Parmi les caractéristiques les plus notables de l’« exception française » se trouve l’anticapitalisme affiché et revendiqué par une bonne partie de la gauche, mais pas seulement. L’actuelle élection présidentielle s’inscrit dans la tradition. Il est vrai que sur les douze candidats du premier tour, au moins quatre, soit le tiers, se revendiquaient expressément de la mouvance crypto-marxiste.
Si nous reprenons les tracts du premier tour et en se concentrant sur l’anticapitalisme explicite des arguments, on peut établir un podium de l’anticapitalisme des candidats.
Médailles d’or ex-æquo des candidats anticapitalistes : Philippe Poutou et Nathalie Arthaud
Difficile de départager les deux chantres affichés et chevronnés de l’anticapitalisme, déjà présents en 2017. Philippe Poutou semble partir avec une longueur d’avance. Candidat du Nouveau parti anticapitalisme, ce qui affiche d’emblée la couleur, il s’est présenté comme « candidat anticapitaliste » sous le titre de l’« urgence anticapitaliste ». Des slogans simplistes en congruance avec son programme.
Extraits de son tract de campagne :
« Pandémie, crise climatique, inégalités, guerres, montée de l’extrême droite… Ces catastrophes sont les conséquences d’un système, le capitalisme…
Mettons les capitalistes hors d’état de nuire !...
Nous voulons rompre avec la loi du marché…
Expropriation des grandes entreprises.
Il faut en finir avec un système capitaliste injuste, qui provoque toujours plus de guerres, d’inégalités, de catastrophes écologiques, de violence.
Il nous faudra imposer le changement par une mobilisation d’ensemble sur les lieux de vie et de travail pour constituer une force capable de révolutionner la société. »
Du côté de Nathalie Arthaud, la filiation de Lutte ouvrière avec Arlette Laguiller est affichée en quatrième de page. La rhétorique anticapitaliste apparaît de tous les instants, en continuité au demeurant avec les tracts de Lutte ouvrière lors des précédentes élections présidentielles :
« Si les grands actionnaires s’y opposent [au contrôle des travailleurs sur les comptes des grandes entreprises], il faut les exproprier et placer les grandes entreprises sous le contrôle de la collectivité. Si la loi du profit privé échoue à permettre à tous de vivre dignement, il est temps qu’elle disparaisse […]. Il faudra que le monde du travail mène des grèves massives et des combats collectifs ».
« Les capitalistes sont les seuls responsables de la pollution. […] Pour sauver la planète, il faut mettre fin à la concurrence et supprimer le gâchis capitaliste, c’est-à -dire exproprier les grands groupes, recenser les besoins et planifier les communes ».
Nathalie Arthaud se présente comme une enseignante -rémunérée par les contribuables…-, militante communiste, révolutionnaire et internationaliste. Le tract ajoute que « les travailleurs doivent s’unir contre la bourgeoisie, les grands actionnaires de l’industrie, de la finance et de l’énergie », alors que le système capitaliste doit être contesté, puisqu’il « ne profite qu’à une minorité privilégiée ».
Rappelons que ces prétendus programmes qui en appellent de manière plus ou moins voilée à la violence pour bouter les ignobles capitalistes hors de leurs entreprises et de leurs châteaux, ont tout de même réuni 1,4 % des suffrages exprimés. Que près d’un demi million de Français votent en faveur de candidats aux programmes impraticables qui mêlent la bêtise à l’envie, laisse songeur. Et il est permis de se demander comment les deux candidats ont pu recueillir leurs 500 signatures alors même qu’ils ne représentent rien. Témoignage d’un système d’élection à bout de souffle.
Médaille de bronze : Jean-Luc Mélenchon
Le candidat de La France insoumise, dont la modestie n’est pas la première des qualités, doit se lamenter de n’arriver, malgré tous ses efforts, qu’à la troisième place du classement de l’anticapitalisme. Mais en définitive la position est conforme à son résultat au premier tour, une place plus haut qu’en 2017.
C’est que son tract apparaît en retrait par rapport aux deux autres candidats, même si les intentions sont clairement exposées, avant de soutenir une voie « altermondialiste » et de prôner un « protectionnisme négocié » :
« Trop de Présidents ont été au service des plus riches et de la finance.
Les incertitudes du monde sont trop grandes pour laisser la France aux mains des idéologues libéraux ou d’extrême droite ».
Si l’échec de Jean-Luc Mélenchon est patent au premier tour, sa victoire aura été presque totale dans l’entre-deux-tours. En effet, ses 22 % de voix auront été courtisées par priorité, Marine Le Pen en tentant d’attirer les mélenchonnistes par son populisme et son programme économique et social souvent proche de l’extrême gauche, Emmanuel Macron en gauchisant son discours jusqu’à reprendre le slogan de la « planification écologique ».
Quatrième : Jean Lassalle
Cela surprendra beaucoup, mais c’est bien Jean Lassalle qui échoue au pied du podium. Étrange pour un candidat qui a souvent été classé parmi les divers droite par les sondages.
Pourtant, c’est haut la main qu’il peut s’enorgueillir d’être le quatrième homme de l’anticapitalisme lors des élections :
« Le capital doit être au service de l’homme et non pas l’homme au service du capital. Cessons de donner la priorité au gigantisme et à la concentration de firmes qui n’ont souvent plus de rien de français !…
Le capitalisme féroce a laissé sur le bord de la route nos populations les plus vulnérables. L’État providence a fléchi dans la foulée ».
Et les autres candidats anticapitalistes …
On pouvait s’attendre à ce que Yannick Jadot, Fabien Roussel ou même Anne Hidalgo soient bien classés. Notre méthodologie, qui met en avant les diatribes expresses contre le capitalisme et non pas les propositions implicitement anticapitalistes, ne nous permet guère de départager les autres candidats. Certes, le candidat écologiste a pu dénoncer les accords de libre-échange, tandis que Nicolas Dupont-Aignan entendait nous libérer de la « mondialisation inhumaine ». Mais la plupart des candidats ont préféré présenter de manière séduisante et positive leur programme, fût-il extrémiste tel celui du communiste Fabien Roussel, faire l’impasse sur une caractéristique majeure et traditionnelle de l’extrême droite qu’est l’antilibéralisme, par exemple Marine Le Pen, ou encore se contenter, comme en 2017, d’un programme attrape-tout et flou à souhait, tel celui de Emmanuel Macron.
Que l’extrême droite recueille plus de 32 % des suffrages exprimés et l’extrême gauche plus de 25 %, soit une majorité de votants, interpelle. On pourra gémir devant un anticapitalisme français bien coutumier, mais c’est surtout la nullité ou l’insuffisance des autres candidats qui navre et qui explique pour partie les résultats du premier tour.
Dernier ouvrage publié : Exception française. Histoire d’une société bloquée de l’Ancien régime à Emmanuel Macron (Odile Jacob, 2020).
si le capitalisme se réfère au “capital”..
non..
liberté économique…
ils adorent le capital détenu par l’etat contrôlé par leurs cerveaux d’élite..
les candidats de l’interdiction… cause oppression.. inégalités…
Ce qui navre, c’est avant tout l’insuffisance des électeurs, incapables d’exercer le moindre sens critique à l’égard de ces candidats, ou de se remémorer un tant soit peu ce qu’était la vie dans le bloc soviéto-chinois il y a 50 ans.