Le président américain Calvin Coolidge : né un 4 juillet

Il y a 150 ans naissait John Calvin Coolidge qui devait être le plus libéral de tous les présidents américains.

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Le président américain Calvin Coolidge : né un 4 juillet

Publié le 4 juillet 2022
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Il y a 150 ans naissait John Calvin Coolidge qui devait être le plus libéral de tous les présidents américains. Il n’est guère connu en France. Bien sûr, certains parlent du « Président Coolidge » comme d’un « géant englouti » mais ils font référence à une épave de la Seconde Guerre mondiale, un luxueux paquebot baptisé en son honneur et réquisitionné par l’armée qui devait couler, victime d’un champ de mines, au large d’Espirtu Santo (Nouvelles Hébrides), le 26 octobre 1942.

 

Un président méconnu qui mérite le détour

Ils ne sont pas nombreux les gouvernants qui laissent les finances publiques dans un meilleur état qu’à leur arrivée au pouvoir (suivez mon regard). Coolidge est également célèbre pour avoir opposé son veto à une loi qui aurait augmenté de 50 % les salaires des législateurs de l’État. Partisan du vote des femmes, hostile à la prohibition, Coolidge était favorable aux droits civils des Afro-américains. Sous sa présidence, les Amérindiens devinrent citoyens américains tout en conservant les droits fonciers des tribus…

S’il ne croyait pas au droit naturel, il aimait les chiens mais pas les membres du Ku Klux Klan ni les lynchages.

Vous pouvez ne pas croire au père Noël. Pour lui, Noël était avant tout un état d’esprit. Il devait déclarer lors de son installation à la présidence :

Le précepte fondamental de la liberté est la tolérance. Nous ne pouvons permettre aucune inquisition, que ce soit dans le cadre de la loi ou en dehors, ni appliquer aucun test religieux pour l’exercice d’une fonction. L’esprit de l’Amérique doit être libre à jamais.

 

Coolidge, incarnation du rêve américain

À l’image de sa date de naissance, le 4 juillet 1872, il incarnait le rêve américain. Son enfance est besogneuse. Ce garçon mélancolique et taciturne, qui a perdu sa mère jeune, tient de son père son calme et son sens de l’épargne. Il aide son père à tenir les comptes, à vendre des pommes et à effectuer d’autres tâches dans sa boutique et dans la ferme familiale. Cet élève moyen n’a d’autre ambition semble-t-il que de suivre les traces paternelles : petit commerçant dans une petite ville.

Mais son entrée dans le prestigieux Amherst College (Massachusetts) change la donne. Il s’y révèle brillant. Membre du Republican Club et de la fraternité Phi Gamma Delta, Coolidge se fait une réputation d’orateur plein d’esprit. Il est choisi par ses camarades pour prononcer le Grove Oration, le discours humoristique de la remise des diplômes de fin d’études. Il a fait à l’Université des rencontres qui l’aideront dans sa carrière politique.

 

Une irrésistible ascension

En attendant, le voici avocat mais aussi impliqué dans la vie politique locale à Northampton (Massachusetts). Après tout, son père a occupé de nombreux fonctions locales, siégeant six ans à la Chambre des représentants puis au Sénat de l’État du Vermont. Bien intégré au sein du parti républicain, il entre à la chambre législative du Massachusetts en 1907, avant de devenir maire de Northampton puis sénateur de son État et enfin gouverneur (1918).

C’est ce dernier poste qui lui donne une notoriété nationale. Il fait appel à la Garde nationale pour briser une grève de la police de la ville de Boston répondant au responsable de l’American Federation of Labor :

Il n’existe pas de droit de grève contre la sécurité publique par qui que ce soit, où que ce soit, quand que ce soit.

Cette attitude « réactionnaire » le rend populaire et ne l’empêche pas de mener une politique d’esprit progressiste. Il augmente le salaire des employés du secteur public en fonction du coût de la vie, limite la semaine de travail des femmes et des enfants à 48 heures et impose des limites à la publicité en extérieur.

 

Se raser avec le chapeau sur la tête

Au début de sa carrière politique, il avait épousé Grace Anna Goodhue, une universitaire qui enseignait à l’Institut Clarke pour les sourds de Northampton. Elle était tombé amoureuse de lui d’une façon très originale en passant devant sa pension de famille. Il se rasait devant la fenêtre ouverte en sous-vêtement mais avec un chapeau sur la tête. Elle ne put s’empêcher d’éclater de rire, attirant son attention. Ce gentleman ridicule mais précautionneux, qui voulait éviter que sa chevelure ne lui tombe sur les yeux pendant le rasage, lui fit peu après sa déclaration.

Elle eut la bonne idée de répondre oui. Elle ne devait pas le regretter. Lui non plus.

 

Coolidge prête le serment présidentiel devant son père

À la Convention républicaine de 1920, il est le candidat de son État mais n’attire guère l’attention. Mais la volonté des dirigeants du parti d’imposer comme numéro deux du ticket le sénateur Irving Lenroot du Wisconsin pousse de nombreux dissidents à soutenir Coolidge. C’est ainsi qu’il se retrouve l’obscur vice-président du charismatique Warren G. Harding dont la décontraction rimait avec corruption. Mais le charisme ne protège pas des faiblesses du cœur.

Dans la nuit du 2 août 1923, Calvin Coolidge est réveillé en pleine nuit par son père dans la maison familiale de Plymouth Notch, dans le Vermont, où il passe ses vacances. Le président vient de succomber à une crise cardiaque. Coolidge s’agenouille, prie et descend au rez-de-chaussée. La maison est vite envahie par les journalistes.

À 2 h 24 du matin, à la lumière d’une lampe à pétrole, il prête serment sur un exemplaire de la Constitution devant son père qui est juge de paix. Devenu trentième président des États-Unis, Calvin Coolidge se recouche peu après pour dormir du sommeil du juste. C’est ainsi qu’il bâtit son image du « cool » Coolidge. Il renforce bientôt sa réputation de droiture en faisant enquêter sur les affaires de corruption qui avaient éclaboussé la présidence républicaine.

 

L’élu de 1924

Il est prêt à se faire élire sur son nom en 1924 avec comme colistier Charles G. Dawes, de l’Illinois, l’homme du plan du même nom. Le programme républicain met l’accent sur le plan extérieur sur le recouvrement des dettes étrangères et l’adoption d’un tarif protecteur. En revanche, sur le plan intérieur, il s’agit de réduire les impôts et mettre fin aux subventions agricoles. Le volet social n’est pas négligeable : journée de travail de huit heures et interdiction du travail des enfants. Enfin, est mise en avant l’adoption d’une loi fédérale contre le lynchage. Mais la mort brutale d’un des fils de Coolidge, âgé de 16 ans, infecté en jouant au tennis, jette un voile de tristesse sur l’élection.

En face les démocrates se divisent et une candidature progressiste dissidente handicape les adversaires des républicains. Les électeurs préfèrent rester cool avec Coolidge. Le républicain a su utiliser la radio pour ses discours de campagne. Son ancien condisciple, le publicitaire Bruce Barton construit l’image d’un président simple ancré dans l’Amérique profonde par le biais d’interviews, de portraits dans les magazines et la publication de ses discours. Au final, Coolidge l’emporte avec 54 % des voix, contre 28,8 % pour le démocrate Davis et 16,6 % pour le progressiste LaFollette. Il obtient 382 voix des grands électeurs de 35 États.

 

Coolidge, héraut de l’État minimal

En dépit de son laconisme légendaire, Coolidge sera tout sauf un président muet. Il va tenir 520 conférences de presse, soit près de huit par mois, et s’exprime à la radio au moins une fois par mois. Il pose devant les photographes en salopette dans la ferme de son père, en coiffe indienne pour s’adresser aux Sioux et en chapeau et bottes de cow-boy dans le Dakota du Sud.

S’il exerce ses fonctions avec sérieux, il laisse aux États le soin de résoudre la plupart des problèmes. Sa philosophie politique se résume en une heureuse formule : « Quatre cinquièmes de tous nos problèmes disparaîtraient si nous nous asseyions et restions tranquilles. »

N’avait-il pas commencé par installer un rocking-chair à la Maison-Blanche ?

 

Le champion des réductions d’impôts

Il se fait le champion de la réduction des impôts, les Revenue Acts de 1924 et 1926, cheval de bataille de son secrétaire au Trésor Andrew Mellon. De nombreux observateurs attribuent à ces réductions ce que l’on a appelé la « prospérité Coolidge » : une croissance robuste, des salaires en hausse, une baisse du chômage et de l’inflation. Il réduit la dette extérieure et dégage un excédent budgétaire, conséquence de l’État minimal. Le président oppose son veto à une loi du Congrès visant à acheter les récoltes excédentaires à des prix fixés artificiellement, ce qui aurait favorisé la surproduction.

Il n’appréciait guère son ministre du Commerce, Herbert Hoover :

« Il m’a donné des conseils tous les jours pendant six ans sans que je demande rien, tous mauvais. »

Coolidge lui a néanmoins cédé en signant le Radio Act. Les ondes devenaient une propriété publique, soumises au contrôle gouvernemental de la nouvelle Federal Radio Commission. Il a accepté également d’accorder des aides fédérales lors de la catastrophique et exceptionnelle inondation du Mississippi de 1927. Villes et États pouvaient difficilement supporter tous les coûts.

 

Une certaine indifférence pour la politique extérieure

Ni internationaliste wilsonien, ni isolationniste, Coolidge s’intéresse peu à la politique internationale. Il permet cependant à Charles Dawes d’essayer de régler les problèmes financiers européens découlant de la Première Guerre mondiale. Le plan Dawes introduit des mécanismes visant à équilibrer le budget allemand, à réorganiser la Reichsbank et à stabiliser la monnaie. Coolidge a également signé le pacte Briand-Kellog, qui renonçait à la guerre comme moyen de résoudre les conflits. Il doutait que ce texte surtout symbolique puisse réellement empêcher la guerre. Mais c’était une étape vers la construction d’un droit international.

Fidèle à la Doctrine Monroe, il ne remet pas en question l’interventionnisme américain en Amérique latine. Cependant, en 1928, le président Coolidge se rend personnellement à La Havane. Il souhaitait intervenir à la conférence des républiques de l’hémisphère occidental et tendre un rameau d’olivier. C’était la prise de conscience de la nécessité d’un changement de politique.

Il surprend tout le monde en décidant de ne pas se représenter en 1928. N’aimant guère le pouvoir pour lui-même, il se dit « soulagé des prétentions et des illusions de la vie publique ». À sa retraite, Coolidge retourne à Northampton, dans le Massachusetts. Il y passe les quatre années suivantes à écrire son autobiographie et des articles pour des magazines nationaux. Le 5 janvier 1933, juste après le déjeuner, Coolidge s’effondre en allant faire sa sieste habituelle. C’était peu de mois avant l’investiture de Roosevelt qui allait balayer son héritage libéral.

 

Quelques citations de Coolidge

Il avait la réputation d’être avare de ses mots d’où le surnom de « Silent Cal ». Selon sa fameuse formule : « Si vous ne dites rien, on ne vous demandera pas de le répéter ».

Et l’homme ne manquait pas d’humour. À une dame dans un dîner qui lui disait : « Vous devez me parler, Monsieur le Président. J’ai fait le pari aujourd’hui que je pourrais obtenir plus de deux mots de vous. » Coolidge répondit : « Perdu. » (You lose)

Voici donc un florilège de citations :

« L’homme qui construit une usine construit un temple, que l’homme qui y travaille vénère, et à chacun est dû, non pas le mépris et le blâme, mais la révérence et la louange. »

« J’ai remarqué que rien de ce que j’ai dit ne m’a jamais fait de mal. »

« On ne peut pas en savoir trop, mais on peut en dire trop. »

« Aucune entreprise ne peut exister pour elle-même. Elle répond à un grand besoin, elle rend un grand service, non pas pour elle-même, mais pour les autres ; ou, à défaut, elle cesse d’être rentable et cesse d’exister. »

« Ils me reprochent d’insister sur l’évidence : si tous les habitants des États-Unis faisaient les quelques gestes simples qu’ils savent devoir faire, la plupart de nos gros problèmes se résorberaient d’eux-mêmes. »

« La civilisation et le profit marchent la main dans la main. »

Et enfin une dernière formule dont la crise covidienne a démontré la profonde vérité :

« Lorsque les gens sont déconcertés, ils ont tendance à devenir crédules. »

 

En guise de conclusion

L’excellente réputation de Coolidge a sombré dans les années 1930. La prospérité et les espoirs de paix suscités par la diplomatie de Frank B. Kellogg n’étaient plus que des souvenirs. Ainsi, les keynésiens fervents attribuent la crise économique qui a suivi au non interventionnisme de la Maison Blanche. Cette politique aurait encouragé la spéculation, l’endettement des Américains et favorisé les inégalités de revenus. Les idolâtres du libéralisme assurent de leur côté qu’il aurait terrassé la Grande Dépression d’une pichenette. Ouais…

Il faudra attendre Ronald Reagan pour que Coolidge revienne en faveur dans le camp républicain. Pourtant, aux yeux de beaucoup, il ne fut pas un « grand président » à l’image de Wilson ou du second Roosevelt.

Effectivement, car il fut mieux que cela : un bon président.

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  • ni grand ni bon, élu….

    il ne faut pas tant prôner le libéralisme que de rappeler sans cesse les « échecs » de l’etatisme.. et la folie de penser que l’etat est à même de régler les problèmes qu’il a créé..

  • Merci pour cet éclairage sur un président méconnu.
    Dans la plupart des manuels, on a tendance effectivement à le présenter comme un des responsables de la crise de 1929 ou tout du moins pour un falot.
    Les citations que vous indiquez le feraient passer pour un dangereux ultra-libéral-réactionnaire-quasi-fasciste pour les 4/5èmes des journalistes de notre beau pays.

  • Les commentaires sont fermés.

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