Le pouvoir est une chose trop sérieuse pour être confié à des êtres humains

Le pouvoir est une chose bien trop sérieuse pour être confié à des êtres humains. Le pouvoir doit être confié aux rôles.

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Le pouvoir est une chose trop sérieuse pour être confié à des êtres humains

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 10 janvier 2022
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Comme toujours, la réponse à cette question passe nécessairement par un changement de modèle mental. Einstein ne disait d’ailleurs pas autre chose lorsqu’il affirmait :

« Le monde que nous avons créé est un produit de notre pensée. Nous ne pouvons pas le changer sans changer notre façon de penser. »

Nul besoin d’être un observateur aguerri pour comprendre la nécessité de changer le management. La presse nous inonde de ce sujet sous ses différentes facettes. Ras-le-bol du management tel que le pratiquent encore la plupart des entreprises. Alors que 20 % des managers ne veulent plus manager, beaucoup soulignent une complète perte de repères ou se perçoivent comme la cible d’un mécontentement général dans l’entreprise.

Jaloux de leurs pouvoirs, ils feraient tout pour le conserver au détriment de l’intérêt de l’entreprise. Dans ces conditions, il serait impossible de libérer les organisations. La réalité est bien sûr assez différente.

D’ailleurs, parallèlement, d’autres articles insistent sur la nécessité de s’appuyer sur les managers pour changer l’entreprise : cadres intermédiaires, excellence managériale, développement du travail en « mode hybride » associé à la nécessaire réinvention du bureau, de l’espace de travail qui dessine aussi les contours d’un nouveau manager.

Une chose est certaine. Nous sommes en train de vivre la fin du management tel que nous le pratiquons depuis des décennies.

 

Les trois espaces de la transformation et la structure de rôles

Il faut donc changer le management. Pas de façon progressive ou itérative mais en le disruptant. C’est une nécessité pour le mettre en phase avec le monde d’aujourd’hui et de demain. Cela suppose bien sûr de trouver une alternative crédible au modèle de Fayol et Taylor qui faisait dire à Henry Ford : « Pourquoi faut-il qu’à chaque fois que je recrute une paire de bras, il y a un cerveau qui vient avec ? » À une époque où le collaborateur n’est plus sous le regard du chef et est justement recruté pour son cerveau, on comprend d’autant mieux la nécessité d’opter pour un nouveau modèle mental.

Car il est possible de passer d’un management basé sur une illusion de « pouvoir sur » – pouvoir qui plus est en quantité limitée – à un self-management pour tous, basé sur une puissance illimitée, à une « autorité au service de ses rôles pour créer de la valeur ». Pour ce faire, il s’agit, en amont, de poser de façon claire ce nouveau modèle mental, cette nouvelle grille de lecture au travers des trois systèmes en jeu dans la transformation globale d’une entreprise. Trois systèmes qui introduisent la notion de structure, de corps de l’organisation et de rôles différenciés des êtres humains.

Attacher, finalement, le pouvoir non aux personnes mais aux rôles de la structure. Trois systèmes qui se divisent entre ce qui relève de l’individu, du collectif – la communauté des êtres humains – et aussi de l’entreprise en tant que personne morale. Une personne morale qui d’ailleurs existe déjà en droit, incarne et préfigure ce pouvoir incarné par autre chose que des hommes.

C’est l’entreprise, la structure des rôles qui confère des droits aux personnes, une autorité. Ce système d’intermédiation est donc déjà disponible. On ne fait que l’appliquer, le répliquer dans l’organisation. À ces trois systèmes, s’ajoutent deux niveaux : le visible et l’invisible.

Mais ce qu’il convient de bien saisir dans notre propos c’est qu’il existe un troisième système. Celui de l’organisation, de l’entreprise, de la personne morale vue comme une entité à part entière, et qui n’est pas la somme de ses collaborateurs, ni celle de ses dirigeants ou de ses managers, ni même de ses actionnaires. Il s’agit d’un organisme vivant, d’une entité souveraine qu’on appelle juridiquement une personne morale. Ni visible, ni humaine mais bel et bien vivante.

Cette organisation vivante possède son propre corps, le corps organisationnel. Comme pour chaque corps, celui-ci est un écosystème constitué d’atomes organisationnels, de petites entités organisées en réseaux réticulés au service d’un projet commun.

Ces rôles sont vivants et évoluent. Ils opèrent en coopération avec la personne à laquelle ils ont été affectés. Celle-ci est porteuse de l’énergie de la responsabilité afférente. Cette personne, c’est celle que Peter Koenig nomme la « source ». Ici le pouvoir est attaché au rôle. La personne va profiter de ce pouvoir qui lui est conféré par ce rôle.

À partir de maintenant, le pouvoir est abordé à partir des rôles et non des humains. C’est une autre forme de pouvoir qui peut voir le jour. L’autorité est donnée à des rôles et non plus à des humains qui en exercent une délégation, source de leur empuissement (Empowerment).

 

Disrupter la nature du pouvoir grâce à la structure de rôle pour créer un contexte favorable à l’empuissement

Cette structure, personnalisée pour chaque entreprise, va servir de référentiel managérial et self-managérial. Un framework qui va permettre de définir tout ce qui est attendu du management dans l’entreprise au travers de la notion de leader.

Un framework qui va aussi insister sur le fait que chaque attendu doit être explicite, permettant ainsi de réduire dans l’entreprise la plus grosse source de souffrance des salariés. Finis les jeux de pouvoirs puisque tout attendu implicite ne peut faire loi. Mieux, tout interdit se doit d’être explicite.

En parallèle, existent des règles de coopération entre les rôles. Toutes les responsabilités et autorités de ces nouveaux rôles sont définies explicitement. Délégation est donnée à chacun pour ses rôles.

Dans ce nouveau paysage, le manager est celui qui définit le cadre. Il peut modifier les rôles. Mais, au lieu d’agir directement sur les personnes, il le fait – exerce son autorité de manager – sur les rôles. Il crée, supprime et modifie des rôles. Une situation qui évite le micro-management et les jeux de pouvoirs que ce dernier implique. Il continue donc à organiser le travail mais d’une façon qui n’a plus rien à voir avec celle qui était la sienne jusqu’ici. Il travaille sur la structure, intermédie les relations entre les rôles.

Le manager est en outre celui qui définit les stratégies, pose les objectifs, fixe les priorités. C’est sur ces axes rendus explicites que tous les rôles vont s’aligner. Une ambition, un exercice qui oblige le manager à plus de prise de recul, à bien poser ses enjeux. Une fois fait, son travail s’en trouve grandement facilité par la nouvelle structure. Enfin, le manager est celui qui pilote et accompagne les collaborateurs dans un processus de responsabilisation de chacun au sein de l’organisation, d’empuissement.

 

Le pouvoir provient des rôles et non des personnes !

Disons-le, le pouvoir est une chose bien trop sérieuse pour être confié à des êtres humains. Avec ce nouveau modèle, le pouvoir est confié aux rôles. C’est dans ce contexte que les personnes qui remplissent et énergisent ces rôles prennent et mettent en œuvre les autorités qui y ont trait. Du coup les relations de pouvoir tendent à disparaître, on échappe à ces jeux, grâce à cette différenciation entre rôles et personnes.

Dans cette organisation et cette structure, reste à faire circuler la vie. Car c’est parce que les personnes prennent l’énergie de la responsabilité que la vie peut circuler. Pour que chacun s’en saisisse, donne le meilleur, prenne des risques et les assume. Le chemin est long mais mérite d’être emprunté par tous dans l’organisation.

Il est aujourd’hui de bon ton d’affirmer que dans l’entreprise tout doit être centré sur l’humain. À y regarder de plus près, il s’agit pourtant d’un véritable contresens. En réalité – que nos egos en soient chagrinés ou pas – tout doit d’abord être centré sur la vie et le vivant qui incluent l’humain. Un vivant incarné aussi par l’organisation. Une organisation structurée par des rôles détenteurs de pouvoirs explicites dont les collaborateurs se saisissent en prenant l’énergie de la responsabilité. Et c’est bien ainsi puisque le pouvoir est, en définitive, une chose trop sérieuse pour être confié aux humains !

 

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  • Avatar
    Laurent Lenormand
    10 janvier 2022 at 8 h 32 min

    Il y a plus de vingt ans, j’ai travaillé pour une revue spécialisée dans le management. Le discours « avant, il y avait le vieux modèle de ceux qui commandent et ceux qui obéissent, l’environnement était à peu près stable, mais maintenant, on peut plus, le monde a changé, ouh là la, il faut être flexible, à l’écoute, faire s’exprimer les talents, mobiliser, etc. »… ce discours, je l’ai lu et entendu des centaines de fois. C’est une vieille tarte à la crème pour recycler les poncifs et faire vendre la nouvelle théorie à la mode (« empowerment », etc.).
    Je ne dis pas que tout est à jeter dans la pensée managériale, mais prétendre tout vouloir changer (« disrupter la nature du pouvoir »..,), c’est une illusion.

  • Article très utile en 1936 2021…
    Le « monde d’avant » était bien plus libéral, donc bien plus exigeant et avec des règles minimales mais claires qui faisaient que la responsabilité était quelque chose de très fort. Le chef qui pouvait être viré facilement était un vrai chef, le patron qui risquait sa fortune était un patron et le « management » n’était pas infesté de petits chefaillons et autres bureaucrates aussi irresponsables que déconnectés.
    Puis, avec la montée de la fiscalité et de la régulation et donc la baisse des libertés et de la responsabilité sont aussi venues les nouvelles théories managériales qui sont à la prospérité et au bon management ce que Pol Pot était à la santé publique.
    .
    Vous enlevez la fiscalité qui n’a aucune raison d’être sur les producteurs richesses, biens et emplois, vous enlevez la stupide régulation de la bureaucratie socialiste et je vous garantis qu’en 10 ans le tissu entrepreneurial de la France est restauré avec des pratiques managériales qui se mettront naturellement en place sans avoir besoin de bonimenteurs.
    AUCUNE économie ne peut résister aux 64,7% de charges sur les PME ni à l’URSSAF et on ne parle même pas des milliers de contraintes et déclarations d’irresponsabilité égalitariste du « nouveau monde ».

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