Par Sébastien Thiboumery.
Que vous découpiez une pizza en deux ou en six parts, sa taille restera identique. Il en est de même pour la valeur d’une société en bourse. Lors d’un split, elle décide simplement d’augmenter le nombre d’actions en circulation via la division du nominal de son action.
Par exemple, une division du nominal par 2 conduit à une multiplication du nombre d’actions par 2 et à une réduction de la valeur de l’action par 2. L’opération est supposée être neutre en termes de création de valeur. Dans ce cas, pourquoi de plus en plus de sociétés réalisent des splits, et pourquoi les investisseurs réagissent de manière positive à ce qui est censé être un non-événement ?
Combien vaut une part de pizza ?
En d’autres termes, pourquoi une pizza découpée en six parts vaut plus qu’une pizza découpée en deux parts ?
La recherche académique est partagée sur les raisons du split. Louis et Robinson [2005] considèrent celui-ci comme un signal optimiste du management, annonciateur de bonnes nouvelles devant faire progresser le cours de bourse. De même, pour Ikenberry et al. [1996], les managers conditionnent le split à des attentes favorables sur les performances futures de l’entreprise.
En revanche, Lakonishok et Lev [1987] puis Byun et Rozeff [2003] ont montré que les entreprises ont tendance à effectuer un split après une période de croissance substantielle, et performent moins bien par la suite. Enfin, Guo, Liu, et Song [2008] considèrent que le management soutient son cours de bourse, déjà inflaté par une comptabilité agressive, avec l’annonce d’un split.
Les autres raisons sont d’ordres psychologique et pratique. En effet, pour de nombreux particuliers, une action cotant à un prix élevé paraît chère, alors qu’elle paraît abordable si elle cote à un prix plus bas. Warren Buffet, l’un des plus grands investisseurs, a même succombé à la mode du split en 2009.
Il est vrai que peu de particuliers peuvent s’offrir une action Berkshire classe A à 300 000 dollars, contrairement à la classe B à 200 dollars. Un split favorise ainsi l’acquisition d’action par les petits actionnaires qui représentent une part grandissante de l’activité boursière (environ 20 % des transactions à Wall Street).
Tesla ne s’y est pas trompé : près de 30 % de son actionnariat est représenté par des particuliers, et l’action est l’une des plus populaires sur les plateformes de trading. En effectuant un split, la volonté de Tesla est de rester populaire auprès de ces particuliers. L’annonce d’un split permet également pour une entreprise de rester sur les radars des investisseurs et de capter leur attention.
Alors comment interpréter un split d’action ? Signal optimiste ou bien opportunisme du management ? Apple et Tesla ont annoncé cet été des splits avec des niveaux de fractionnement élevés (Apple : 4 pour 1 et Tesla : 5 pour 1) reflets de parcours boursiers exceptionnels.
Les dates de splits effectives (fin août) correspondent aux plus hauts boursiers jamais atteints pour les deux titres, qui ont depuis reflué. Le lendemain de son split, Tesla en a même profité pour annoncer une augmentation de capital de 5 milliards de dollars. Les actionnaires entrés à cette occasion sont donc en perte, pour le moment.
Les opérations de split sont des éléments de frustration pour les tenants de l’efficience des marchés financiers, car lorsque la logique dit 1+1 = 2, la psychologie dit 1+1 = 2 et plus. Et si la psychologie de l’investisseur évolue en fonction du cours des actions dont les prix ne sont plus soutenus par les fondamentaux, alors le risque de perte n’est pas seulement psychologique, il est matériel. Question de logique. Alors split ou pas, investissez de manière rationnelle et prudente.
Le cours de Berkshire Hathaway, dans les 316000$, fait comprendre le problème quand on se refuse éternellement à faire le moindre split, et l’intérêt pour l’investisseur que le cours de l’action unitaire reste dans une fourchette raisonnable.