Par Jordan J. Ballor.1
Qu’est-ce qui distingue quelque chose de vraiment créatif de quelque chose de simplement novateur ? Et quelle valeur accordons-nous à l’un et l’autre, quelle hiérarchie ?
Dans une étude récente « Creativity, Innovation, and the Historicity of Entrepreneurship », Victor Claar et moi tentons de lever l’ambiguïté entre ce que nous appelons l’« entrepreneuriat créatif » et l’« entrepreneuriat innovant ».
Nous décrivons l’entrepreneuriat créatif (ou plus généralement la créativité) comme « ce que font les êtres humains avec le caractère inné, fondamental des choses ». Il existe des possibilités inhérentes à l’ordre donné, en commençant avec ce que Dieu a créé. De cette façon la créativité et l’ontologie sont liées ; cela dépend de la nature de ce qui nous a été donné à utiliser et à découvrir dans l’ordre créé.
C’est différent (mais pas sans lien) de ce que l’on appelle l’entrepreneuriat innovant (ou l’innovation en général), que l’on peut comprendre comme « un phénomène lié au progrès historique de l’humanité ». En d’autres termes l’innovation est ce que les êtres humains entrevoient à partir de ce qui a déjà été découvert.
D’une certaine manière, toute chose nouvelle a des éléments de ces deux dimensions, donc il faut un certain jugement pour savoir si quelque chose est plus ou moins radicalement nouveau. Mais il est aussi vrai que nos attentes et nos normes politiques et culturelles peuvent privilégier l’une par rapport à l’autre. Une société plus conservatrice ou traditionnelle préfèrera sans doute des changements et innovations progressifs plutôt que des inventions entièrement nouvelles et qui participent à la destruction créatrice.
Dans notre étude publiée dans le Journal of Entrepreneurship and Public Policy, nous citons quelques exemples d’entrepreneuriat créatif et innovant, même si l’on dit aussi que la « créativité, dans le sens de ce qui est créé par des êtres humains à partir de ce qui existe, amène vers l’innovation, que l’on considère comme étant ce que les hommes créent en partant de ce que d’autres ont créé ».
Une fois que vous comprenez cette distinction de base, vous commencez à en voir de plus en plus d’exemples.
Par exemple, selon le document « Dirigeant d’entreprise, une Réflexion », publié par le Dicastère pour le service du développement humain intégral du Vatican : « Les entreprises qui réussissent arrivent à identifier et cherchent à répondre aux véritables besoins humains et ce, avec un niveau d’excellence très élevé, en faisant appel largement à l’innovation, à la créativité et à l’esprit d’initiative. » Le document fait ensuite référence à une distinction qui coïncide fondamentalement avec notre perspective sur la créativité et l’innovation.
Les bons chefs d’entreprise « produisent ce qui a déjà été produit dans le passé, mais souvent – comme dans les domaines de la médecine, de la communication, du financement, de l’industrie agro-alimentaire, de l’énergie et de la protection sociale – ils inventent et déploient des moyens complètement nouveaux de réponse aux besoins humains. » Ainsi, dans ce sens, non seulement les bons chefs d’entreprise personnifient la créativité mais ils sont également innovateurs, puisqu’ils « améliorent peu à peu leurs produits et services qui, lorsqu’ils sont véritablement bons, contribuent à l’amélioration de la qualité de vie des gens. »
Ainsi une compréhension plus complète de l’entrepreneuriat demande une perspective théologique, qui considère les actions humaines comme fondamentales et provenant de façon inéluctable de ce que Dieu fit tout d’abord, que ce soit généralement en termes de création, ou plus spécifiquement en termes d’amour et de rédemption.
Abraham Kuyper, le théologien hollandais réformé, parle des artistes d’une manière qui peut s’appliquer tout autant à l‘entrepreneuriat dans le domaine économique :
« L’artiste a un œil exercé, capable de voir ce qui vous est invisible. Il a une imagination plus fertile et capture, dans le miroir de cette imagination, des choses qui vous échappent. Il voit plus ; de façon plus approfondie et plus précise ; il voit les choses en relation les unes avec les autres. De plus il est sensible aux impressions agréables et peut rendre ces impressions perceptibles d’une façon que la nature ne permet pas, mais aussi d’une façon qui vous permet, avec votre œil plus limité et moins exercé, de jouir de sensations similaires. »
De même, l’entrepreneur a l’art de voir les choses avec un œil nouveau, des choses qui étaient latentes auparavant dans l’ordre créé, en sommeil et en attente de l’action humaine. Et tout cela dépend principalement et fondamentalement de ce que Dieu, origine et source de tout ce qui est bon, a déjà fait et continue de faire.
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- Jordan J. Ballor (Dr. Théologie, Université de Zurich ; Ph. D., Calvin Theological Seminary) est directeur de recherche au Center for Religion, Culture & Democracy (Centre pour la religion, culture et démocratie), une initiative de First Liberty Institute. Il a précédemment occupé des postes de recherche à à l’Institut Acton et à Vrije Universiteit Amsterdam. ↩
Certains discutent du sexe des entrecôtes. D’autres de celui des anges.
En ces temps difficiles, la perspective de faire rire à ses dépens mérite le salut.