L’hôpital public a besoin d’un plan blanc contre la bureaucratie

Plus qu’une affaire de malades, la pandémie aura montré les graves défaillances d’une organisation sanitaire malade d’une bureaucratie qui a fait des hôpitaux l’alpha et l’oméga de sa politique de santé.

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L’hôpital public a besoin d’un plan blanc contre la bureaucratie

Publié le 14 décembre 2021
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Par Jonathan Frickert.

Il était déjà activé dans près de 6 régions, le fameux plan blanc pourrait bien être sous peu déployé dans l’ensemble du pays, quelques jours avant l’arrivée probable de l’épidémie hivernale de grippe et alors que la bronchiolite s’est jointe au tableau sanitaire.

C’est en tout cas ce qui a été annoncé par le ministre de la Santé Olivier Veran invité de France 2 ce jeudi.

Pour rappel, le plan blanc est un plan d’urgence hospitalière né en 2004 permettant aux responsables et directeurs d’établissements de mettre en œuvre un certain nombre de mesures afin d’assurer l’accueil et la prise en charge d’un grand nombre de patients.

Déjà déclenché en mars 2020, en pleine première vague, le plan blanc a été élargi à l’ensemble du territoire seulement une semaine après son déclenchement dans le Grand Est et en Île-de-France.

Mercredi, c’est toujours la région capitale, accompagnée de l’Occitanie, qui a déclenché le dispositif, rejoignant ainsi la Corse, PACA, les Pays de la Loire et la Bourgogne-Franche-Comté.

Toujours mercredi, Santé publique France a dénombré pas moins de 61 340 nouveaux cas en 24 heures, soit une augmentation de près de 24 % par rapport à la semaine précédente.

L’agence publique dénombrait le même jour 13 044 patients hospitalisés, soit la même augmentation que le nombre de cas, et 2426 patients en soins critiques.

Plus qu’une affaire de malades, la pandémie aura montré les graves défaillances d’une organisation sanitaire malade d’une bureaucratie qui a fait des hôpitaux l’alpha et l’oméga de sa politique de santé.

Une mauvaise allocation des personnels à l’hôpital public

En 2017 déjà, Jean-Baptiste Boone de l’Iref montrait le problème de la bureaucratisation de l’hôpital public, dont un peu plus de 35 % des emplois ne sont ni médicaux ni paramédicaux, soit plus d’un tiers de plus qu’en Allemagne. Le nombre de personnels de terrain est donc largement insuffisant et cela se ressent notamment s’agissant de la proportion d’infirmiers et de médecins.

Comme le notait l’OCDE dans son Panorama de la santé 2019, la France ne compte que 10,5 infirmiers pour 1000 habitants contre 12,9 en Allemagne. Le ratio est encore élargi s’agissant du nombre de médecins, qui ne sont que 3,2 pour 1000 habitants contre 4,3 en Allemagne.

Une mauvaise allocation des financements à l’hôpital public

La question de la comparaison avec l’homologue d’outre-Rhin, puisqu’au 29 mars 2020, l’Allemagne comptait presque 20 000 cas de plus qu’en France, mais cinq à six fois moins de décès.

La principale raison évoquée est que l’Allemagne compte presque trois fois plus de lits de réanimations.

Pourtant, l’Allemagne dépense approximativement la même part de son PIB que la France dans la santé (11,2 contre 11,3 en France).

En faisant un rapide calcul, on comprend que la chose est plus complexe.

En 2020, le PIB français était de 2303 milliards d’euros contre 3367 chez nos voisins allemands. La France dépense donc 260 milliards d’euros par an dans sa politique de santé contre 377 pour nos voisins.

Selon la Banque mondiale, la population hexagonale est aujourd’hui de 67,4 millions d’habitants, quand l’Allemagne en compte 83,2. Malgré cette différence démographique, l’Allemagne parvient à dépenser 4500 euros par habitant dans sa politique de santé contre 3900 pour l’Hexagone.

Dans le même temps, le taux de prélèvements obligatoires reste de 47,4 % du PIB contre 41,7 % en Allemagne.

Lorsqu’on prend en compte le différentiel d’emploi visé plus haut, on comprend que la question n’est pas seulement financière, mais d’allocation du budget alloué à ce domaine.

Une coopération inexistante avec le secteur privé

Plus qu’une question d’allocation de personnel et de ressources, c’est bien l’organisation de la santé en France qui empêche toute adaptation à des situations de crise. En avril 2020, l’Iref notait ainsi la carence de coopération entre l’ARS et les cliniques privées avec pour conséquence de réduire considérablement la qualité du chemin de soins.

En août dernier, Denis Dupuy, chirurgien libéral, contait dans nos colonnes les ravages de la bureaucratie hospitalière, évoquant ainsi les décisions des ARS et ses conséquences funestes sur la situation sanitaire.

Qu’il s’agisse d’une réglementation ubuesque, d’une organisation du personnel déphasée, d’une politique de priorité d’allocation des ressources inexistantes ou d’une organisation administrative aveugle des besoins du terrain, il est difficile de voir dans le déclenchement du plan blanc autre chose qu’une inadaptation totale de notre système de santé aux besoins des Français.

Voir les commentaires (14)

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  • Vu autrement : Allemagne 20 administratifs et France 35 : 75% de plus !
    La réaction de notre monstre administratif, au mieux, sera de créer un nouveau « machin » (comité, commission…) pour évaluer tout cela. « Machin » qui, tout comme tous les autres « machins » ne disparaitra jamais à l’issue de sa mission. En admettant d’ailleurs que le « machin » remplisse sa mission c’est à dire dégraisser sévèrement l’hôpital des ses non-soignants.
    Il en est de l’hôpital comme de l’éducation national : deux monstres ingérables. L’administration étatique a montré son incompétence majeure, voire totale.

  • je suis désolé d’etre discordant..

    l’hopital public a besoin d’une redefinition de ses missions et objectifs..
    plus on lui donne d’objectifs politiques, plus on affirme que la santé n’est pas un marché comme un autre..plus on crée de la bureaucratie..

    la question est simple, imaginez que vous n’ayez pas de pays pour vous comparer , combien faudrait il allouer de ressources à la santé publique????

    ceci est impossible à préondre….la bureaucratie sert à justifier par l’enfumage, l’arbitraire et l’injustice des des décisions et des allocations de ressource, son poids et son absence de responsabilité rendent la plainte individuelle vaine..
    il faut d’ailleurs se plaindre publiquement.. faire de la com..si on veut espérer un changement…qui se fait toujours au détriments d’autres choix..et personnes..

    la bureaucratie permet au médecin de s’affranchir de parler d’argent avec le patient..et d’apparaitre « solidaire ». de son côté..

    l’hopital public devrait DEFINIR et s’occuper des seuls « nécessiteux ». pour le reste les assurances privées peuvent gerer..et oui les riches seront mieux soignés que vous.. c’est déjà et cela sera toujours le cas..sinon personne se casserait le cul à devenir riche..

  • L’Hôpital public n’a plus à être public…

  • On peut ajouter que depuis deux ans, avec les confinements, le masque généralisé et tout le tralala covidiste, c’est la société entière qui est priée de s’adapter aux dysfonctionnements de l’hôpital – et non l’hôpital qui modulerait ses capacités aux besoin de la société.
    L’inversion ultime, du style: « L’ascenseur monte ? Non, c’est l’immeuble qui descend. »
    Et M. Hirsch, directeur de l’AP-HP et à ce titre très responsables de ce chaos, se répandait encore hier dans la presse pour nous préparer à l’apocalyptique « sixième vague » de janvier…
    Quand les barrières sont franchies, il n’y a plus de limites.

    • Hirsch , Véran, Salomon sont des socialistes. Il faut virer les socialistes de l’administration de la Santé. C’est le vote radical qui peut le faire, pas le vote mou.

    • Il en va de même dans le secteur de l’énergie: c’est à nous d’adapter notre consommation aux moyens de production disponibles, et non pas à la production de s’adapter à nos besoins.
      Cela s’appelle la décroissance.

    • c’est le principe de la santé collectivisée…..

  • Si l’hôpital est surchargé, c’est aussi à cause des déserts médicaux.
    Le maillon le plus important de la chaîne de santé est le médecin généraliste, qui pourrait bien souvent nous éviter d’aller à l’hôpital.
    Dans les zones rurales, le couple médecin généraliste-infirmière libérale est essentiel.
    Malheureusement, dans certaines zones il n’y a plus personne.
    Un reportage de Public Sénat, diffusé récemment, nous montre le rôle des ambulanciers dans la Creuse.
    Ils ont, eux aussi, un rôle essentiel dans les zones complètement oubliées par nos élites citadines, dont la plupart ne savent même pas que la Creuse, la Haute Vienne ou la Corrèze sont des départements différents…
    Les Macron’s boys prétentieux devraient être obligés de regarder ce reportage !

  • oui, mais quand c’est la bureaucratie qui fait les plans…….

  • La bureau cratie est bien le problème des hopitaux français: inflation des administratifs, école d’administration des hôpitaux ouverte à des personnes qui n’ont aucune compétence dans les soins médicaux, aucun empathie pour les malades des et prend d’abord soin de sa population, de la multiplication de ses agents, au détriment des soignants.
    Peut-on avoir une comparaison des embauches des différents corps hospitaliers depuis 15 ans? Et encore faudrait il tenir compte du détournement des aide soignants vers des postes administratifs – cf la prise de rendez-vous…
    De plus le soin totalement gratuit renforce l’irresponsabilité des malades et la toute puissance de l’administration qui puise ici la justification des sa puissance ! A quand le retour du tiquet modérateur pour tous, quitte à le moduler….

  • Il serait bien de remercier immédiatement les principaux responsables de la mise en place de la tarification à l’acte et de nombreuses autres obligations toutes plus stupides les unes que les autres sous Sarkozy, en commençant par l’actuel premier ministre dont la responsabilité dans la destruction de l’offre de santé publique par une bureaucratisation à outrance n’est plus spécialement à établir.

  • La France à perdu sonne Industrie mais a créé la bureaucratie pour fainéant. Et pas seulement à l’hôpital.
    Mettons les fonctionnaires au travail et tout ira mieux.
    Et certains soignants de l’hôpital font d’ailleurs partie de ceux qui doivent se remettre au travail. Ceux qui y travaillent vraiment car motivés le savent bien.

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