Par Nathalie MP Meyer.
On les entend moins et on les voit moins battre le pavé depuis que le gouvernement s’est chargé lui-même de bloquer toute l’activité du pays dans l’espoir de circonscrire l’épidémie de Covid-19, mais nos syndicats préférés sont toujours bien présents sur le papier, ainsi que nous le rappelait hier le ministère du Travail en divulguant leur audience calculée sur la base des différentes élections professionnelles en entreprise qui se sont déroulées depuis 2017.
Sauf qu’entre audience et représentativité effective, ou plutôt non-représentativité effective des syndicats par rapport à l’ensemble des salariés, se déploie un monde de capacité de nuisance, de grève et de blocages de faible légitimité du fait d’une participation fort peu enthousiaste des salariés aux scrutins syndicaux.
CGT, CFDT, des rivalités
Comme vous le savez et comme vous avez eu mille fois l’occasion de le constater lors des grandes grèves SNCF à répétition qui font le charme de la « justice sociale » à la française ou lors de petits débrayages locaux plus discrets mais tout aussi « sociaux et solidaires », nos vaillants syndicats se font un point d’honneur de protéger au mieux les travailleurs de la terrible course au profit ou de la casse du service public à laquelle se livrent inlassablement les patrons à leurs dépens, État employeur compris.
Du reste, malgré le calme relatif induit par les périodes de confinement, nous avons quand même eu droit au spectacle affligeant mais assez prévisible d’une CGT extraordinairement préoccupée par la sécurité sanitaire des travailleurs et s’ingéniant à tout bloquer chaque fois qu’une reprise du travail se dessinait.
Las, selon les chiffres livrés hier, la centrale de Philippe Martinez n’a guère été récompensée de ses efforts. Dépassée par la CFDT lors du précédent round électoral du secteur privé, elle recule encore un peu plus. Finie la belle époque où elle dominait tout le monde dans le public comme dans le privé.
Mais il faut croire que l’espoir fait vivre. Tandis que la CFDT se félicitait par communiqué du « syndicalisme utile » qu’elle a eu le bon goût de mettre en œuvre et qui lui a valu à nouveau la première place dans le choix des salariés du privé, la CGT se promettait de combler son déficit de présence auprès de tous les salariés pour redevenir la « première organisation syndicale dans le secteur privé ».
Elle dispose toujours de la première place dans la fonction publique, mais compte tenu de la différence d’effectif des deux catégories – 5,7 millions de fonctionnaires contre quelque 20 millions de salariés du privé – la CFDT est devenu le premier syndicat français en 2018. Un premier coup dur qui se confirme aujourd’hui et qui promet de belles batailles internes comme la CGT les aime entre les partisans de la « lutte sociale » qui prônent une adaptation radicale du capitalisme et ceux de la « lutte des classes » qui prônent son renversement complet.
Non-représentativité des syndicats
Concrètement, le ministère du Travail a agrégé les résultats des élections syndicales qui se sont tenues de 2017 à 2020 dans les entreprises de plus de 11 salariés, en mars et avril dernier dans les entreprises de moins de 11 salariés et en janvier 2019 pour les salariés de la production agricole. Au total, 20,1 millions de salariés concernés, 14,1 millions d’inscrits et… 5,4 millions de votants, soit une participation plus que terne de 38,2 %, dont seulement 5 millions de voix « valablement exprimées ».
L’audience, qui détermine la capacité d’une organisation syndicale à signer des accords collectifs donc à prendre des décisions essentielles au nom des salariés, est calculée en faisant le rapport entre les voix valablement exprimées obtenues par un syndicat et le total des voix valablement exprimées. Si elle se situe au-dessus de 8 %, le syndicat est jugé officiellement représentatif.
Le cycle électoral 2017-2020 accorde ainsi le label de syndicat apte à représenter les salariés du privé à la CFDT, la CGT, FO, la CGC (cadres) et la CFTC comme indiqué dans le Tableau 1 ci-dessous (chiffres en orange) :
Tableau 1. Audience syndicale dans les entreprises pour le cycle 2017-2020
Source : ministère du Travail – Total inscrits : 14,1 millions – Effectif total : 20,1 millions
Mais si l’on rapporte les suffrages recueillis aux inscrits, voire à l’effectif total des salariés, c’est un tout autre profil qui se dessine : forte d’une audience de 26,77 %, la CFDT n’a été élue en fait que par 9,5 % des inscrits et 7 % des effectifs salariés du privé. La situation se dégrade évidemment encore plus quand on descend la liste des syndicats par audience décroissante.
Dans l’ensemble, et en ajoutant aux résultats précédents ceux des dernières élections syndicales dans la fonction publique (2018), on constate que la participation n’excède pas 41,4 % des inscrits et 31 % du nombre total de salariés.
La fonction publique génère un taux (49,8 %) un peu plus élevé que la moyenne – on n’en attendait pas moins d’un secteur qui se flatte de travailler hors concurrence et qui bénéficie de l’emploi à vie – mais comme partout ailleurs, la participation y est en baisse par rapport à la précédente édition (52,8 %).
Chez les TPE (entreprises de moins de 11 salariés), la CGT a obtenu la meilleure audience, mais dans le contexte d’une participation insignifiante de… 5,4 % des inscrits ! Il est plaisant d’incriminer le Covid pour cette faible mobilisation, mais si la participation est bien en chute libre, elle n’a jamais été franchement élevée : 10 % en 2012 et un tout petit 8 % en 2017.
Sur l’ensemble du secteur entreprises, la participation se situe à 38,2 % des inscrits comme je l’ai déjà indiqué plus haut, en baisse non négligeable de 4,6 points par rapport au cycle électoral 2013-2016.
Tableau 2. Participation des salariés aux élections syndicales du cycle 2017-2020
Sources : Entreprises – dont TPE – Fonct. publique – Indépendants – Population active
Que cette timidité française à participer pleinement à la vie syndicale, timidité que l’on retrouve également dans un taux de syndicalisation parmi les plus bas en Europe (de l’ordre de 11 % quand l’Allemagne est à 20 %, voir graphique du ministère du Travail ci-dessous à gauche) ne vous fasse pas commettre l’erreur de penser que les syndicats français limitent leurs activités à une vague figuration sans conséquence.
Une capacité de nuisance hors normes
Malgré un manque de soutien direct évident de la part des premiers intéressés, soutien largement compensé par des subventions étatiques rondelettes qui s’imposent à tous les contribuables, le tableau de chasse de nos syndicats est impressionnant :
Loi travail Hollande El Khomri (2016), ordonnances travail d’Emmanuel Macron (2017), réforme de la SNCF et fin du recrutement au statut de cheminot (2018) puis, avant l’immobilisme covido-confinatoire, réforme des retraites incluant la fin des régimes spéciaux particulièrement appréciés des agents de la RATP et de la SNCF (2019) – autant d’épisodes hauts en couleur et en contestation où on les a vus déclencher blocages et grèves à rallonges avec pour objectif ultime d’obtenir une réécriture (cas de la CFDT) ou le retrait pur et simple des projets en question (CGT, UNSA, SUD Solidaires), tout en causant au passage le maximum de dégâts à l’économie.

Taux de syndicalisation, 2016, DARES
Jours de grève, 2019, WSI
Ce n’est certainement pas un hasard si la France apparaît toujours dans le haut des classements lorsque l’on évalue le nombre de jours de grève pour 1000 salariés et par an. Et encore, le chiffre de 114 en moyenne sur la période 2009-2018 indiqué dans le graphe de l’Institut Allemand WSI reproduit ci-dessus ne tient-il pas compte de la fonction publique…
Maintenant que les dépenses publiques de la France ont atteint le sommet astronomique de 62,1% du PIB (2020), on voit mal comment la moindre tentative de réforme pourrait échapper à la redoutable culture de la grève qui semble marcher main dans la main avec la culture de l’État-providence. Ça promet.
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Des planqués à vie qui polluent la fonction publique à tous les étages….
“… en causant le maximum de dégâts à l’économie”, le syndicaliste champion n’est-il celui du “quoi qu’il en coûte” ?
Ce qui est clair, c’est que les salariés des TPE ne se sentent pas très concernés. Par contre, pour les autres, une participation de plus de 50% est honorable.
Le fait que l’UNSA ne soit pas considéré comme représentatif (alors que la très petite CFTC l’est) est une anomalie.
Enfin, en France, les gens ne souhaitent pas apparaître comme syndiqué parce qu’ils y voient un risque de carrière. Mais (en tout cas dans les entreprises de plus de 11 salariés), ils voient l’intérêt des syndicats et votent.
Bien sûr, l’aspect de la façon dont les syndicats existants “luttent”, en particulier dans les systèmes à monopole (transports nationalisés ou publics) est tout à fait original en France.
Avec 5 G€ de subventions publiques par an, les syndicats n’ont pas besoin de recruter des adhérents. S’y ajoutent les dotations au CE dont notamment celle d’EDF (1% du CA! et non de la masse salariale comme ce devrait être le cas). Il manque à cet article la comparaison du taux de syndicalisation public/privé pour chaque syndicat.
l’Etat n’a pas à se mêler des syndicats (pas de subvention, pas de reconnaissance de représentation…).
Les syndicats et une partie de salariés pensent de bonne foi que les syndicats protègent les salariés. En fait, depuis que les frontières se sont ouvertes et ont intégré la France dans le monde concurrentiel, les syndicats ont accéléré la fuite des entreprises dans les pays qui ont compris que la compétitivité était le meilleur défenseur du pouvoir d’achat et de l’emploi. Le couple infernal qui a ruiné l’industrie française, ce sont les syndicats et les hommes politiques de droite et de gauche, incultes économiquement et structurant leur populisme autour de la mise en valeur de l’assistance à tous les étages aux victimes économiques qu’ils avaient créés eux mêmes.
Ça parle beaucoup de solidarité mais lundi dernier peu sont venus la pratiquer.
Ce sont essentiellement le public et para public(sncf, edf, RATP…) qui sont syndiqués : et on peut faire grève autant qu’on veut, c’est le contribuable qui paie, pas de risques que l’entreprise ferme.