Par Adnan Valibhay.
Les réseaux sociaux ont considérablement altéré la manière par laquelle les nouvelles générations conçoivent leur vie sociale. Cette révolution emporte nombre de conséquences sinistres lorsqu’elle conduit au narcissisme, à la superficialité ainsi qu’au règne des apparences.
A fortiori, quand les principaux utilisateurs de ces nouveaux moyens de communication sont des jeunes personnes particulièrement influençables et malléables évoluant dans un monde en perpétuel devenir, en manque de repères et où règne le chaos en raison de la disparition des figures traditionnelles d’autorité.
Linkedin et les réseaux sociaux : changement de paradigme
Les problématiques soulevées par ce changement de paradigme sont nombreuses.
Certains économistes comme Shoshana Zuboff s’émeuvent même de l’émergence d’un capitalisme de surveillance, qui serait une évolution du capitalisme industriel, et dont l’originalité est d’orienter et d’exploiter les préférences personnelles des individus afin qu’ils consomment encore plus.
D’aucuns s’indignent de ces pratiques à l’éthique douteuse qui, tirant profit de la naïveté de la jeunesse des utilisateurs des réseaux sociaux, génèrent des revenus considérables.
C’est ainsi qu’en plus d’offrir leurs précieuses données à cette métastase du capitalisme de connivence où quelques entreprises seulement détiennent les parts du marché, les jeunes prostituent leur intimité, chutent dans la consommation, à jouissance immédiate, et se soumettent au règne mensonger des images et des apparences où chacun est son propre produit.
Instagram est symptomatique de cette tendance névrotique en ce qu’il est tout à fait commun d’y observer des personnages qui s’éblouissant d’une vie factice, s’émerveillant face à la gloire illusoire de recevoir l’attention de contemporains tout aussi perdus, n’hésitent pas à vendre leur vie, du moins ce qu’ils veulent bien en montrer, à des géants du web peu scrupuleux.
Linkedin et le nivellement par le bas
Ce nivellement par le bas est à mettre en perspective avec l’égalisation des conditions, qu’évoque Tocqueville dans La Démocratie en Amérique, et qui aboutit nécessairement à une régression constante vers l’égalité de fait.
En effet, il est infiniment plus simple de rendre les gens égaux en abaissant le niveau global qu’en le rehaussant, si bien qu’en plus de ce voyeurisme outrancier précédemment décrit, tend à émerger une glorification de la médiocrité et de la pleurnicherie, notamment sur des réseaux sociaux prétendument professionnels tels que Linkedin où nombre d’individus se gargarisent de leurs échecs et désillusions continus.
Comme bien souvent en matière de décadence postmoderne, Friedrich Nietzsche a savamment su prophétiser cette déperdition vers le misérabilisme dans Ainsi parlait Zarathoustra où celui-ci s’exclame face à la foule :
« Il est temps que l’homme se fixe à lui-même son but. Il est temps que l’homme plante le germe de sa plus haute espérance. Maintenant son sol est encore assez riche. Mais ce sol un jour sera pauvre et stérile et aucun grand arbre ne pourra plus y croître. Malheur ! Les temps sont proches où l’homme ne jettera plus par-dessus les hommes la flèche de son désir, où les cordes de son arc ne sauront plus vibrer ! Je vous le dis : il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. Je vous le dis : vous portez en vous un chaos. Malheur ! Les temps sont proches où l’homme ne mettra plus d’étoile au monde. Malheur ! Les temps sont proches du plus méprisable des hommes, qui ne sait plus se mépriser lui-même. Voici ! Je vous montre le dernier homme. »
« Amour ? Création ? Désir ? Étoile ? Qu’est cela ? » – Ainsi demande le dernier homme et il cligne de l’œil. La terre sera alors devenue plus petite, et sur elle sautillera le dernier homme, qui rapetisse tout. Sa race est indestructible comme celle du puceron ; le dernier homme vit le plus longtemps. « Nous avons inventé le bonheur, » – disent les derniers hommes, et ils clignent de l’œil. »
Tout en se vautrant dans le matérialisme le plus vil, en s’inventant de toutes pièces une identité virtuelle sur Instagram, nombreux sont ceux qui en même temps s’apitoient sur leur sort en rejetant systématiquement la faute sur autrui, et sur la société sur Linkedin.
Pire, de plus en plus de personnes n’osent même plus paraître sous de bons auspices face à la médiocrité ambiante devenue la norme et dont il ne faut sous aucun prétexte s’extraire sous peine de connaître l’omerta, parachevant ainsi l’avènement du Dernier homme nietzschéen, qui ayant abandonné toute prétention à la grandeur, se complaît dans un bonheur vide de sens, en ne souciant plus que de deux choses, sa jouissance individuelle et son confort matériel.
Dans la vie réelle nous ressentons bien ce qui est décrit ici. Umberto Éco l’avait énoncé d’un manière plus « brutale » en écrivant que « les réseaux sociaux avaient donné la parole à des légions d’imbéciles ».
Je reste un adepte des relations et échanges humains ou l’on est physiquement face à face car on trouve le temps d’écouter, comprendre, de construire et développer des arguments en sortant de l’invective. Certes c’est prendre un risque mais il en vaut la peine et évite de se déshumaniser.
Je regrette d’ailleurs que nos hommes politiques les utilisent pour s’envoyer des attaques lapidaires ou encore des pensées qu’ils espèrent « sans appel ».
Mais si tout n’est pas à jeter, bien des choses mériteraient d’être éviter car elles alimentent les données des maîtres de ces réseaux dont on ne sait quel usage ils en feront. Il n’est pas sûr que ce soit pour notre bien.
le problème est-il les réseaux sociaux, ou l’éducation auto-centrée des enfants, encouragée par la promotion des névroses individuelles transformées en combat politique ?
Y aurait-il eu une époque où le matérialisme « le plus vil » n’aurait pas existé ?
J’ai connu deux situations en tant que jeune. La première où je n’avais aucun compte Facebook, instagram ou whatsapp, et la deuxième où j’avais ces comptes (et les ai encore). Et bien devinez quoi? Dans la première situation, j’avais quelques amis comme tout le monde, mes collègues d’études supérieures, mais je n’étais au courant de quasi rien de ce qu’il se passait, en terme de sorties et même de travail (pour organiser les révisions). Impossible également de flirter car aujourd’hui pour se revoir, on ne prend que rarement le téléphone mais plus Instagram ou Snapchat et si vous ne l’avez pas, vous passez pour un extraterrestre et devez systématiquement vous justifier. Dans la deuxième situation, c’est tout le contraire. Et si on parle d’applications comme Tinder, il faut savoir que c’est la norme pour draguer surtout depuis le covid. Cette application ne vaut le coup, pour un homme, que si vous êtes bien foutu (le top 20%), sinon il faudra payer un maximum l’application pour avoir un résultat (notez que ça vous coûtera largement moins cher que d’écumer bars ou boites de nuit pour le même résultat). Par contre l’application pour les femmes est du pain béni. Quasi toutes ont une ribambelle de prétendants. Il y a un déséquilibre de « marché » sur tinder, justement pour faire payer. Et ce déséquilibre influence maintenant les relations et flirt dans la vraie vie, dans le sens où on si certains veulent draguer en soirée (comme « avant »), il leur est parfois répondu qu’il y a tinder pour ça.