Et si l’on remettait le politique à sa place ?

Les résultats des législatives 2022 sont conformes à ce qu’on pouvait déjà en dire à l’issue du premier tour : moins de majorité, plus d’opposition et nul espoir de réforme libérale. Livrons-nous cependant à une petite introspection : sommes-nous réellement prêts à soumettre nos vies à l’influence exclusive du politique ?

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Et si l’on remettait le politique à sa place ?

Publié le 20 juin 2022
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Je lisais hier dans Le Monde une enquête assez larmoyante sur la vie pas si rose que ça des femmes enceintes et des futures mères. On nous y expliquait que face au récit convenu de la maternité forcément heureuse, la parole des femmes se libère de plus en plus pour témoigner d’un envers du décor essentiellement constitué de souffrance, déprime, vergetures et isolement. Là n’est pas le thème central de mon article du jour, mais j’y trouve néanmoins un parfait exemple de ce que je veux vous dire.

Car après une longue série de complaintes plus désespérantes les unes que les autres, à peine entrecoupées de la mention de l’existence d’opinions adverses, la sage-femme Anna Roy, figure médiatique du combat pour « lever les tabous sur la maternité » et dénoncer le manque de moyens afférent, nous livre le mot de la fin :

Il faut passer de la libération de la parole des femmes à l’action politique autour du devenir parent, et vite.

L’action politique autour du « devenir parent »…

C’est très clair. L’individu quel qu’il soit est considéré d’entrée de jeu comme incapable de vivre sa vie sans l’encadrement indispensable et permanent des pouvoirs publics. Que deviendrions-nous si l’on n’avait au-dessus de soi une autorité décrétée omnisciente pour nous guider à chaque pas, nous encadrer et finalement nous formater dans un profil d’existence validé en haut lieu ?

Le tout, au frais du contribuable que nous sommes aussi la plupart du temps, naturellement. Dans le contexte quasi-sacré de notre modèle social fondé sur un État providence de plus en plus nounou, qui dit « politique », dit évidemment « plus de moyens ».

Et c’est ainsi que petit à petit, à mesure que les bons sentiments se déclinent en bons comportements et envahissent le champ du politique, nous sommes appelés à payer toujours plus pour voir notre autonomie, notre esprit de responsabilité, nos possibilités de choix, nos interactions sociales directes et l’étendue de notre vie privée se réduire toujours plus également.

Du côté des bons sentiments, on pense immédiatement au stage vélo de remise en selle, petit bijou d’infantilisation concocté à nos frais par Elisabeth Borne quand elle était ministre de la Transition écologique et solidaire.

Solidaire… Tel est en effet l’argument-massue de toutes ces mesures prises dans le but de nous protéger et nous aider. Comme l’écrivait Emmanuel Macron dans sa Lettre aux Français de janvier 2019 (pour lancer l’épisode Grand débat national) :

La France n’est pas un pays comme les autres. Le sens des injustices y est plus vif qu’ailleurs. L’exigence d’entraide et de solidarité plus forte.

Mais de quelle entraide s’agit-il ? De quelle solidarité parlons-nous ?

De celles, réelles, profondes, directement issues de notre attention personnelle aux autres, de notre reconnaissance bouleversée de l’humanité de l’autre, que nous allons apporter spontanément à nos voisins, parents, amis ou même inconnus au bord du chemin lorsqu’ils ont besoin de nous ?

Ou plutôt de ce système parfaitement anonyme et administratif qui taxe d’un côté et redistribue de l’autre selon des critères « solidaires » décidés dans des bureaux en fonction des agendas des politiciens au pouvoir, sans que le moindre regard d’humanité, sans que le moindre regard de compréhension soit échangé entre celui qui donne et celui qui reçoit ?

La solidarité des droits et des guichets est-elle vraiment une solidarité ? La question se pose. Après plus de 70 ans d’État providence et de discours enflammés sur la beauté du collectif et la supériorité de notre modèle social, on n’en revient pas de constater que c’est encore au nom de l’isolement et de la fragilité supposée des personnes que de nouvelles mesures de soutien en tout genre doivent être prises. Et si c’était précisément l’emprise de cette solidarité institutionnelle désincarnée qui générait l’effondrement des relations interpersonnelles au sein des familles et dans les quartiers ?

Nombreuses sont les personnes qui, sollicitées à titre privé pour soutenir une cause par un don, vous répondront qu’avec tous les impôts qu’elles payent déjà, elles ne vont pas donner en plus à ceci ou cela et vous suggéreront de vous adresser à la mairie, à la région pour obtenir une subvention qui existe certainement. Tout se passe comme si la solidarité connaissait le même sort : l’État a sûrement prévu quelque chose – et si ce n’est pas encore le cas, il faut se mobiliser pour qu’il le fasse ; pourquoi s’en préoccuper personnellement ?

Après le versant des bons sentiments, passons au versant des bons comportements. Difficile de ne pas penser par exemple aux déclarations de l’ex-candidate de la primaire écologiste Sandrine Rousseau sur le fait que « le privé est politique » – privé étant entendu au sens de vie privée, vie personnelle. En vertu de quoi notre célèbre écoféministe de combat voudrait voir reconnaître un délit de non-partage des tâches domestiques au sein des couples.

Eh oui, elle a déjà tout organisé et tout calculé pour vous. Au fond, c’est très simple : il n’existe qu’une seule façon de vivre en couple et je vais certainement vous étonner, mais il se trouve que c’est la sienne. Les hommes et les femmes sont-ils si complètement idiots qu’ils soient incapables de s’entendre au sein d’un couple sans les conseils en vie conjugale de Mme Rousseau ? Sont-ils si dénués d’aspirations personnelles qu’il faille tout organiser à leur place comme si la vérité dans la recherche du bonheur devait obligatoirement venir d’une autorité autoproclamée supérieure ?

Si « le privé est politique » comme elle le prétend – et comme le prétendait aussi Éric Zemmour quand il parlait de limiter par la loi le choix des parents quant aux prénoms de leurs enfants « pour que la France reste la France » – il en résulte assez directement que l’individu est dépouillé de sa capacité à faire des choix et prendre des décisions informées et autonomes. Sa seule et unique liberté consistera dès lors à se conformer aveuglément à ce que l’autorité politique aura décidé pour lui – ou à devenir hors-la-loi, puni, rejeté de la société.

Tous ces exemples, qu’ils soient effectivement mis en œuvre ou qu’ils en soient encore au stade du lobbying appuyé, témoignent d’un envahissement croissant du politique normatif dans tous les recoins de notre vie la plus privée, la plus intime, aux dépens de nos libertés et de notre prospérité. En attestent notre inflation législative et normative unique au monde, le niveau olympique de nos dépenses publiques, et le fait que malgré tout ce pognon de dingue solidairement déversé par milliards, « les gens, ils sont quand même pauvres » (rare moment de lucidité d’Emmanuel Macron).

Ce pays, que nous aimons pour mille excellentes raisons, est-il si complètement foutu ? Difficile de dire avec certitude de quoi l’avenir sera fait, mais ne l’enterrons pas trop vite. Essayons de le transformer. Essayons d’insuffler de nouvelles idées.

À ce propos, j’ai une bonne nouvelle : il existe une autre façon de considérer le champ du politique. Une façon qui non seulement le renvoie très fermement à la place et uniquement la place qui est la sienne mais qui a aussi l’avantage de la crédibilité car elle a précisément émergé dans la pensée occidentale quand est venu le moment de s’extirper de l’absolutisme royal qui dominait jusqu’alors – un absolutisme qui lui aussi dictait de a à z les modes de vie et de pensée.

Ce sont les rédacteurs de la Déclaration d’indépendance des États-Unis (1776) qui à mon sens l’expriment le mieux :

Tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés.

Rien ne dit qu’il n’existe qu’un seul modèle de bonheur sur Terre. Tout l’enjeu entre les gouvernés et les gouvernants consiste à trouver un gouvernement qui respectera cela. Qui ne cherchera pas à s’immiscer entre les hommes et leur idée du bonheur en voulant à toute force « faire leur bien » ou les cantonner dans des comportements autorisés par pure idéologie. Qui respectera la diversité des aspirations et des accomplissements humains.

Telle serait une société libérale, éclairée par un harmonieux mélange de science et d’expérience.

Oh, je sais. On va me dire que sans garde-fous, ce sera le paradis des loups libres dans un poulailler libre, comme si tout le monde était invité à faire tout et n’importe quoi en fonction de ses purs désirs individuels sans considération pour l’existence d’autrui. Eh bien, là aussi, j’ai une bonne nouvelle : restauration du régalien, séparation des pouvoirs et État de droit. Pas seulement l’apparence de, mais la réalité.

Bref, soyons audacieux : remettons le politique à sa place, renvoyons les politiciens à leurs minuscules ambitions et parions sur les hautes qualités d’une Constitution entièrement dévolue à déterminer les rapports entre les gouvernants et les gouvernés plutôt qu’à dicter le bon, le bien, le beau.

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  • Dans notre Déclaration des droits à nous, je ne trouve pas trace de la recherche du bonheur.
    Voilà pourquoi nous sommes une nation malheureuse, pourquoi la fin de nos films, quand ils s’exportent aux Etats-Unis, doit être réécrite de manière plus positive. Nous broyons du noir.
    Voilà pourquoi aussi, hélas, ce sont d’autres que nous qui décident de notre bien.
    Comment notre pays peut-il encore tenir debout ?

    • @Abon Neabsent
      Bonjour,
      Dans notre Constitution, il y a écrit « Gouvernement du Peuple, par le Peuple et pour le Peuple »… nous en sommes loin.
      De plus, la Constitution stipule que les français sont solennellement attachés à la DDHC de 1789 qui, elle, parle de la recherche du bonheur ; bonheur qui devient « malheurs publics » quand les Droits fondamentaux sont oubliés, ignorés, méprisés ce qui, en plus, cause la « corruption des gouvernements ».

      • Relu. Pas trouvé.

        • Dans le préambule.

        • Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.

          En conséquence, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les droits suivants de l’homme et du citoyen.

          • Voui… Si on veut. Parce que ce bonheur (collectif) m’apparaît plus comme un dommage collatéral, soyons sympa, une cerise sur le gâteau, mais SGDG, que comme un droit fondamental, AGDG.

            • @abonné absent Qui parle de bonheur collectif à part vous ?
              Apprenez à lire ce qui est écrit et à ne pas considérer votre ignorance comme un savoir. Le « bonheur de tous » ou « de chacun » si vous préférez ce n’est pas le bonheur collectif, c’est même exactement le contraire : la recherche de son propre bonheur ce que STF se tue a vous expliquer.

              -2
      • Bonjour STF. Le préambule de la DDHC de 1789 me fout la larme à l’œil. Les articles ne peuvent être compris sans cette lumière indispensable.
        Donc rien de nouveau sous le soleil, « l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements »
        Dites moi, vous qui vous y connaissez en DDHC et en Constitution, j’ai remarqué, pouvez vous m’expliquer l’article 2. Je ne le comprends vraiment pas ou alors a t’il été abrogé ou bien tout le monde s’en fiche ? C’est quoi le délire ?

  • Trop tard. Et méfiez-vous, quand vous serez en Ehpad, pour boire en période de canicule, les pailles pliables jetables étant interdites, vous aurez le choix entre ne pas boire, nettoyer soigneusement votre paille courbe au désinfectant bio avec la brossette ad-hoc, ou débarrasser le plancher pour faire de la place à ceux qui n’ont pas vos idées rétrogrades…

  • « Le privé est politique ». N’est-ce pas là exactement le point clé de la politique des Ayatollahs en Iran, et des Talibans en Afghanistan? C’est donc ça que vous voulez pour la France, Madame Rousseau, Monsieur Zemmour?

  • Rien à voir entre les 2 propositions dans le 2ème cas il s’agissait au contraire de limiter une possibilité de discrimination et de montrer par un geste fort une volonté d’intégration…N’importe quoi ce parallélisme:
    « Si « le privé est politique » comme elle le prétend – et comme le prétendait aussi Éric Zemmour quand il parlait de limiter par la loi le choix des parents quant aux prénoms de leurs enfants « pour que la France reste la France » »

  • Quel bonheur de voir, comme d’habitude, tant de lucidité, de clarté et d’intelligence. Ravi de vous suivre en espérant que vous gagnerez en notoriété pour diffuser ces évidences qui seules peuvent, à mon avis sauver notre humanité (aux deux sens du terme). Merci

  • Politicien remis à leur place :
    E. Macron : 18 772 819 voix sur 48 752 500 citoyens inscrits => 61,5% des citoyens français ne veulent pas de lui.
    Rares seront les députés qui auront fait autant que lui. Dans la dernière fournée de 2017, j’en avais trouvé 4 sur les 320 dont j’avais épluché les résultats qui avaient dépassé les 35%, (dont une seule avait atteint 44%.)

    • Il y aurait peut-être moins d’abstention et une représentativité du Parlement plus conforme à la préférence globale si chaque électeur avait le choix entre voter +1 pour son éventuel préféré ou -1 contre celui qu’il abhorre.
      Je propose cette modification salutaire de l’algorithme électoral.

      • Sûr. Et si aucun candidat, comme c’est probable, n’obtient de score positif ? Que fait-on ?

        • Dans ce cas qui est en réalité improbable, on prend celui qui est le moins détesté.
          Mais si un petit candidat laisse indifférent, par exemple un libéral assumé, il aura sûrement un petit score positif et sera donc élu.
          Ce serait peut-être la seule chance d’avoir quelques élus éclairés par les Lumières.

          • Les écolos auraient alors plus de chances que les libéraux. J’avais aussi imaginé ce système séduisant au premier abord, mais à la réflexion, comment aurait été la campagne présidentielle et qui serait élu, avec quel pourcentage ?

        • On les pend. Ça fera réfléchir les postulants.

        • Et bien il n’y a pas d’élu ni gouvernement .

  • Les commentaires sont fermés.

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