Guerre en Ukraine : l’Allemagne vassale de la Russie

La position de l’Allemagne vis-à-vis de la Russie n’a rien d’étonnant. Elle ne tranche pas aussi radicalement qu’elle le pourrait avec ses positions passées.

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Olaf Scholz by SPD Schleswig-Holstein 2 (Creative Commons CC BY 2.0)

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Guerre en Ukraine : l’Allemagne vassale de la Russie

Publié le 30 avril 2022
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En brandissant à nouveau la menace d’un troisième conflit mondial, la Russie rappelle aux plus aguerris la sinistre crise de Cuba et ramène l’Occident à la logique de blocs qui n’a jamais cessé de hanter le locataire du Kremlin. Une sémantique forte inversement proportionnelle à l’état d’une armée qui connaît aujourd’hui une déroute peut-être passagère, mais réelle, alors que des frappes ukrainiennes ont visé des dépôts de carburant sur le territoire russe, à quelque 150 km de la frontière.

Dans ce conflit, la position allemande continue d’être ambiguë.

L’annonce faite ce mardi par la ministre allemande de la Défense n’est pas sans l’illustrer.

La foire aux intérêts divergents

Annoncée mardi, la livraison à l’Ukraine de chars Guépard pourrait constituer un nouveau tournant majeur dans la politique étrangère allemande.

La livraison de ces chars spécialisés dans la défense anti-aérienne a été annoncée par la ministre de la Défense fédérale, Christine Lambrecht, lors d’une réunion d’une quarantaine de ses homologues à la base militaire américaine de Ramstein, située à 40 km de la frontière française et notamment connue pour un accident d’avion lors d’un meeting qui y fit 70 morts à l’été 1988.

La réunion, lancée à l’initiative du secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin et incluant le Japon et l’Australie, est destinée à renforcer la réponse défensive ukrainienne face à la Russie.

La décision allemande suit celle de ses homologues britanniques et français qui ont respectivement annoncé l’envoi de missiles anti-aériens Starstreak et de canons Caesar.

Cette réunion montre particulièrement bien la divergence d’intérêts entre Européens et Américains, les premiers se focalisant sur la paix lorsque les seconds, accélérant le tempo de la réponse otanienne, veulent éviter la reconstitution d’une superpuissance rivale.

Si cette livraison est jugée timorée à l’international, le débat sur la question fait rage au sein même du gouvernement du chancelier social-démocrate Olaf Scholz, où ce qui est justifié comme de la prudence dans un contexte de risque d’escalade vers un troisième conflit mondial est aujourd’hui pointé du doigt comme une politique russophile.

Une posture que la dépendance allemande au gaz livré par Moscou, 11 ans après l’annonce de la sortie du nucléaire par Berlin, ne peut que dévoiler un peu plus, mais qui s’inscrit dans le temps long de l’histoire diplomatique allemande.

Le SPD : un demi-siècle de russophilie

Marquée par un impérialisme qui en a fait le cœur de la diplomatie européenne durant 75 ans, la politique étrangère de l’Allemagne s’est démarquée par un rapport complexe à la puissance russe.

Si Bismarck s’allia avec les Russes, réputés pro-français, pour isoler l’Hexagone en Europe, la chute du chancelier tombé en disgrâce auprès de l’empereur Guillaume II refroidira rapidement les relations de deux pays toujours liés par de puissants intérêts commerciaux. Jusqu’à aujourd’hui, la Russie restera le premier partenaire commercial de l’Allemagne, essentiellement en raison des importations de pétrole et de gaz.

S’opposant durant le premier conflit mondial, les deux puissances régionales ne réchaufferont leurs relations qu’à partir d’intérêts bien compris, l’Allemagne signant une paix avec l’Ukraine et la Russie, embourbée dans la révolution d’Octobre, renonçant sans difficulté à certains territoires afin d’éviter de perdre les bénéfices de la paix. Cette tempérance ira jusqu’au traité de 1922, où les Soviétiques renoncent à leurs réparations contre la non-réclamation des biens confisqués par les Bolchéviques aux Allemands.

Durant les années 1930, le nazisme est considéré comme une menace pour les communistes, qui appellent à une alliance antifasciste avec les démocraties d’Europe de l’Ouest. Ces dernières refuseront et pousseront la Russie vers le pacte de non-agression de 1939 qui tiendra jusqu’à l’opération Barbarossa.

Durant les années 1970, l’Ostopolitik mise en place par les sociaux-démocrates de RFA pour normaliser les relations avec les pays du pacte de Varsovie marque le début d’une longue tradition pro-russe au sein du SPD.

Après la chute du Mur de Berlin, les sociaux-démocrates continuent de soutenir le partenaire russe, y compris après le début de la dérive autoritaire de Vladimir Poutine, soutenu par un Gerard Schröder très critiqué par les médias allemands et qui sera plus tard étrangement placé à des postes de direction dans des entreprises énergétiques russes. Des accusations qui prirent une telle ampleur qu’une procédure a été lancée il y a quelques jours par le SPD pour exclure l’ancien chancelier élu il y a bientôt un quart de siècle.

S’il est difficile d’oublier l’abandon du nucléaire par la chancelière Angela Merkel, les relations russo-allemandes se sont refroidies durant ses 15 années de mandat. Les plus aguerris se souviendront d’une rencontre avec Vladimir Poutine fin 2021 où, connaissant la cynophobie de la chancelière, le locataire du Kremlin n’hésitera pas à l’accueillir avec un labrador.

L’arrivée au pouvoir du social-démocrate Olaf Scholz changera radicalement la donne, d’autant que le chancelier gouverne avec des Verts allemands. Ces derniers, comme leurs homologues européens, masquent bien mal leurs liens avec la puissance belligérante, qu’ils financent par leur fanatisme antinucléaire.

Une Allemagne vassalisée

Si l’Allemagne a pu étonner par sa politique militaire inédite depuis 1945, la dépendance énergétique de la première puissance économique européenne au nom d’une justification prétendument écologique appuyée par un raisonnement antédiluvien l’empêchera toujours d’aller au bout de son ambition européenne.

En cela, l’Allemagne est le principal avatar de la véritable nature des écologistes européens, dont les financements douteux se révèlent davantage de jour en jour.

La position allemande n’a donc rien d’étonnant. Elle ne tranche pas aussi radicalement qu’elle le pourrait avec ses positions passées.

Winston Churchill aurait écrit au moment de la signature des accords de Munich qu’alors que « le gouvernement [britannique] avait le choix entre la guerre et le déshonneur ; il a choisi le déshonneur et il aura la guerre ». L’Allemagne est face à un choix similaire entre la confrontation et la dépendance. L’Histoire sait parfaitement où la seconde option la mènera.

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  • Le gaz n’a pas d’odeur mais un prix. Aucune raison de se considérer vassal de la Russie.. Serions nous tous vassaux de la chine ? Non, seulement partenaires économiques.
    Le problème n’est pas la et tout le monde le sait mais de l’autre côté de l’atlantique…

  • Il y a en Allemagne 21 bases américaines et 35 000 soldats + missiles, tanks etc etc…………Mais l’ Allemagne est vassalle de la Russie !!!!!!!!!!

  • Marre de ce choix déshonneur/guerre ! Poutine, l’UE et Biden ont tous choisi la guerre, alors qu’il n’était pas trop tard pour choisir une paix honorable. Tour à tour, ils ont explicitement refusé la paix.
    « C’est pas pour vous fâcher,
    Il faut que je vous dise
    Les guerres sont des bêtises,
    Le monde en a assez. « 

    • Et c’est Zelensky qui a chaque fois est parvenu à faire oublier au monde entier que le choix n’était pas limité au déshonneur vs. la guerre, mais comprenait aussi la paix honorable.

      • Le zèle sky, c’est l’huile sur le feu, il n’est pas la pour la paix mais pour la guerre, la der des der. Le but final est la destruction de l’europe, pour que les us puisse nt s’ attaquer à la Chine.. Mais la Chine a bien compris la chose… La perfide Albion dans ses œuvres… Les usa, bof, des marionettes…. Comme d’habitude, tellement enfantins, puérils, un peuple sans histoire !

  • Est ce que l’embargo sur le gaz va arrêter cette guerre ?
    On voit bien que non et que c’est une balle dans la tête que se tirent les pays vassaux des USA
    Le seul objectif raisonnable devrait être de négocier sans tarder avec la Russie une sortie de la guerre , et de l’imposer à ce qui restera de l’Ukraine, car c’est forcément comme çà que cela se terminera

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