« L’enfer », de Gaspard Koenig

Désormais, l’Enfer est un réseau d’aéroports où se pressent et s’amassent des damnés disposant d’un crédit illimité pour s’offrir les plaisirs dont ils ont toujours rêvé. Sur le nouveau conte philosophique de Gaspard Koenig.

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« L’enfer », de Gaspard Koenig

Publié le 18 février 2021
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Par Pierre Bentata.

J’ai lu L’Enfer de Gaspard Koenig. D’une traite, car l’auteur est doué, à n’en point douter. Sa plume est affûtée, précise et vive, donnant à son récit un rythme enlevé. Au long des 144 pages, on alterne avec plaisir analyse critique de nos sociétés modernes et jugement rétrospectif d’un homme sur son passé. Tout le talent de Gaspard Koenig est là : dans cet aller-retour entre le général et le particulier, le macro et le micro, qui fait de ce roman un véritable conte philosophique.

D’ailleurs, l’auteur ne cache pas cette ambition. Dès la première page, dès le titre même, on sait où il nous entraîne et ce qu’il veut nous montrer. Partageant les pensées de son personnage principal, le lecteur découvre l’Enfer et ses rouages modernes.

Dépoussiérer l’Enfer avec Gaspard Koenig

Et c’est là l’originalité du livre : dépoussiérer l’Enfer pour le remettre au goût du jour. Finis les flammes et les bûchers ardents, terminées les séances éternelles de torture ; le mal a changé de visage pour s’adapter à l’époque. Désormais, l’Enfer est un réseau d’aéroports où se pressent et s’amassent des damnés disposant d’un crédit illimité pour s’offrir les plaisirs dont ils ont toujours rêvé.

Mais quoi de si terrible là-dedans ? Une seule chose, insignifiante au départ : si les damnés peuvent voyager d’un aéroport à l’autre, il leur est impossible d’en sortir. Les voilà condamnés à jouir pour l’éternité des produits en duty free, des salons de massages et des services grand luxe, sous la pression des vols qu’il faut prendre chaque jour.

Ce qui relevait du rêve – tout posséder, tout consommer – devient un cauchemar où chacun devient esclave d’un système entièrement et parfaitement calibré pour promouvoir la consommation.

Lentement, à l’image du héros dont on suit le chemin de croix, les hommes cessent de véritablement profiter de tout ce qui les entourent. Obsolescence programmée et course à la consommation oblige, ils doivent renouveler leurs achats en permanence.

La jouissance à court terme tue toute possibilité de bonheur véritable. Tout relève de la compulsion, de la contrainte et de la frustration. Et tout cela dans un mouvement perpétuel, effréné, qui interdit le moindre moment de répit.

Ainsi, les damnés deviennent esclaves de leurs consommations, centrés sur eux-mêmes et insidieusement, le système les prive du calme et des joies de l’introspection, puis de la capacité à communiquer avec les autres avant de les priver de leurs pensées. Dans cet Enfer, les damnés finissent comme les zombies de Romero.

Pourtant, à mesure que nous avancons dans le récit, un doute se fait de plus en plus envahissant. De quoi parle-t-il ? Le système qu’il dénonce ne fait pas de mystère ; c’est bien la société de consommation et son organisation capitaliste qui définissent l’Enfer.

La recherche d’efficience permanente, l’omniprésence de la publicité, le divertissement, partout et tout le temps. D’ailleurs, on apprendra que le héros ne doit sa condamnation qu’à sa défense du capitalisme. Lui, simple professeur d’économie, qui n’a jamais commis aucun crime, est coupable d’être capitaliste, ou plus précisément d’avoir défendu un système dans lequel personne ne pourrait désirer passer l’éternité. Et c’est bien là le hic !

Du capitalisme au totalitarisme

En condamnant un homme pour ces idées, Gaspard Koenig change de braquet. Car cette conception de la culpabilité n’est pas celle du capitalisme mais du totalitarisme. Serait-ce une simple erreur, une facilité d’écriture ? Point du tout. En réalité, la critique du système dans son ensemble connaît les mêmes écueils.

Le reproche fondamental qu’adresse Gaspard Koenig au capitalisme est celui de noyer les hommes dans une poursuite de petites jouissances sans valeur ; sauf qu’il oublie que dans une économie de marché, nul n’est forcé de jouer le jeu, et personne ne le fait 24 heures sur 24. C’est même tout le contraire.

L’économie de marché permet à chacun de réduire le temps de travail et de consommation pour mieux s’adonner à ce qui lui plaît vraiment. Sans économie de marché, pas de société ouverte, chère à Karl Popper, pas de singularité, pas d’épanouissement.

L’auteur manque sa cible parce qu’il la définit comme un système figé, centralisé et autoritaire, c’est-à-dire l’exact opposé de ce qu’elle est. D’où la caricature qu’il nous inflige d’un Milton Friedman rebondissant béatement sur un trampoline en se réjouissant de vivre au Paradis, entendu comme un système de production et de consommation infinies qui prévient toute inflation.

Réduire cet homme à cette posture, c’est ignorer les dizaines d’heures de débat auquel il participa dans son émission « Free to Choose » pour expliquer la relation entre liberté et marché.

C’est surtout oublier son article essentiel « The Methodology of Positive Economics » dans lequel il ne renie rien de la complexité des individus et de la diversité de leurs aspirations.

Il en va de même de l’idée, lancée au détour d’une phrase, selon laquelle les économistes libéraux cherchent à réduire les coûts de transaction – toutes les frictions qui entravent la coopération marchande – alors que c’est tout le contraire. Si Ronald Coase a inventé ce concept, c’était justement pour démontrer l’importance et l’inéluctabilité de ces frictions !

Une critique naïve ?

Alors on s’interroge. Qu’est-ce que cet Enfer peut bien avoir de commun avec les sociétés marchandes ? Le lecteur assidu des ouvrages d’économie et le familier de la philosophie libérale ne pourront qu’être désarçonnés, se demandant sans doute si l’auteur n’essaye pas de réhabiliter le libéralisme en jouant lui-même le rôle du critique naïf, à côté de la plaque.

À ceux-là, je ne dirais qu’une chose : « Toi qui lis ces lignes, abandonne toute espérance. » Car rien ne permet de penser que Gaspard Koenig se prête à un tel jeu de miroir. L’incompréhension de l’économie et de la philosophie libérales doit être prise au premier degré semble-t-il.

Bien sûr, il s’agit d’un récit philosophique et non d’un traité d’économie. On ne saurait donc tenir rigueur à l’auteur de ces contresens. Mais ils sont révélateurs de son incompréhension profonde du système de marché et par extension de ce qu’est une société libérale.

Le libéralisme accorde la souveraineté aux individus, nul n’est forcé de consommer, d’accumuler en permanence, de cesser de penser ; personne n’oblige quiconque à être en mouvement perpétuel et aucune porte n’est fermée. Tout l’inverse de ce que dépeint cet Enfer totalitariste, qui, à bien y regarder, décrit davantage une dystopie constructiviste de type socialiste qu’une société marchande.

On m’opposera sûrement de m’attacher aux détails, d’accorder plus d’importance au lieu du récit – l’aéroport – qu’au message de fond – le libéralisme c’est mal, revenons à la frugalité. Reste qu’un lieu sans porte était particulièrement mal choisi pour décrire une société libérale, et que le message de fond est aussi erroné que naïf.

Pour être conforme au système libéral, il aurait fallu changer deux petites choses : que chacun soit libre de quitter l’aéroport quand il le souhaite, pour flâner ou se cultiver, et que tous les producteurs s’intéressent véritablement aux besoins des clients.

Mais si Gaspard Koenig n’a pas fait cela, c’est qu’il sait bien qu’alors, son récit n’aurait plus parlé de l’Enfer, mais du Paradis sur Terre. C’est moins vendeur ! Or, maximiser ses ventes, ça compte, même pour un anti-libéral…

Gaspard Koenig, L’enfer, éditions de l’Observatoire, 2021, 139 pages.

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  • A travers ce résumé il semble que l’auteur ait atteint son but, qui est de susciter une réflexion sur la vraie nature de la liberté.

  • C est malheureusement tres courant dans les romans actuels d accuser le liberalisme de tous les maux de la terre,cela en devient meme agaçant pour qui s est interéssé à la pensee liberale loin des lieux communs,approximations et contre verités faciles.Les choses sont souvent contre_intuitives et demandent de la culture et de la reflexion profonde.Sans compter que l ecole et le milieu universitaire baignent depuis trop longtemps dans le socialisme marxisant et cela se ressent dans toute la litterature française.En tout bonne foi,de nombreux ecrivains lachent dans leurs livres leur anticapitalisme primaire et leur méconnaissance de l économie.Il n y a qu à lire Michel Onfray qui ferait mieux de se contenter de son domaine, la philosophie .Houellebecq accuse aussi le liberalisme et le capitalisme de tous les maux dans ses romans,Jean Paul Dubois idem et la liste est longue;meme dans des fictions romanesques les memes accusations transparaissent,le mal est profond,l endoctrinement de la societe aussi!

    • Qu’un type comme Onfray ne parviennent pas à faire la relation entre le terme liberté et le libéralisme dénonce son manque de culture et son aveuglement idéologique!

  • Par contre ,ils sont tous contents que la societe capitaliste leur permette de vendre leurs livres(sur amazon par exemple,on est pas à une contradiction pres) ,d en faire la promotion,de vivre de leur art en utilisant toutes les ficelles de cette méchante societe ultraturboliberale à abattre!

    • Vous avez tout à fait raison, c’est une hypocrisie que je dénonce depuis longtemps chez les intellectuels, car sans le capitalisme qui a permis l’industrialisation de nos sociétés, ils ne pourraient en profiter pour vivre de leur talent. Ils seraient obligés de travailler pour gagner leur croute, puisque en fait ils profitent du travail des autres en vendant leurs oeuvres!

  • Le libéralisme dont vous parlez n existe lui que dans les bouquins d eco !!
    « Que tous les producteurs s’ interessent véritablement aux besoins des clients » relève d une utopie malheureusement jamais devenue réalité.
    En revanche, le totalitarisme dans sa version socialiste et capitaliste réduisant la masse à sa capacité consommatrice (et/ou productrice) concerne déjà 1.5 milliard de chinois ! C est un système qui a maintenant prouvé sa parfaite efficacité à concilier paix sociale et richesse.
    C est bien pour cela que c est celui qui est en train de s installer tranquillement en occident.
    La crise du Covid nous ayant rendus dociles et traçables. Le reste devrait suivre.

    • « Le libéralisme dont vous parlez n existe lui que dans les bouquins d eco »
      Le libéralisme n’est pas qu’une théorie économique. Etre libéral n’est pas n’être que pro-business ou pro consommation.
      Si votre modèle est la Chine, je pense que vous avez une méconnaissance de la réalité chinoise.

    • Effectivement, le libéralisme dont la plupart des contributeurs de Contrepoints parle n’existe que dans les bouquins. Mais pas pour la raison que vous donnez : « s’intéresser véritablement aux besoins des clients » est justement la base du libéralisme. A moins que vous ne considériez que les besoins véritables des clients sont du durable, de la culture, etc, bref toutes les lubies que les socialistes ou écologistes imaginent pour rendre le peuple heureux. Là nous sommes d’accord, ce n’est pas la priorité d’un système libéral bien qu’il est évident que certains acteurs vont se positionner sur ce marché pour répondre à la demande réelle de certains, dont moi dans une certaine mesure. Le souci avec Gaspard Koenig et ses semblables est qu’ils voudraient réduire l’offre à ce qu’ils imaginent répondre aux véritables besoins et qu’ils n’imaginent que des systèmes clos. Comme le dit très justement l’article, il manque un point capital dans le roman : la permission de sortir, qui est le propre de tout système libéral, qui ne vous obligera pas à vivre d’une façon ou d’une autre et vous laissera toujours le choix.

      Le libéralisme défendu ici ne deviendra jamais réalité car il contient les germes d’effets pervers qui auront vite fait de le transformer en capitalisme de connivence. Même les pays encensés ici comme libéraux ne le sont pas au sens de Contrepoints. Exemple : la Suisse n’est pas libérale, elle l’est bien plus que la France mais est à mille lieues de l’idéal de Contrepoints. Cet idéal n’est d’ailleurs que partiellement le mien : je suis plus proche de la vision suisse que de la vision Contrepoints. La Suisse a au moins le mérite d’une mise en pratique, certes imparfaite mais dont les bienfaits sont visibles dans la réalité tandis qu’on n’est pas près de voir la mise en pratique du libéralisme défendu ici.

      • Je pense que le libéralisme est une réalité, mais qu’il faut constamment lutter contre les attaques des hommes d’état, qui sont avant tout des hommes de pouvoir.
        C’est le sens de la DDHC qui déclare dans son article 2 que le but de l’état est le maintien des droits humains.
        Je le répète, le libéralisme n’est pas le capitalisme qui est juste une une organisation des moyens de production.
        On peut être libéral et travailler dans une coopérative ouvrière, par exemple, ou être fonctionnaire.
        Donc le libéralisme est juste le respect des individus.

        • Votre vision me convient parfaitement. Juste le respect des individus, je ne pourrais pas mieux dire. +1 !

          Là où nous divergerons probablement est que l’attrait du pouvoir n’est pas le propre des hommes d’état mais une caractéristique assez largement partagée au sein de l’humanité. Bien sûr l’abus est bien plus fréquent chez les hommes d’état mais il se rencontre aussi ailleurs. C’est pour cela que je prétends que le libéralisme a besoin de garde-fous car mon expérience m’a appris que les erreurs ne se paient pas nécessairement même dans le privé et que le prix n’est pas forcément dissuasif pour empêcher quelqu’un de se conduire comme un idiot.

          • Historiquement, la III° république était libérale (sauf la question religieuse). Le second empire peut difficilement être étiqueté libéral.
            En fait chaque conflit et crise a permis à l’état d’augmenter son pouvoir, passant de 10-15% de prélèvement à + de 50% ce jour.
            Il y a un effet cliquet, et c’est pour cela que je suis très pessimiste pour l’avenir, l’état trouve normal d’emprisonner la population et des français en redemandent.

          • Le libéralisme n’est pas la loi du plus fort, ça ce n’est pas la liberté, c’est l’anomie. Le libéralisme et la liberté en général est possible en reposant sur le droit, des lois justes, une justice efficace, ce qu’on est loi d’avoir chez nous avec cette justice politisée, idéologique, syndiquée, et soumise aux intérêts de l’état.

      • « « s’intéresser véritablement aux besoins des clients » est justement la base du libéralisme »
        Non. La base du libéralisme est une philosophie du droit, qui postule que pour permettre aux individus de vivre au mieux de leur volonté et capacités, il faut respecter leurs droits naturels, qui sont la liberté, la sécurité et la propriété. Ce n’est que plus tard que d’autres penseurs d’inspiration libérale ont mis en évidence que l’application de ces principes au domaine économique permet d’autant mieux la réussite individuelle, la prospérité et la stabilité de la nation.

        Et le livre de Koenig, d’après la description qui en est faite, montre une fois de plus de façon désolante à quel point les ignorants confondent libéralisme avec capitalisme, et capitalisme avec consumérisme.

        En tant que libéral, si une bande de convaincus aux cheveux bleu veulent vivre en communauté, de produits naturels cultivés sans OGM, sans gasoil, sans pesticides, sans nucléaire, et sans finance, je les soutiens vivement dans leur volonté de refaire leur monde à leur façon, et ne ferais rien pour les en empêcher. Mais toujours en tant que libéral, ils n’ont aucun droit d’imposer aux autres cette façon de vivre.

    • @ Sophie
      Vous oubliez que le producteur qui ne s’intéresse pas aux besoins de ses clients ne VEND PAS ses produits, et donc fait faillite. C’est ça le capitalisme et la loi du marché! Ils le forcent à être au service des gens et de la société, sous peine de rejet.

  • Je vais de ce pas ajouter ce livre à ma pile de lecture.
    Concernant la critique de ce livre, l’auteur de cet article semble d’une confondante naïveté quand il écrit « L’économie de marché permet à chacun de réduire le temps de travail et de consommation pour mieux s’adonner à ce qui lui plaît vraiment.  » : j’ignore s’il veut parler de tous les Américains bossant 2 ou 3 boulots pour joindre les deux bouts, des gens dormant dans leur voiture parce que les loyers sont impayables, ou de la marchandisation des loisirs, accompagnés de la privatisation des plages par exemple. L’économie de marché, c’est faire du pognon, c’est un outil : l’ériger en but, en philosophie, en mode de fonctionnement général, c’est l’Enfer.

    • L’auteur n’est pas naïf. C’est vous qui manquez de culture économique pour contester cette évidence : « L’économie de marché permet à chacun de réduire le temps de travail et de consommation pour mieux s’adonner à ce qui lui plaît vraiment. »

      Pour votre instruction, en voici quelques exemples : https://www.contrepoints.org/2020/12/29/288811-capitalisme-a-libere-femmes
      https://www.contrepoints.org/2020/03/09/330787-comment-le-marche-a-libere-les-femmes

      • Ma solide culture économique me permet de dire que ce sont les diminutions des temps de travail, imposés par la loi, qui ont permis de réduire le temps de travail. Les congés payés, qui permettent de mieux s’adonner à ce qui lui plait vraiment, ne sont pas issus de l’économie de marché. Dans les articles que vous donnez, il est à noter deux choses : c’est l’économie de marché qui a déplacé la production de machines à laver vers l’Asie. Et ces articles ne sont pas fort élogieux pour la femme : en effet, il est marqué clairement que le métier « naturel » de la femme est de faire la lessive.

        • Les congés payés et les 39h sont payés par les revenus générés par les entreprises et rien d’autre. Ces lois n’auraient jamais pu être appliquées sans la capacité des entreprises, et donc de ses salariés, à les financer, fin!

        • Vous êtes trop obnubilé pour ouvrir votre esprit, le type même du français perverti par le socialisme qui refuse de voir les avantages pour se focaliser sur les inconvénients. Non le métier naturel de la femme n’est pas de faire la lessive, mais c’est ce qu’elle fait pourtant. Cela vient du temps où la société était essentiellement agraire. L’homme travaillait aux champs pendant que madame s’occupait des enfants et de la maison.
          Mais sans le capitalisme vous n’auriez pas de travail, pas d’assurances sociales puisque ce sont les entreprises qui fournissent les emplois et avec les bénéfices qu’elles font payent votre salaire et vos assurances sociales. Sans elles vous n’auriez aucun des avantages dont vous parlez, car ce sont encore elles qui financent vos congés payés! Faut réfléchir de temps à autre!

  • Vraiment une critique très intéressante de ce roman et conte philosophique, qui l’est tout autant.
    Je ne partage pas la – relative – sévérité du jugement en deuxième partie du texte mais j’apprécie la réflexion que les propos suscitent. C’est agréable de lire une plume alerte !
    Je suis même soulagée de lire cet article qui apporte un éclairage plus affûté que la plupart des articles de presse que j’ai parcourus, à la lecture desquels je sens parfois que le journaliste a lu en diagonale et a vite raccroché son impression rapide au profil type de l’auteur ; à l’apparent paradoxe mis en lumière d’un libéral qui taperait contre son camp.
    Je suis d’accord avec vous sur « le talent de Gaspard Koenig : dans cet aller-retour entre le général et le particulier, le macro et le micro, qui fait de ce roman un véritable conte philosophique ».
    Je suis moins d’accord sur le fait qu’il raterait sa cible, si tant est qu’il en soit question (et si tel était le cas, armé d’un clavier tel un mousquetaire du XXIè s. ou un hussard et de son brio intellectuel).
    De mon point de vue, Gk part de la société actuelle moderne et en sublime les griefs qui lui sont habituellement opposés (argent des riches sur Terre / crédit illimité dans l’au-delà ; frustrations de toutes sortes sur Terre y compris sensuelles / satisfaction illimitée des moindres fantasmes – quoique sans jouissance ; insécurité et mal-être ici-bas / sécurité et bien-être illimités au-delà ; temps limité sur terre / éternité etc ). La prise en charge optimale des maux habituels de notre société dans l’univers que décrit le roman de GK montre bien que les critiques habituelles de notre modernité portent souvent sur des problèmes matériels mais ratent, elles en effet, bel et bien leur cible : l’individu, sa réalisation dans ce monde-ci. Le roman montre bien que le narrateur est finalement insatisfait d’une prise en charge excessive de ses plaisirs car il ne jouit plus de rien ni ne possède aucune autonomie. La surveillance est étouffante, oppressante, liberticide. On peut se dire qu’étant mort, ce n’est pas bien grave et d’autant moins qu’il a atterri en Enfer, ce qui doit bien être la punition de quelque chose, oui, mais de quoi ? Dans le roman, cette phrase : « on est toujours innocent face à soi-même ». Il ne comprend pas ; de quoi est-il coupable?
    Alors vient la réflexion que fait naître le livre et que vous décrivez bien dans votre article : « Qu’est-ce que cet Enfer peut bien avoir de commun avec les sociétés marchandes ? »
    Est-ce la critique du libéralisme ou plutôt d’un système qui asservit l’individu dans ce qu’il a de plus digne : son autonomie individuelle, son droit à l’erreur, à l’errance, au repos, à l’inefficacité ? Des thèmes, chers à l’auteur, bien traités dans l’ouvrage passionnant La fin de l’individu.
    A trop vouloir prendre en charge des individus tout en les surveillant instamment, que devient l’individu lambda, si ce n’est un être somnolent qui s’abandonne et qui abandonne tout espoir?
    C’est sur cette pente que le héros du roman freine de toutes ses forces et amène le lecteur à se poser avec lui des questions de fond.
    Tel le héros du film The Terminal, il reste en éveil et alors même qu’il ne possède pas tous les codes, ni la langue, il crée du lien, il se respecte et le sera en retour. N’est-ce pas au fond ce que chaque individu peut espérer vivre éternellement dans sa condition humaine : le lien et le respect?
    Or, les damnés que nous sommes ou les damnés que nous serions dans ce roman, acceptons de sacrifier l’essentiel au profit de fausses cibles qui miroitent sous nos yeux et dont on cherche globalement d’ailleurs moins à jouir qu’à critiquer. Comme S. Tesson l’avait exprimé, grosso modo, les français se croient en Enfer alors qu’ils sont au paradis ! Ce en quoi je ne sais pas si je partage tout-à-fait l’idée! Comme dans le roman, l’impasse est en effet souvent faite sur l’individu, sa souveraineté, son cheminement réellement personnel, sa créativité, son intelligence. La bureaucratisation des esprits, expression récemment rappelée par GK, tirée d’A. Graeber, n’est-elle pas ce qui arrive aux individus quelle que soit la forme, quel que soit le siècle : néolibéralisme poussé à l’extrême dans le roman, dystopie constructiviste de type socialiste ici dans l’article, servitude volontaire selon La Boétie ?
    Peut-on également s’affranchir de toutes ses pensées et trouver ses issues personnelles indépendamment des frustrations que notre esprit peut subir en connaissant les aberrations de nos renoncements (subis ou volontaires) aux libertés? Oui, je crois qu’il y a moyen. Mais malheureusement, les solutions semblent devoir inéluctablement être individuelles et inégales selon les individus. Toute forme collective d’organisation n’aboutit-elle pas à l’exercice du pouvoir des uns sur les autres, ou à la responsabilisation des uns pour les autres et dans les deux cas, aux excès et abus du pouvoir ? On peut le regretter même si cela ne doit pas empêcher de chercher, voire de trouver, son paradis…
    De cela ni GK, ni vous-même, j’imagine, ne disconviendrez !
    Bonne journée 🙂

  • Pour un soi-disant philosophe libéral Koenig me parait peu au fait de ce que sont le capitalisme et le libéralisme, vu ce qu’il écrit dans ce pamphlet.

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