Le pouvoir de pouvoir gouverner

Le pouvoir de gouverner a toujours eu pour objectif de permettre à l’entreprise de créer plus de valeurs.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le pouvoir de pouvoir gouverner

Publié le 7 septembre 2022
- A +

Ce qui est en jeu avec la question du pouvoir de gouverner, c’est, en réalité, la question de l’art de la création de valeurs.

 

Commençons par un constat. Nous, humains, n’avons pas été habitués à gouverner, du moins la grande majorité d’entre nous.

Dans les entreprises, on vient d’un modèle où règne la dualité entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés. Une dualité bien illustrée par les propos de Henry Ford :

« Pourquoi à chaque fois que je recrute une paire de bras, y a-t-il un cerveau qui vient avec ? »

Dans ce modèle, il y a un management qui pense et gouverne ; des managés qui exécutent.

De fait, ce système présente de nombreuses limites et devient inopérant, notamment dans un environnement chaotique comme celui que nous connaissons.

C’est à ce niveau là qu’intervient l’holacratie.

Le pouvoir de gouverner passe par un changement de la forme et du sens du pouvoir

L’holacratie apporte un nouveau pouvoir, celui de pouvoir gouverner, de dépasser tout ce qui me limite dans l’exercice de mes rôles. Le rôle concrétise, incarne ce changement dans la nature du pouvoir et de son exercice au sein de l’organisation. Chaque rôle est vu comme une mini-entreprise à laquelle sont attachés des pouvoirs, des autorités, attachés aux rôles et non aux personnes.

De plus, vient s’ajouter la notion centrale de tension vue comme un écart entre ce que chacun ressent dans l’exercice de son rôle et un idéal entrevu. Ces deux notions – rôle et tension – sont les deux moteurs qui permettent d’aller vers un nouveau pouvoir, où le détenteur du rôle va pouvoir modifier son écosystème pour augmenter les capacités de création de valeurs de son rôle.

 

Pour illustrer ce propos, prenons l’exemple de cette entreprise où il y a deux grands rôles : la vente et le marketing. Deux rôles qui jusqu’ici ne coopéraient pas vraiment même s’ils reportaient tous deux au même patron. Un jour la direction décide d’augmenter sensiblement les objectifs des ventes. Or, en l’état, impossible pour les vendeurs d’y arriver seuls. Comment faire pour générer 30 % d’opportunités supplémentaires ? En s’appuyant, évidemment, sur le marketing, conçu comme un fournisseur avec lequel il faut, au préalable, s’entendre sur les objectifs et les attendus réciproques. Le marketing a pour rôle la génération de leads – prospects – pour son client : les ventes.

Ce pouvoir de gouverner est un champ, une nouvelle compétence à acquérir, même pour des managers qui se sont jusqu’ici toujours appuyés sur un modèle mental où ils se voient au-dessus de leurs collaborateurs. Ils sont les « supérieurs » mais, en réalité, dépourvus de cadre et d’outils de management pour organiser le travail et responsabiliser les personnes.

Le pouvoir est désormais constitué d’autorités attachées à un rôle. Chaque personne affectée à un rôle a ainsi l’opportunité de le prendre en charge, d’en saisir l’énergie. La puissance, le pouvoir de créer qui en émane, est alors illimitée ; fruit de l’empuissancement et non d’un pouvoir sur quelque chose ou sur des personnes. Pouvoir gouverner, c’est savoir identifier les propositions d’évolution de son écosystème, des autres rôles, comme avec l’exemple du marketing plus haut. À partir d’une tension organisationnelle, ancrée dans la réalité d’une limite passée ou présente, chaque rôle a le pouvoir de modifier la façon dont les choses fonctionnent, sans passer par la case « chef ». Là est le nouveau champ, la nouvelle compétence à acquérir par tous, avec le temps, dans l’organisation.

 

Comment cela peut-il fonctionner ?

Pour beaucoup, la première question consiste à savoir comment ils vont pouvoir gouverner ? Vont-ils pouvoir affecter, modifier l’organigramme ?

En réalité, l’organigramme ne va pas être modifié ou altéré juste pour répondre à une envie. Cela se fera pour répondre à une bonne raison c’est-à-dire une tension qui limite un rôle, bloque la création de valeurs. Dans ce processus, c’est le vivant qui guide chacun. Pas de hors-sol. C’est la réalité qui confronte à un « mieux potentiel ». C’est à cette condition que l’écosystème va pouvoir être modifié. Pour que le rôle concerné puisse être propulsé, augmenté.

La tension qui autorise le changement doit donc être ancrée dans la réalité. Elle doit pouvoir être illustrée par un exemple concret, passé ou présent, qui met en lumière cette limite.

Ensuite, l’holacratie va fournir un processus pour traiter cette tension, un processus qui va comprendre deux « tamis ». Celui-ci va permettre à tout un chacun de venir en réunion de gouvernance et mettre un point à l’ordre du jour, pour faire une proposition qui altère la structure d’autorités en vigueur – c’est-à-dire l’organigramme – pour traiter ou réduire la tension du rôle concerné. Pour ce faire, une première chose doit être de vérifier que la proposition apportée est bien organisationnelle, et non pas personnelle ou interpersonnelle, et que le changement proposé va bien réduire cette tension pour un rôle spécifique. Si ce n’est pas le cas, la proposition est rejetée.

Le deuxième « tamis » consiste lui à vérifier que l’impact du changement proposé  ne crée pas de tort aux autres rôles du cercle. En bref, on veut vérifier que l’on n’est pas en train de créer de la valeur pour l’un, tout en en détruisant pour un autre ! Pour ce faire, la réunion de gouvernance va collecter, lors de ce second tamis, toutes les régressions potentielles identifiées par les représentants de tous les autres rôles, puis va chercher à les résoudre, le cas échéant, de sorte à traiter la tension apportée à l’ordre du jour, c’est-à-dire permettre la création de valeur sans pour autant créer de tort à l’un quelconque des autres rôles du cercle.

 

Quid du contrat de travail ?

À ce jour, le contrat de travail est bien ancré dans les organisations. Dans ces conditions, est-ce possible de passer d’une hiérarchie traditionnelle à ce nouveau mode de gouvernance, à contrat de travail constant ? Au premier abord, le contrat de travail semble être antinomique avec le système nouveau du fait du lien de subordination qu’il implique pour l’employé vis-à-vis de son employeur, appelé responsable hiérarchique dans le droit du travail. Pour autant, si cela reste difficile, il reste néanmoins à faire avec. La hiérarchie émane intrinsèquement du contrat de travail. Ce mécanisme contractuel a été créé, à l’époque, pour faire fonctionner un système dont Fayol, Taylor et Ford sont les figures de proue.

Le contrat de travail a d’ailleurs un certain nombre d’avantages qui font qu’il est encore d’actualité. Il a aussi des inconvénients et des effets pervers ! Ainsi, à l’heure où l’on cherche à responsabiliser les personnes, difficile de leur demander d’être responsables tout en leur imposant un responsable hiérarchique. La dissonance est frappante.

L’holacratie permet ici de changer radicalement la donne, tout en étant compatible avec le salariat c’est-à-dire avec le contrat de travail. Cela passe par une distinction structurelle, dans des cercles différents, de ce qui relève de l’opérationnel et du business d’un côté, de ce qui relève du contrat de travail et donc des RH de l’autre. De sorte à parfaitement circonscrire les deux. Cela passe de fait par une définition – lors de la phase d’encodage – du management, au travers de trois avatars que sont le leader de cercle, le responsable hiérarchique et le chef de projet. Ici, le leader de cercle n’est pas un responsable hiérarchique, il a des redevabilités et c’est un rôle comme les autres.

Il n’a pas de pouvoir sur les personnes dans le cercle. Quant au responsable hiérarchique, la définition explicite de son rôle va permettre de circonscrire le lien hiérarchique. Son rôle à lui est de gérer le contrat avec l’employé, et uniquement celui-ci. La notion de contrat n’interfère donc pas dans les autres dimensions et processus. Une réalité qui permet de libérer le rôle de leader de cercle de toute dimension hiérarchique. Le rôle de hiérarque se concentre sur toutes les dimensions RH attachées au contrat de travail : recrutement, évaluation, notes de frais, etc. Ainsi, les effets pervers de la hiérarchie sont jugulés car retirés de toutes les activités opérationnelles et business.

 

Comment aider les collaborateurs à se prendre en main ?

C’est vrai que de tous ces changements naît un nouveau vocabulaire qu’il va convenir de connaître et de maîtriser. Car ces mots sont nouveaux, ou du moins chargés d’un sens riche et inédit : rôle, redevabilité, tension, gouvernance, etc. Ces mots permettent de mettre en musique un complet changement de modèle mental, une disruption de la nature et de l’exercice du pouvoir.

Et pour avancer dans le bon sens, une des clés est d’impliquer les personnes, dès la phase de concertation pour que ces nouveaux modèles mentaux puissent infuser et faire leur chemin chez chacun. Pour qu’il les expérimente concrètement : création de valeurs, relation client – fournisseur, processus d’encodage, etc. Ce processus pédagogique est continu, depuis la phase de concertation, en passant par la formation au self-management, l’exercice individuel de lister les rôles jusqu’aux deux réunions de cercle pour définir les rôles.

Un processus comme celui que suggérait Benjamin Franklin lorsqu’il écrivait : « Dis-le moi et je l’oublierai ; enseigne-le moi et je m’en souviendrai ; implique-moi et j’apprendrai. »

Ce processus pédagogique sera relayé par l’école en continu et dans la durée de la réunion de triage dès le lancement des cercles après l’étape d’encodage.

Comment les personnes réagissent-elles face à ces changements ?

Soyons clairs. Ici, rien n’est facile pour la très grande majorité des personnes concernées. Du moins au départ parce que cela implique qu’elles se saisissent de l’énergie de la responsabilité de leurs rôles, qu’elles sachent prendre du recul, qu’elles comprennent que leur but est de délivrer les propositions de valeurs attendues par leurs clients, internes et/ou externes, que leur première activité est d’organiser leur travail et celui qu’elles attendent de leurs fournisseurs. Or, cela est très éloigné de ce qu’elles ont connu jusqu’ici, à savoir effectuer leur travail et non l’organiser. Rien d’irrémédiable bien sûr mais la nécessité d’y passer du temps et de s’approprier pleinement cette énergie restée insoupçonnée jusque-là.

Prendre l’énergie de la responsabilité, c’est comme s’envelopper d’une cape invisible qui donne un  super-pouvoir, qui fait que vous avez la niaque, que vous donnez le meilleur, ne lâchez rien. Vous prenez les risques qui sont nécessaires et les assumez. Mais qu’est-ce qui fait que d’autres vont juste faire leur job, surfer voire laisser filer et se laisser vivre dans une certaine superficialité ? Qu’ils vont même parfois se cacher, chercher à se justifier, à se protéger ? Raison pour laquelle, le plus souvent, ils ne demandent aucune aide.

Pour ce faire, les personnes ont besoin de prendre confiance, de s’accoutumer à ce nouvel environnement, ces nouveaux concepts. Elles vont alors prendre de la puissance petit à petit, chacune à son rythme. Et, dans ce contexte, le manager est là pour accompagner chacun vers plus de puissance, en créant des espaces de prise en recul, sécurisés et avec des permissions explicites. En leur apprenant aussi à utiliser les nouveaux outils qui sont à sa disposition.

Dans l’intérêt des équipes et de l’organisation, pour permettre, in fine, à chaque collaborateur de parvenir à se saisir de l’énergie de la responsabilité et du pouvoir de pouvoir gouverner.

Le pouvoir de gouverner a toujours eu pour objectif de permettre à l’entreprise de créer plus de valeurs. Un rôle jusque-là dévolu à la seule direction mais qui désormais devient accessible à tous au sein de l’organisation.

L’occasion de démultiplier, à tous les étages, ce potentiel de création de valeurs de chaque rôle, vu chacun comme une mini-entreprise. En somme, le pouvoir de pouvoir gouverner est désormais l’art de la création de valeurs par chaque entrepreneur dans un rôle au sein de son écosystème, et aussi celui d’altérer l’écosystème dans l’intérêt de toutes les parties prenantes. Un bon leader n’est-il pas celui qui cherche obstinément à créer de la valeur plurielle pour son entreprise, mais pas au détriment de l’environnement, du corps social, des fournisseurs, des clients ou de toute autre partie prenante. À ce titre, l’holacratie participe de cette logique, qui plus est fractalisée au niveau de tous les rôles qui composent l’organisation. C’est l’art de la création de valeurs.

 

Voir le commentaire (1)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (1)
  • Je n’ai rien compris à cet article, je ne dois pas être assez intelligent.
    De plus, j’ai peur que si je comprenais ce charabia et décidais de le mettre en place dans mon entreprise, les salariés se moqueraient de moi et je perdrais ainsi toute autorité.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le monde du management est noyé sous les mots-valises, les expressions à la mode et les concepts creux. C’est un problème parce que mal nommer un phénomène, c’est s’empêcher de pouvoir l’appréhender correctement, et donc de pouvoir le gérer.

Un bon exemple est celui de l’expression technologie de rupture, très trompeur.

Je discutais récemment avec le responsable innovation d’une grande institution, qui me confiait : « La grande difficulté que nous avons est d’identifier parmi toutes les technologies nouvelles celles qui sont vra... Poursuivre la lecture

Auteur : Anne Jeny, Professor, Accounting Department, IÉSEG School of Management

Les processus de création de valeur ont connu d’importantes évolutions ces dernières années. Comparons par exemple Google (Alphabet), un étendard de la nouvelle économie et une entreprise relevant du secteur industriel traditionnel, comme le constructeur automobile General Motors. La réussite de Google apparaît au travers de sa capitalisation boursière, celle-ci atteignant 1148 milliards de dollars pour environ 190 234 salariés fin 2022. General Motors aff... Poursuivre la lecture

L’attaque surprise est la plus vieille tactique militaire de l’humanité. Elle repose sur l’idée que la stratégie est un paradoxe, c’est-à-dire qu’il peut être payant de faire quelque chose qui va sembler totalement illogique à l’adversaire. Elle repose aussi sur l’idée de tromperie, qui nécessite une fine compréhension de l’adversaire et de ses croyances. Ce sont ces croyances qui rendent la surprise possible.

Regardons-le sur un exemple tragique, celui des attaques terroristes toutes récentes du Hamas contre Israël le 7 octobre dernie... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles