Vote du budget 2023 : le bal des faux culs

Le vote du budget 2023 est révélateur des pires idées et attitudes des forces politiques françaises.

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Assemblée nationale BY Magali(CC BY-NC-ND 2.0)

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Vote du budget 2023 : le bal des faux culs

Publié le 22 octobre 2022
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Dans son avis du 26 juillet dernier sur les prévisions économiques qui ont permis au gouvernement d’établir le projet de loi de finances aujourd’hui en discussion, le Haut Conseil des Finances Publiques relève que le déficit public restera « important » en 2023, à 5 % du PIB, avec un ajustement structurel nul et que l’objectif d’un retour sous la barre des 3 % en 2027 manque singulièrement d’ambition.

Tout aussi préoccupant, il note que l’inflexion visée de la trajectoire de dette (qui se stabiliserait à 112 % du PIB) « est limitée et tardive alors même que les hypothèses de croissance sont optimistes » pour ne pas dire irréalistes. Il observe en outre que le gouvernement attend trop de la suppression des niches fiscales (« un levier dont l’expérience montre la difficulté de mise en œuvre ») et d’une réforme des retraites qui parait bien mal engagée.

Il en tire la conclusion qu’entre 2023 et 2027 « la situation de finances publiques de la France continuera ainsi de se dégrader par rapport aux autres pays comparables de la zone euro » et que le programme de maîtrise des dépenses publiques qui lui a été présenté n’est pas solide.

Dans les 4 ans qui viennent l’endettement public va donc continuer sa course folle alors même que le taux de prélèvements obligatoires va rester très élevé en contrepartie de services publics de plus en plus médiocres. Faute de réformes d’ampleur on va en effet continuer à déverser des flots d’argent public dans des structures inefficaces que manifestement on a renoncé à améliorer.

Face à une telle situation on aurait pu attendre du Parlement qu’il discute sérieusement des moyens de la redresser et à terme de retrouver des marges de manœuvre. De fait il n’en a rien été, chaque groupe politique n’abordant la discussion de la loi de finances qu’au prisme de ses intérêts partisans mais sans souci manifeste de l’avenir du pays.

 

49-3 : la NUPES en embuscade

À l’issue d’une semaine de débats parfois agités mais ayant débouché sur l’adoption de nombreux amendements par des majorités de circonstance, l’exécutif, un peu comme dans un western, a dû dégainer l’article 49-3.

Hypocritement la Nupes qui a tout fait pour l’y contraindre le déplore.

Très en amont du travail en commission, ses responsables ont en effet explicitement annoncé que quels que soient les dispositions du projet de loi de finances, ses différentes composantes (PS, EELV, LFI) ne le voteraient pas. La Nupes a donc sans équivoque créé les conditions du blocage.

Cela n’empêche pas Mathilde Panot, la présidente du groupe parlementaire La France Insoumise, de dénoncer cette atteinte à la démocratie et à la vox populi en sachant très bien que le gouvernement n’avait pas d’alternative puisque d’emblée les jeux étaient faits. Dénonçant la « brutalisation des débats », elle accuse dans l’hémicycle la minorité présidentielle de « magouiller dans son coin » pour piétiner le scrutin majoritaire et parle de passage en force. En cela elle est sur la même ligne que Jean Luc Mélenchon fustigeant « le recours au 49-3 par le monarque présidentiel ».

Prendre des positions aussi caricaturales permet à LFI d’affirmer sa prééminence au sein de la Nupes et de se poser en principale force d’opposition au pouvoir en place. Dans cette optique le reste importe peu.

 

Exit tax : les LR à contre-emploi

Parmi les amendements adoptés (mais non retenus par le gouvernement), l’un d’eux a vraiment créé la surprise. Proposé par le député Les Républicains Fabrice Brun, son objectif était de rétablir l’exit tax, une contribution établie en 2011 pour enrayer les délocalisations fiscales des contribuables français. À titre d’exemple, il était prévu que si un patron s’installait à l’étranger puis dans les 8 ans qui suivaient son départ (portés à 15 ans par l’amendement) revendait 1,5 million une société dans laquelle il avait investi un million d’euros, l’exit tax (30 % au total) s’appliquait à la différence.

Ce mécanisme a été supprimé en 2019, à l’instigation d’Emmanuel Macron considérant qu’il nuisait à l’attractivité de notre économie :

« C’est un gros problème pour nos propres start-ups, parce que la plupart d’entre elles, considérant la France moins attractive que l’étranger, ont décidé de se lancer de zéro depuis l’étranger rien que pour échapper à cette taxe ».

On comprend que son rétablissement, souhaité par Thomas Piketty, ait figuré dans le programme de la Nupes aux législatives et réjoui Mathilde Panot s’empressant de déclarer que « Pour les riches et leur président, la fête est finie. »

On comprend moins que les députés LR se soient aventurés sur cette voie qui tourne le dos au libéralisme à moins de se référer à des considérations purement politiciennes induites par la campagne qui, sur fond de dissensions internes, agite ce parti pour désigner celui ou celle qui en assurera la présidence. Dans cette perspective qui en son sein écrase tout, le groupe a manifestement perdu sa cohésion interne et sa cohérence idéologique.

Là encore, nous sommes loin du sérieux budgétaire qu’on serait pourtant en droit d’attendre de la part des Républicains et qui ne semble pas non plus être une priorité pour le Modem.

 

Superdividendes : le Modem dans la surenchère

Au sein d’une majorité devenue relative, le Modem se bat pour faire valoir son autonomie. Selon François Bayrou, son président, il est « en quête de signes de justice ».

Rejoignant les partisans d’une pression fiscale accrue sur les riches, et contre l’avis du gouvernement qui ne l’a pas retenu, le groupe a déposé et fait adopter un amendement portant à 35 % (au lieu de 30) le taux de prélèvement sur les dividendes distribués par les grandes entreprises ou sur les sommes affectées aux rachats d’actions, quand ces revenus sont « supérieurs de 20 % à la moyenne des revenus distribués entre 2017 et 2021 ».

Ce faisant, le Modem s’inscrit dans l’air du temps, devenu très hostile aux riches avec la conviction de plus en plus répandue que les taxer permettrait de régler tous les maux du pays. Depuis longtemps ancrée à gauche de l’échiquier politique, cette passion politique l’est désormais aussi à l’extrême droite avec le Rassemblement national, touche le parti LR et se propage au sein de Renaissance dont près de 20 députés (y compris le suppléant d’Élisabeth Borne) ont voté le texte sur les « superdividendes ».

On peut avancer sans risque de se tromper que ces derniers ont temporairement joué contre leur camp « pour faire entendre leur voix », en sachant fort bien que cet amendement ne pouvait avoir d’impact. La posture des responsables du Modem est du même type. L’objectif du parti est de préparer l’après-Macron en marquant sa différence. Mais il agit bien plus par opportunisme que par esprit de sérieux budgétaire, un sérieux qu’en revanche le gouvernement prétend à tort incarner.

 

Loi de finances : Renaissance en faux parangon de la vertu

L’attitude de ses partenaires comme de ses adversaires permet de fait au gouvernement de se parer à bon compte des habits du libéralisme et de la raison.

Bruno Le Maire peut sans sourciller proclamer le 19 octobre sur BFM TV : « On ne peut pas faire n’importe quoi avec les dépenses publiques » et s’attribuer le quasi-monopole « de la responsabilité et du sérieux budgétaire ».

Or comme l’a souligné le HCFP on sait que le budget défendu par le gouvernement est en fort déséquilibre et ne remplit aucune des conditions du retour à une situation plus saine. Dans cette Loi de finances comme dans les précédentes on s’attache à financer les priorités du moment, celles qu’ont imposé successivement le mouvement des Gilets jaunes, l’épidémie de covid et aujourd’hui la guerre en Ukraine couplée au brutal retour de l’inflation. L’assainissement des comptes publics attendra. Avec le budget 2023 les perspectives de maitrise des dépenses publiques s’éloignent donc encore un peu plus alors que se rapprochent celles d’une banqueroute de l’État.

De quelque côté de l’échiquier politique qu’on se tourne, plus personne ne semble se soucier de l’état déplorable de nos finances publiques devenues la proie de petits calculs et de petites querelles politiciennes. Les cartes budgétaires sont toutes biseautées et on a bien du mal dans ce jeu de dupes à discerner ce que serait l’intérêt du pays.

Serions-nous revenus aux pires heures de la Quatrième République ?

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  • Aucun homme politique ne veut travailler à résoudre les dépenses inutiles. Cela reviendrait à virer ses petits copains de la fonction publique, avec tous les fonctionnaires qui gravitent autour sans rien faire. Pourquoi cela changerait il maintenant ou même demain ?
    Seule une mise sous tutelle de la France par le FMI peut changer quelque chose.

    • Objectivement la valeur d’un ministre devrait se rapporter à son bilan bénéfice/coût, le champion étant celui qui améliore ses résultats en diminuant ses dépenses. Comment se fait-il alors que tous quémandent une augmentation de leur budget?
      Curieuse présomption du politichien moyen que de croire qu’on vaut ce qu’on coûte!

  • Vu de la campagne, l’assemblée nationale avec le gouvernement ressemblent à la cours de récréation d’une école primaire : c’est encore encore la récré…. on attends les cours de calcul.
    L’Etat français compte lever 270 milliards d’euros de dette sur les marchés financiers en 2023 sur environ 250 milliards d’euros de recettes prévues. (270/520 de déficit) et les discussions portent sur 5% de déficit ! je crois qu’il manque un zéro… oui mais un zéro c’est rien ……….! Bien évidement JR a raison, va falloir une tutelle !

  • Talleyrand nous a légué cette formidable citation : « Si les gens savaient par quels petits hommes ils sont gouvernés, ils se révolteraient vite »
    Bon WE

  • Sans majorité absolu, on s’aperçoit que le gouvernement à beaucoup de mal, le système politique de 5eme république voulu par Charles De gaulle nécessite une majorité absolu chez les députés et sénateurs, les Français sont habitués a cette forme de dicta et ne comprennent pas que des pays comme la Belgique, l’Italie, Hollande etc… soient obligés de créer des coalitions. Lorsque le président se rends au USA et fait un discourt à l’ONU dans une salle vide on doit se poser pas mal de questions

    • Tous les députés ne sont là que pour encaisser. Sinon, ils n’auraient aucune hésitation à voter à l’unanimité une motion de sensure qui ferait tomber le gouvernement et son budget. Mais non, on ne va pas risquer de se trouver au chômage après la dissolution !!!

  • On a vraiment le sentiment d’avoir voté pour rien !
    Les débats des députés ressemblent à du très mauvais théâtre subventionné.
    Ils sont complètement irresponsables et ne servent à rien, nous fonçons dans une transition écologique suicidaire sans qu’aucun d’entre eux ne dénonce ce scandale.
    Macron nous avait promis la start up nation, nous avons la fall down nation.

  • il n’y a plus de solutions car le pays est totalement divisé sur tout . Question sécurité ? pour les uns montrer que le rapport entre le pourcentage de nombre d’infractions pénales et le pourcentage de population immigrées ou issues de l’i’mmigration est raciste donc on ne peut en parler. ni même produire de statistiques . Question UE ,chaque jour démontre que le nationalisme est partout , que les règles européennes cohérentes dans un ensemble d inspiration Fédéral, ne le sont plus. L’Allemagne qui est responsable de notre situation énergétique actuelle, désormais , ne se cache même plus …après nous avoir fait fermer Fessenheim, elle décide de prolonger ses 3 centrales nucléaires et se votent 200 milliards de développement national tout en étant obligée de développer son charbon , en même temps ,Macron dénonce la Charte de l’énergie pour justifier le renoncement définitif aux énergie fossiles … on va entre autre s ,encore une fois dépenser l’argent e contribuables pour des moulins à vent , des panneaux solaires intermittents; je n’oublie pas l’abandon du nucléaire et la construction d’une pseudo concurrence sur l’ électricte qui a eu pour but … d’augmenter les prix aux consommateurs .. une première mondiale . Si j’abandonne l ‘Allemagne , la Pologne vient de décider de confier sa défense à du matériel Coréen … Question Défense , nous ne ferons rien ,nous, français avec les autres ils achèteront américains ( c’est déja fait , coréen ou autres) . si i le matériel n ‘est pas commun ( ce qui réduirait les craintes d’affrontements ultérieurs ) comment penser que les vieilles tendances nationalistes n aboutiront pas aux résultats du passé .On peut prendre le problème par tous les bouts ,l’UE Fédérale est morte …reste donc à en construire une autre..vaste programme… (entre Etats partageant nos idées ….contradictoires et pourtant c’est cela qui devrait nous préoccuper ,soit nous nous entendons à minima pour construire autre chose : soit c’est mission impossible ( ne serait ce que parce que les bénéficiaires du système actuel ne vont pas se laisser dépouiller de leurs prébendes et entre autres de leurs rôles moteurs écolos…. et si c’est impossible « noir c’est noir »

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