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La mondialisation a conduit à une révolution de la raison judiciaire, de la juris dictio.
Allard et Garapon notent très justement :
« Le forum judiciaire transnational invite à penser la jurisdictio à l’écart de l’imperium, et à concevoir la valeur d’une norme juridique privée de force contraignante. »
Une rationalisation des décisions judiciaires accrues en raison de la multiplicité des sources juridiques
Ainsi, « le recours à des décisions étrangères, ces discussions répétées sur l’efficacité de chaque dispositif, l’évaluation permanente des systèmes juridiques entre eux, bouleversent en fait la définition du droit, ainsi que ses modes de production et de reproduction. Elle érode le lien, qui paraissait indissoluble, entre le droit, d’une part, et un législateur et un territoire nationaux, de l’autre. »
La globalisation du droit entraîne comme effet une nouvelle rationalité dans les jugements, notamment par l’introduction de pensées étrangères à l’ordre juridique national.
Dès lors :
« Le juge cherche à donner à son opinion personnelle, une assise plus générale et par là même, plus acceptable. Parce qu’il prétend à un degré supérieur de rationalité, il donne à sa décision un caractère plus universalisable. En ce sens, l’autorité qu’il reconnaît aux décisions étrangères n’est pas contraignante, mais plutôt persuasive. »
Concrètement, cela se traduit par la citation de jurisprudence étrangère, que ce soit explicite (citation directe) ou implicite (référence à un concept juridique étranger). Avec la multiplication des sources juridiques dans lesquelles les décisions puisent leurs arguments, la décision voit sa forme être modifiée mais, dans le même temps, renforce sa rationalité. Ainsi, le détour par d’autres cultures juridiques permet une lecture critique et plus rationnelle de sa décision voire de sa culture juridique.
Un autre point à souligner concerne la nouvelle légitimité des juges permise par la globalisation du droit, notamment par l’acceptation, de la part des juges, de voir leurs jugements évalués par leurs pairs. Ainsi, la globalisation du droit « produit et stimule une légitimité horizontale d’ordre à la fois relationnel et rationnel, social et intellectuel. La référence à un ensemble plus vaste de décisions procure une légitimité elle-même plus vaste. La décision inspirera d’autant plus de respect que les arguments d’autres juges y seront pris en compte ».
Cette rationalisation s’exprime aussi dans le raisonnement juridique.
En effet :
« Les juges, dans la mondialisation, réfléchissent de plus en plus à partir de cas exemplaires. Ils n’appliquent pas une règle de droit mondiale à des cas particuliers, mais remontent du cas à une règle. Le jugement ne crée pas une nouvelle règle, mais peut acquérir le statut d’exemples pour d’autres jugements, qui s’en inspireront. L’articulation entre général et particulier est rejoué à chaque fois, dans chaque jugement. Le droit mondialisé, en ce sens, ne se réalise que dans les cas particuliers dont il part toujours. »
Cela enfin, a des conséquences portant à la fois sur la production et reproduction normative ainsi que sur la connaissance juridique. D’où l’importance de favoriser l’accès aux décisions étrangères et d’où l’importance de se former au droit comparé, ou plutôt d’intégrer du droit comparé dans chaque matière. L’étudiant en droit sortant de la faculté ne doit pas subir cette révolution juridique qui lui tombe dessus, lui faisant comprendre l’importance des décisions étrangères. Il doit alors, dès la première année, se familiariser avec d’autres cultures juridiques.
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