Le localisme : entre nationalisme et décroissantisme

Le nationalisme identitaire s’est inventé un modèle écologique spécifique : le « localisme ».

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Croissance entrepreneurs écologie (Crédits davetoaster, licence Creative Commons)

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Le localisme : entre nationalisme et décroissantisme

Publié le 20 avril 2022
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Une transition énergétique durable et soutenable doit s’appuyer sur trois piliers en parfaite bijection avec ceux du développement durable : le climat, la sécurité énergétique et la compétitivité des entreprises.

La convergence gauche-droite sur le localisme

Par construction, le climato-gauchisme hypertrophie le pilier climat aux dépens de la compétitivité et de la sécurité énergétique. Son principal dessein est de mettre à bas la société de croissance et son « démon capitaliste » pour prôner un retour vers des « sociétés vernaculaires frugales mais conviviales, solidaires et égalitaires ». Elles s’articulent autour de communautés autosuffisantes de taille réduite dans lesquelles les besoins matériels sont limités et les ressources produites localement.

À l’inverse, le nationalisme identitaire hypertrophie les piliers compétitivité et sécurité énergétique aux dépens du climat. Cette position est clairement revendiquée par Donald Trump. Dès son accession à la présidence des États-Unis en 2017 il déclarait que « les accords de Paris n’étaient pas favorables aux entreprises américaines, aux travailleurs américains et aux contribuables américains ».

Le nationalisme identitaire s’est inventé un modèle écologique spécifique : le « localisme ». Promu dès la fin des années 1960 par le philosophe Alain de Benoist, il privilégie le local (démocratie participative, économie de proximité, emploi local) afin de minimiser l’empreinte écologique liée au transport des biens et des personnes. Il a été introduit au Rassemblement national par l’essayiste Hervé Juvin.

Appliqué de façon adéquate et ciblée, ce principe peut être tout à fait pertinent : quoi de plus stupide que de consommer des cerises du Chili ou des haricots verts du Cameroun en plein mois de janvier, d’exporter du bois français en Chine pour y fabriquer des meubles à destination… de la France.

Malheureusement, comme le réchauffement climatique pour les climato-gauchistes, le localisme a été instrumentalisé par les nationalistes identitaires comme un levier puissant justifiant, via un argument environnemental, la nécessité d’un nationalisme politique et économique. Derrière le localisme, les nationalistes identitaires encouragent une opposition frontale avec la globalisation de l’économie source d’émissions de CO2 via le transport mondialisé. Le localisme leur permet de fusionner écologie et nationalisme dans un triptyque « nature, identité et société » dont l’intégrité ne peut être garantie que par la souveraineté nationale.

Dans ses fondements, le localisme s’accommode parfaitement des idées décroissantistes des climato- gauchistes. De Benoit fût ainsi l’auteur en 2007 d’un ouvrage Demain la décroissance tandis qu’une recherche sur le localisme vous conduira inévitablement vers Serge Latouche l’une des principales figures du décroissantisme.

Rien de très surprenant dans la mesure où climato-gauchistes et nationalistes identitaires se retrouvent (pour des raisons différentes) sur leur détestation de la mondialisation et du libéralisme économique.

Hervé Juvin déclarait lors d’un discours enflammé précédant les européennes de 2018 :

« Le monde de l’ultralibéralisme, c’est une poignée de milliardaires qui ont réduit tous leurs voisins au chômage et qui ont détruit leurs territoires autour d’eux ».

Cette phrase n’aurait pas été renié par Julien Bayou, Sandrine Rousseau, Jean-Luc Mélenchon, Éric Piolle ou Clémentine Autain.

Certaines divergences persistent

La convergence sur le localisme entre climato-gauchistes et nationalistes identitaires ne signifie pas pour autant qu’ils partagent une même vision d’avenir.

Ainsi, en termes de mix énergétique leurs programmes sont opposés. Les nationalistes identitaires restent très réactionnaires, balayant d’un revers de la main l’éolien, les voitures électriques et les biocarburants. Ils sont en revanche pro-nucléaires considérant l’atome comme un contributeur essentiel à l’indépendance énergétique française.

Sans rejeter un « localisme d’opportunité » encourageant quand cela est possible une production locale, régionale ou nationale, sa généralisation ne peut en revanche satisfaire les besoins de progrès d’une société développée. Ainsi durant la pandémie l’ancien ministre François de Rugy se montrait tout aussi critique vis-à-vis du localisme que du climato-gauchisme en déclarant « comment aurions-nous pu avancer aussi vite dans la recherche d’un vaccin sans une coopération mondiale ? ».

Mondialiste avant l’heure, David Ricardo (1772–1823) expliqua les effets pervers du protectionnisme économique et développera dans sa « théorie de l’avantage compétitif » l’idée qu’un pays a intérêt à se spécialiser dans la production pour laquelle il a le plus de talent et possède l’avantage le plus élevé. Ainsi l’économiste britannique démontra l’avantage compétitif de l’Angleterre dans la production de drap et celui du Portugal dans la production vinicole. En choisissant astucieusement une combinaison d’activités, le libre-échange devient ainsi profitable à tous les pays, y compris aux moins productifs. Le salut se trouve donc dans un juste équilibre entre production locale, régionale, nationale et mondiale.

Un sujet de fond qui devrait animer le débat du second tour de la présidentielle entre une Marine Le Pen « localiste » et un Emmanuel Macron « mondialiste ».

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  • Macron n’est pas un mondialiste . C’est un traitre . Il joue dans le camp d’en face. Le « monde » n’existe pas en tant qu’entité, c’est une chimère , alors que le local , le pays , oui, il existe bel et bien . Petite anecdote : une cousine tient une entreprise qui fabrique des produits fins alsaciens , c’est une PME jusqu’ici florissante de 50 personnes, les clients en redemandent . Les nouvelles normes européennes vont bientôt interdire le gavage des oies . Inutile de dire que son business va être frappé de plein fouet . J’imagine que bientôt nos députés européens vont s’attaquer à la filière florissante elle aussi du fromage . Alors moi je dis à l’auteur : Macron le « mondialiste » , c’est coller toutes les normes du monde au local pour faire crever nos entreprises locales et faire fleurir un business (généralement dégueulasse) dans « le monde » . A un moment donné il va bien falloir admettre que l Europe telle que nous l’avons construite est une machine à détruire le local. Si MPL, Zemmour et Melenchon font autant de voix , ce n’est pas parce que les électeurs sont idiots racistes et incultes .

  • Article intéressant mais l’auteur tombe lui-même dans le panneau. Il écrit: « quoi de plus stupide que de consommer des cerises du Chili ou des haricots verts du Cameroun en plein mois de janvier, d’exporter du bois français en Chine pour y fabriquer des meubles à destination… de la France ». C’est une affirmation basée sur un faux bon sens. Peut-être est-ce stupide, peut-être pas. Seuls les prix de marché peuvent indiquer si ces transports permettent de satisfaire une demande de consommation et si une offre peut se mettre en face de cette demande à des conditions économiques acceptables. Peut-être transporter du bois français en Chine et importer les meubles fabriqués avec permettent à des forestiers de bien vendre leur bois, des transporteurs de gagner leur vie, des fabricants de meubles chinois de travailler et des consommateurs français d’avoir des meubles à des prix abordables. Tout le monde est content. Sauf l’auteur de l’article qui dit que c’est stupide.
    Alors, je comprends bien le sous-entendu écolo, mais s’il y a effectivement une externalité, la pollution liée au transport, la bonne façon de la prendre en compte, serait une taxe carbone bien calibrée (qui remplacerait éventuellement d’autres impôts) qui permettrait d’ajouter à l’équation économique ce coût-là. Ce n’est certainement pas à un observateur extérieur de dire, instinctivement, c’est stupide ou pas…

    • Vous avez raison, l’article est très intéressant et j’ajoute que votre point de vue ou bémol l’est tout autant. J’ai tendance à partager votre analyse de la mondialisation mais mon seul point de divergence serait la taxe carbone (encore une) sauf à savoir quels impôts elle remplacerait.

      • En effet, le CO2 n’est pas un polluant, et le serait-il que la taxation n’est en aucune façon un moyen de réduire les nuisances.

        • Quand il y a une externalité négative (utilisation d’un bien commun au détriment de tous les autres), il est normal qu’il y ait compensation. Cette compensation peut se faire sous forme d’une taxe, de sorte que les utilisateur de ce bien commun intègrent ce coûts dans leurs opérations. Ce coût intégré, si l’opération est toujours voulue par les producteurs et consommateurs, il n y a aucune raison pour qu’un tiers vienne dire que c’est stupide ou pas.
          @ Mariah: Bien sûr il me semblerait normal qu’une telle taxe ne soit pas « en plus » mais remplace une autre. Je serai toujours du côté de la suppression des taxes et impôts…
          @ MichelO: le CO2 n’est certes pas un polluant, mais s’il s’avère qu’il vaut mieux en limiter les émissions (je dis « si » car je ne suis pas convaincu que ce soit la meilleure façon de traiter les choses), alors la meilleure façon, la plus « libérale », est de le faire à travers une taxe carbone (encore faut-il la dimensionner), certainement pas à travers des interdiction de voyager en avion, de manger des cerises en hiver et autres fariboles…

          • Dans un monde normal, la compensation se fait d’elle-même et volontairement par les entreprises qui souhaitent flatter et garder leur clientèle. La taxe, c’est prétendre que l’Etat saurait mieux que le marché, et qu’il pourrait s’asseoir sur le principe de nécessité : l’impôt n’est légitime que pour autant qu’il est indispensable pour couvrir les besoins publics, ce que, en vertu de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (DDHC), les citoyens constatent par l’intermédiaire de leurs représentants.
            Les taxes, pénalités et interdictions, comme d’ailleurs les subventions, ne sont ni constitutionnelles ni efficaces et visent seulement à faire apparaître une posture vertueuse pour ceux qui cherchent la popularité. S’il s’avérait que l’évolution climatique était néfaste, ce qui est possible, la lutte contre les émissions de CO2 est très certainement loin d’être la meilleure manière de la tempérer, et la taxation loin d’être la meilleure manière d’obtenir des résultats.

    • oui…

      de toutes façons si quelqu’un en achète…

      ce qui n’ets pas dit derrière l’idée du localisme c’est que ça prétend être une idéologie de réaction à une « coercition »…

      « on »  » forcerait » les gens à acheter « pas local »…

      il faut avoir entendu un vert vous expliquer pourquoi il aimerait avoir une voiture électrique et qu’il aimerait que le gouvernement l’y oblige…

      donc si on croit cs loustics les gens achètent CONTRE leur volonté..

      ils vont au supermarché contre leur volonté..

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