que la prochaine sur la liste : son programme radicalement libéral et sa proximité implicite avec Vox lui avaient permis de remporter une écrasante victoire aux élections autonomiques de mai 2021 à Madrid.

Madrid sera la tombe du centrisme !

L’avant-dernière semaine de février, la presse révélait que des fonctionnaires de la mairie de Madrid avaient été chargés par la direction nationale du PP de souscrire les services de détectives privés dans le but d’accéder aux relevés bancaires du frère de la présidente, Tomas Diaz Ayuso. Ce dernier était soupçonné d’avoir touché une commission illégale pour un contrat signé entre une entreprise et la Communauté Autonome de Madrid.

Depuis plusieurs semaines, la direction nationale du parti agitait secrètement ces soupçons pour refuser à Isabel Diaz Ayuso la présidence du PP de Madrid. Mais c’était sans compter sur l’insoumission de la présidente madrilène : une fois le scandale révélé, elle s’est empressée de communiquer à la justice et à la presse l’ensemble des documents justifiant de la légalité de ce contrat dont elle prétend de ne jamais avoir eu connaissance avant d’apprendre l’existence d’un espionnage à son encontre.

Les critiques à l’égard de Pablo Casado et de son secrétaire général ont été unanimes parmi les hauts cadres du parti, les militants, la presse de droite et l’opinion publique. Le 22 février, on apprenait donc la démission de Teodoro Garcia Egea, alors que Pablo Casado convoquait une réunion du parti pour tenter de trouver une « sortie digne » à sa situation.

Un successeur pour rien ?

Pour le moment, Alberto Núñez Feijóo semble être le seul candidat à la succession de Pablo Casado. Le nom du très expérimenté président de la Communauté Autonome de Galice s’est imposé comme une évidence parmi les hautes instances du PP. Mais au-delà de son indéniable maturité politique, le président galicien ne semble pas être la meilleure option pour consolider le leadership du PP à la tête du futur gouvernement d’alternance à Pedro Sanchez.

Tout d’abord, le président de la Communauté Autonome de Galice est un nationaliste assumé. Il met en place dans sa région une politique d’immersion linguistique suspicieusement proche de celle qui a été menée en Catalogne. Les propos d’Alicia Padin, directrice du Réseau de Dynamisation Linguistique en Galice, entité administrative rattachée au gouvernement autonomique, sont à cet égard révélateurs : elle déclarait en novembre 2020 « qu’aucune personne cultivée ne devrait parler espagnol en public » en Galice… Rien n’indique donc que Núñez Feijóo dispose de la crédibilité suffisante pour s’opposer avec vigueur aux tensions séparatistes qui frappent l’Espagne.

Mais c’est aussi son prestige de modéré qui pose question : bien qu’il lui vaille d’être apprécié par l’électorat de gauche, d’habitude plutôt sectaire à l’égard du PP, il risque d’être lui aussi favorable à une prise de distance vis-à-vis de Vox. Or, comme nous l’avons souligné ci-dessus, cette stratégie peut être particulièrement périlleuse à plus d’un an des élections et à la vue de l’actuelle dynamique.

Tout d’abord, parce que de nombreux cadres du PP ne s’y retrouvent pas, dont la présidente madrilène Isabel Diaz Ayuso : forte d’un des meilleurs résultats électoraux de l’histoire de sa formation, elle constitue aujourd’hui un des actifs les plus précieux du PP. S’il poursuit la stratégie de Pablo Casado, Alberto Núñez Feijóo s’expose donc à l’implosion de son parti à un an des élections. D’autant plus qu’entre l’électorat et le parti, l’incompréhension est palpable : plus le PP diabolise Vox, plus ses électeurs votent Vox. Une façon d’exprimer le refus d’une grande coalition « à l’allemande » aux côtés d’un Parti Socialiste complice actif de la destruction du pacte constitutionnel de 1978.

Rétifs à l’idée de mener une bataille culturelle, les présidents Aznar et Rajoy s’étaient cantonnés à une excellente gestion économique. Seulement, celle-ci est aujourd’hui insuffisante pour battre Pedro Sanchez et ses acolytes. C’est la raison d’être de Vox : en finir avec la passivité idéologique de la droite sur laquelle se sont renforcés les ennemis de l’unité nationale. Espérons qu’Alberto Núñez Feijóo comprenne le défi qu’il doit relever, au risque d’en laisser le monopole à Vox.

 

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  • La gauche est tellement habile qu’elle a réussi à faire croire à une partie de la droite qu’une alliance gauche-droite était plus acceptable qu’une alliance entre deux parties de la droite…

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