Quel marché national de l’électricité réellement libre et non faussé ?

Livrons-nous à quelques travaux pratiques consistant à commenter la maquette du marché français.

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Ampoule électricité (Crédits serguei_30, licence Creative Commons)

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Quel marché national de l’électricité réellement libre et non faussé ?

Publié le 4 septembre 2022
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Dans leur article du 24 août 2022, intitulé « Marché de l’électricité : Ne nous trompons pas de réforme », Guillaume Dezobry, avocat, et Pierre-Albert Langlois, consultant, écrivaient ceci :

« Les marchés envoient un signal de prix court terme qui incite les acteurs de marché à plus ou moins produire et consommer. Ils sont essentiels à l’équilibrage heure par heure du système électrique européen… »

Ce ne sont pas les marchés – tout le monde pense marchands – qui sont essentiels à l’équilibrage heure par heure du système électrique, mais les clauses du contrat imposé à tous les producteurs d’électricité – à tous les marchands – par le gestionnaire unique du système. Cet acteur central d’un mécanisme de production-consommation particulier doit ainsi jouir d’une souveraineté absolue lui venant directement de l’État, avec pour seule consigne la mission suivante : acheminer au meilleur coût final pour le consommateur et dans des conditions de sécurité et de stabilité absolues du système le transit des puissances faisant l’objet de contrats privés.

S’imposant à tous les usagers du système, lesdites conditions unilatéralement fixées par son gestionnaire doivent s’inscrire dans le temps réel et dans le temps long, voire très long et avoir forcément un impact financier sur les contrats privés entre producteurs et consommateurs utilisant ce service national ou européen payant pour échanger la fourniture.

On doit bien se convaincre que le contenu de ce carnet de prescriptions ne doit résulter que d’une exploitation technico-économique rigoureuse, professionnelle et responsable du système, en temps réel et en prévisionnel de longue voire très longue portée. La composante technique d’une telle exploitation doit dominer, obligeant l’État à se doter d’un gestionnaire avant tout technicien. En effet, seul ce dernier sait comment fonctionne la machine, quels sont ses besoins du moment, de demain, voire d’après-demain ou d’après-après-demain et dans tous les domaines, permettant de garantir sa pérennité, voire sa survie. Il connait surtout les propriétés techniques et technologiques des outils seuls à même de répondre à un cahier des charges aussi exigeant, y compris sur le plan de l’optimisation commerciale.

Il va ainsi de soi que le contenu facturé de ce service national ou européen doit être constamment assorti de la notification aux producteurs des dotations en puissances requises d’eux, aux diverses échéances, sous peine de perte d’accréditation. Ceci sous-entend que l’État doit déléguer au gestionnaire du système l’exercice de ce qu’on pourrait qualifier de matérialisation prospective, comme il délègue l’administration de la sûreté nucléaire à l’ASN. À l’instar de cette dernière, le premier n’aurait à rendre des comptes périodiques de résultats quantitatifs et qualitatifs que sur la base des instructions figurant sur son ordre de mission.

 

Le marché français de l’électricité

Livrons-nous à quelques travaux pratiques consistant à commenter la maquette du marché français.

Ce marché a une réalité physique, un vaste bassin de KW rempli et vidé en permanence respectivement par les producteurs et par les consommateurs et a une dynamique de régulation asservie à la consigne de maintenir au meilleur prix le niveau du bassin rigoureusement constant. Le gestionnaire du système en a la responsabilité.

Aujourd’hui, le gestionnaire du système français est RTE. Pour ce qui est de la recherche du meilleur prix, l’essentiel vient d’être dit sur la mission et sur les prérogatives en découlant dont on devrait habiliter les services de RTE en ayant la charge, sachant que le marché réputé libre et sans entrave des KWh s’exerce et ne devra toujours s’exercer qu’à l’extérieur du système électrique, mettant en relation les entrées et les sorties dudit bassin.

Intéressons-nous avec une attention toute particulière au juge de paix, au censeur implacable d’un marché possiblement impraticable, inconséquent ou malhonnête : la régulation de niveau dudit bassin, c’est-à-dire la maîtrise de l’équilibre production-consommation par le Centre National d’Exploitation du Système (CNES), le service ad hoc de RTE. Ce qui suit a trait au corollaire vital d’une production de base largement majoritaire que les fournitures les plus anarchiques sont autorisées à abonder, à la faveur d’une sélectivité tarifaire pour le moins très floue.

La fréquence f à 50 Hertz (Hz) du courant distribué est l’image de l’équilibre production-consommation. Le premier niveau de la régulation visant à garder cette valeur constante s’appelle réglage primaire de fréquence. Son expression mathématique s’écrit ∆p = – k ∆f où ∆p est la variation de puissance induite par la régulation, en réaction proportionnelle à une variation de fréquence intempestive et en sens inverse :

– Cette régulation est un automatisme dont tous les groupes de production sont dotés, sauf les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, sur lequel le CNES n’a aucune prise.

– Pour chacun de ces groupes de production la relation de proportionnalité ci-dessus définit une courbe dite de statisme – ensemble des couples puissance/fréquence – à partir de laquelle le CNES sait la réserve primaire de puissance réglante que chacun met à disposition de la sécurité du système. Naguère, la réserve primaire européenne totale représentait au moins 3 % de la puissance en service.

– Les forces électromagnétiques rendant physiquement solidaires les groupes débitant sur un même réseau, la participation de chacun à ce réglage primaire de la fréquence commune s’exprime en MW/Hz ; celle d’un groupe nucléaire de 900 MW valant 450 MW/Hz, celle de la plaque électrique européenne ayant pu dépasser 30 000 à 35 000 MW/Hz…

 

Question : doit-on abandonner à tous les impétrants en production d’électricité la totale liberté d’imposer au système une production dépourvue de l’autorégulation requise par la sécurité du système, une absence que les autres producteurs ont l’obligation de pallier ?

Après perturbation, le réglage primaire de fréquence parvient généralement à stabiliser le système à une fréquence différente de 50 Hz, équilibre ne pouvant être conservé. C’est alors au réglage secondaire fréquence-puissance de rétablir la situation, un réglage télécommandé par le CNES et agissant en termes de niveau sur tous les groupes qui en sont dotés, auxquels éolien et photovoltaïque n’appartiennent pas. De -1 à +1, ce niveau peut parcourir en plus ou en moins toute la bande de réglage propre à chaque groupe ; la demi-bande pouvant valoir jusqu’à 25 % de la puissance nominale d’un groupe hydraulique, 5 % de celle d’un groupe nucléaire.

Sachant que, dans notre pays, la puissance totale requise du réglage secondaire fréquence-puissance a pu atteindre 2 à 2,2 GW en pointes d’hiver, la même question que précédemment s’impose.

Dans certaines situations limites, les deux réglages précédents peuvent ne pas parvenir à résorber totalement les écarts de transits d’interconnexions, plus généralement, les écarts de fréquence. C’est alors à la réserve tertiaire ou réserve tournante d’intervenir.

Sachant que la somme de cette dernière réserve et de la demi-bande du réglage secondaire, appelée marge d’exploitation, a pu dépasser 6 GW il n’y a pas si longtemps, sans le recours exclusif et à prix d’or à une exotique source gazière en cours de tarissement, à qui doit incomber en dernier ressort la responsabilité de faire émerger le signal prix du KWh marginal ? Aujourd’hui en France, moyennant modération de la frénésie de transition, ce KWh marginal aurait très bien pu être charbon ou fuel… ne suggérant qu’un préjudice très relatif.

Au-delà de la situation limite précédemment mentionnée, voire en désespoir de cause, on doit théoriquement pouvoir compter sur la puissance d’ajustement contractuellement requise de tous les producteurs, puis, sous moins de 30 minutes, sur les réserves également contratuelles rassemblant toutes les possibilités de production complémentaires, enfin, sur les réserves exceptionnelles seulement sollicitables en situation de dégradation avancée du réseau, comme lors de la tempête de 1999.

 

Question : la réserve contractuelle étant réputée de l’ordre de 1500 MW, qui est dans l’obligation de la constituer et de quoi est-elle composée, en dehors du gaz ? Même question pour les réserves exceptionnelles…

En ce qui concerne le réglage de la tension, on pourrait sans peine procéder à une approche analogue des obligations techniques et économiques qui devraient conditionner la présence sur le réseau de tout outil de production et par conséquent la présence sur le marché de tout opérateur. Certes, un tel ensemble de contraintes peut dissuader un nombre prohibitif de producteurs à s’inscrire dans une concurrence pourtant seule capable de faire triompher les KWh au meilleur rapport qualité/prix. Hélas, le cas échéant, ce serait là la démonstration qu’un tel marché n’est tout bonnement pas viable. Car on imagine mal son existence sans la présence du gendarme économique et technique caractérisé plus haut, régentant en France un commerce libre et ouvert des KWh électriques, connecté à celui des marchés voisins, mais imbriqué dans aucun d’eux.

La composante technique d’une exploitation technico économique rigoureuse, professionnelle et responsable de tout système électrique doit dominer, dit l’auteur de ce texte, lui-même technicien et se faisant l’écho de bien de ses confrères. Hélas, si la révolution de 1789 n’eut paraît-il aucun besoin de savants, la France de 2022 semble avoir davantage besoin de consultants, de communicants et d’avocats que de techniciens, à en juger par la portion congrue réservée au droit au chapitre de ces derniers, dans le débat public.

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  • Le Qualificatif « Non Faussé » est justement une invention des Malades qui dirigent l’UE.
    Non Faussé signifie précisément pour qui sait decoder un minimum : Totalement truqué, vérolé, manipulé, artificiel, Bidonné, Immagniné pour faire du fric atrificiellement sur le dos des autres et des peuples.
    L’UE est une escroquerie, ou le libéralisme n’existe pas !

  • bonjour Mr. Pellen
    on l’a dit ,répété, démontré,il y a déjà 20 ans,
    mais ,on pouvait très bien imaginer que les détracteurs se trompaient, qu’ils agissaient au nom d’intérêts obscurs, qu’ils étaient des « ringards »,
    Ce qui ne sidère, maintenant ,c’est que nous voyons la faillite désastreuse de cette filière, et que ,bien que sous nos yeux, on continue à vouloir imposer cette gabegie.
    En permanence ,dans les médias, on ne cesse de réclamer plus de hachoirs à oiseaux,de panneaux chinois, alors que dans tous les pays ayant investi dans ces filières, le prix du kwh explose, et la possibilité d’un effondrement du réseau devient prégnante.
    Le plus aberrant, mais parfois cela tourne à la farce, c’est que l’on est conscient que ces filières ne peuvent éventuellement être utiles que si l’on dispose de moyens de stockage conséquent, et on a vu fleurir des « trucs » dignes de géo trouvetout de maternelle,qui ont trouvé des financements.inutiles, idiots, rigolos, les exemples foisonnent
    L’aveu de l’échec, qui aurait du faire au moins s’interroger nos « élites » est la classification du gaz, en énergie « verte », un comble.
    Malgré tout cela, on va continuer, on va même accélérer la gabegie
    L’argument répété comme un mantra, c’est que nous devons diversifier nos source d’énergie, et que nous avons besoin de renouvelables dans le mix énergétique, alors que cela n’a aucune utilité, que du contraire,.
    La question que je me pose depuis pas mal de temps: sont-ils tous imbéciles, hypothèse à ne pas écarter d’emblée , ou bien, ces filières ont mis en place des stratégies occultes très efficaces, car au stade où nous en sommes, une explication s’impose.
    La religion CO2 va à terme précipiter notre déclassement,au grand bénéfice de la Chine, qui elle ne s’embarrasse guère du climat, comme Vlad le boucher d’ailleurs.
    La situation actuelle est ubuesque, nos politiques courent comme des poulets sans tête de par le monde pour quémander quelques m/3 de gaz ,à prix d’or( Total profite d’ailleurs honteusement de la situation), mais par contre, notre gaz de Moselle attend toujours son permis d’exploiter depuis…5 ans, idem en UK pour le gaz de schiste, alors que des usines ferment, que nous allons manquer d’engrais
    Nous sommes dans une guerre de religion, nos ennemis les plus redoutables sont parmi nous, et ils sont « verts »,toute explication rationnelle n’aura aucun effet, c’est une lutte idéologique, vitale

    • J’aime beaucoup votre dernière phrase, je la comprends parfaitement et la partage à 100%, la cinquième colonne verte est dans une activité incessante et quasiment personne en face ne réagit, pétrifié par la peur.

    • Rien à ajouter, Excellent!

    • Maintenant qu’on a formaté nos esprits (les socialistes avec leur COP21 et l’éducation nationale) à l’écologie pour faire plaisir à une minorité bruyante qui est leur alliée, difficile de revenir en arrière. Ce serait démontrer que les politiciens sont des menteurs prêts à n’importe quoi pour se faire élire.

    • les collectivistes ne reconnaissent jamais leurs erreurs : c’est une marque de bêtise.

  • Les commentaires sont fermés.

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