Ne faites pas de la culture russe le gilet pare-balles de Poutine !

Ne prenons la culture russe en otage dans le conflit ukrainien.

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St Petersburg at Sunset from Nevsky prospect by J. Elliott(CC BY-NC-ND 2.0)

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Ne faites pas de la culture russe le gilet pare-balles de Poutine !

Publié le 7 mars 2022
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Une invasion a débuté à l’autre bout de l’Europe. Poutine et ses séides en sont les seuls responsables. Ni son peuple ni les rivaux historiques de la Russie n’ont voulu de ce conflit. Partout, tant dans les chancelleries que les bistrots de quartiers l’on souhaite un enlisement de l’envahisseur voire un coup d’État contre son chef suprême.

Pourtant, il se trouve des personnes prêtes à aider l’Ukraine non pas avec leurs portefeuilles ou les armes à la main, sous les couleurs bleues et or, mais davantage sous les couleurs de la bêtise et de la colère, une oukase à la main et les yeux mi-humides.

La culture russe comme dommage collatéral de la guerre

Châtiés in extremis, les athlètes paralympiques ! Ils n’iront pas gagner de l’or pour rehausser le coursdu rouble.

Pas de Coupe du monde pour les footballeurs du tsar ! Ah, si la FIFA avait su que votre président était un autocrate dangereux, que n’aurait-elle pas permis le mondial 2018 en Russie !

Pas de félins russes en compétition internationale, toute créature russe à la grâce féline est forcément une espionne.

Les chanteurs russes ne chanterons plus L’Armée rouge est la plus forte à l’Eurovision.

À Dublin, un concours de piano refuse les artistes russes, la Vancouver Recital Society se résigne à annuler la prestation du jeune pianiste Alexander Malofeev.

Hélas, un cours sur Dostoïevski est maintenu à l’Université de Milan-Bicocca, nul doute pourtant qu’il doit être proche de Vladimir Poutine.

Une nouvelle cancel culture

Toutes ces manifestations de soutien au peuple ukrainien via cette cancel culture des bonnes âmes ne peut que mal finir. Avant de brûler des hommes on commence par boycotter leur culture et leurs commerces. Déjà des manifestations d’hostilités ont éclaté contre des commerçants ou enseignes suspectés de Russité à l’image de la chaîne La maison de la Poutine, implantée à Paris et Toulouse.

Nos nations sont déjà infestées par l’idolâtrie de centaines de milliers de personnes envers le modèle de Poutine, gardons-nous d’accumuler des divisions en ces temps troublés.

De même gardons-nous d’acquérir à notre tour une réputation de supplétifs du nazisme aux yeux du peuple russe par des autodafés symboliques mais toujours regrettables tant pour eux que pour nous.

En effet nous le savons – car Jean-François Revel nous l’a remis en tête dans son magistral Comment les démocraties finissentle moindre de nos faux pas ainsi que la moindre des fautes que nous nous reprocherons à l’avenir seront utiles aux États autocratiques, lesquels n’ont pas d’opinion publique à gérer et ne se privent pas d’injecter leurs poisons dans les nôtres, poissons s’additionnant à nos mauvaises consciences.

Après cette guerre, lorsque un équilibre nouveau devra s’imposer, le Kremlin nous fera grief d’avoir effacé la culture millénaire de son peuple. Nous serons d’accord sur le principe, et nous partirons avec un esprit de culpabilité juste avant le bras de fer à venir.

Un effet contreproductif

Et pourtant à l’occasion de ces évènements, combien aurait été dommageable pour le Kremlin une défection publique, une demande d’asile de la part d’un de ses athlètes ou artistes, devant des millions de témoins !

Pensez-vous que de nombreux savants, athlètes et artistes auraient pu prouver par leurs actes que le modèle de l’Occident capitaliste était plus désirable que leurs quotidiens communistes si tout citoyen du monde rouge avait été déclaré persona non grata lors des rendez-vous internationaux ?

Quant au bras de fer d’aujourd’hui il doit nous voir laisser le moins de répit à l’adversaire. Alors n’aidons pas la propagande de Vladimir Poutine à présenter l’Occident comme l’ennemi du peuple de Russie ! Alors qu’il a engagé son armée en guerre, ne l’aidons pas à identifier les nations de Russie à l’État russe !

N’aidons pas le Kremlin à crédibiliser son éternel discours obsidional, depuis Lénine il a toujours justifié son expansionnisme auprès de son peuple et de ses idiots utiles par la volonté de se préserver de ses ennemis putatifs. N’aidons pas Poutine à justifier l’acquisition de toujours plus de territoires, de toujours plus de bourrelets pour préserver Moscou et ses fils des glaives extérieurs.

Sachons nous contenir, la culture russe est riche et plaisante, l’histoire de son peuple est tragique et glorieuse, reconnaissons-le. Nous n’avons rien à gagner en rejetant la culture d’un peuple qui ressemble tant au nôtre par ses excès divers et son appétit de reconnaissance.

Face aux malheurs de l’Ukraine le Premier ministre allemand avait promis 5000 casques militaires, ce à quoi son homologue polonais Mateusz répondit « 5000 casques ? Ce doit être une sorte de blague ».

Devant autant de zèle pour effacer la culture russe sans qu’un seul doigt ne soit levé pour éventrer les blindés de la Sainte Mère Russie, on est tenté de dire que l’heure n’est vraiment plus au stand-up.

Si l’on doit effectivement porter à Poutine un coup fatal, que ce soit en livrant informations à la société civile russe et des munitions aux Ukrainiens.

Mais de grâce messieurs les censeurs, dans vos tentatives pour l’atteindre, n’imposez pas à la culture russe le rôle de gilet pare-balles que le tyran voudrait bien lui faire endosser.

 

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  • Alors je résume la culture russe d’après l’auteur : c’est une équipe de football, la participation à l’Eurovision, un concours du plus beau chat et les jeux paralympiques.
    J’ai cru un moment qu’on parlait de TolstoÏ, Léon pour les vrais amateurs de culture russe ou Piotr pour les amateurs de sévices à la russe.
    Le reste de l’article est du même tonneau : je relève notamment l’homme de paille qui fait d’un boycotteur un futur génocidaire et la crainte de se faire traiter de nazi par ceux qui n’ont que ce mot là à la bouche dès qu’on n’est pas d’accord avec eux (je parle du Tolstoï arrière petit-fils de l’autre).
    Cela fait longtemps que je n’ai pas autant ri.

    • Au second degré ce serait drôle. Au premier, vous avez raison, c’est risible.
      Que veut-il : des sanctions légères, en dentelle en point d’Alençon ?
      Un peuple est assiégé, des civils tués, des villes détruites et on parle de cancel culture et de padamalgam ? Attendons la fin du conflit avant de commencer à jouer aux repentis.

    • « J’ai cru un moment qu’on parlait de TolstoÏ … »
      Oui, mais les remplaçants, j’lé connais pas ! (comme disait les Inconnus).

      • PS: Pour moi, la couverture médiatique de la guerre en Ukraine n’a rien à envier à celle d’un match de foor.

  • Avatar
    Gabriel Delauney
    7 mars 2022 at 21 h 13 min

    Cher anonyme, contrairement à beaucoup qui s’étalent, je n’ai guère la volonté de me montrer pédant. Je n’ai jamais lu Tolstoï, je ne vais pas me faire mousser en parlant de lui, c’est aussi simple que cela.
    Je vous souhaite une vie moins triste afin que vous puissiez rire plus souvent.

  • S’agissant des États autocratiques, je relève ce court passage dans l’article : «lesquels n’ont pas d’opinion publique à gérer». Il n’y a donc pas d’opinion publique «à gérer» en Russie. Charmant. Et les Russes laissent faire Poutine, sinon la matraque (ou différentes déclinaisons de poison). Il va bien falloir cesser un jour de déresponsabiliser les Russes. Il y a la guerre en Ukraine, parce qu’ils l’ont laissé faire. Il n’y a pas de tyran, il n’y a que des esclaves… et leur Tsar de circonstance. Ils ont voulu un homme fort (au lieu d’une Russie mature), eh bien ils l’ont et ce sera bien difficile de s’en débarrasser.

    Solutions : fin du capitalisme d’État, véritable constitution coulée dans le béton garantissant de vrais droits (autre que fermer sa gueule) et des représentants amovibles, dirigeants avec des mandats limités par la constitution, véritable loi électorale, fin de ce parlement qui n’est qu’une chambre d’enregistrement.

    Bref, fin de ce tsarisme paternaliste et anachronique. Les Russes peuvent-ils enfin devenir adultes?

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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