Alors qu’en termes d’innovation, l’Europe accuse un important retard sur la Chine et les États-Unis, l’épargne des ménages européens pourrait, d’après Michel Cicurel, fondateur du fonds La Maison, être mise à contribution pour financer la santé, les nouvelles technologies ou encore la lutte contre le changement climatique.
35 000 milliards d’euros d’épargne : c’est le montant de l’épargne dont disposeraient les ménages européens. Un véritable trésor, qui dort tranquillement sur des comptes et livrets aux rendements tout aussi tranquilles. Bien plus frileux que leurs homologues américains ou chinois, les ménages de l’Union européenne (UE) épargneraient environ 12,7 % de leurs revenus, et même jusqu’à 14 % au sein de la zone euro. À titre de comparaison, le taux d’épargne brut des ménages américains ne dépassait pas 4 % en fin d’année dernière.
Si Jean de La Fontaine aurait peut-être chaleureusement félicité les « fourmis » européennes face aux « cigales » étasuniennes, les réalités macro-économiques du XXIe siècle n’ont, malheureusement, pour les épargnants du Vieux continent, rien d’une fable. Certes, l’Europe épargne, mais – et l’un est la conséquence de l’autre – sa croissance économique est atone, comprise entre 0 % et 1,5 %. Loin des 3 % affichés par les États-Unis et des 5 % revendiqués par la Chine.
L’Europe de plus en plus dépendante de la Chine
Cette morosité économique des Européens, dont le fort taux d’épargne apparaît à la fois comme la cause et le symptôme, se double d’un retard de plus en plus criant en termes d’innovation. Avec une dépense en R&D atteignant péniblement les 2,2 % du PIB en 2021, l’UE est largement distancée par les États-Unis (de 2,8 % à 3,5 %) et a même été dépassée par la Chine (de 1,9 % à 2,4 %). De même, en 2022, les dépenses R&D des entreprises européennes ne représentaient que 16 % de celles de leurs concurrentes américaines.
Santé, numérique et technologies de l’information (TIC), IA, énergies renouvelables : quel que soit le secteur concerné, « nous devenons de plus en plus dépendants de la Chine », relevait récemment le Commissaire européen à l’Action pour le climat, Wopke Hoekstra. Le constat vaut singulièrement en matière de transition écologique : « nous devenons de plus en plus rouges à mesure que nous devenons plus verts », déplorait encore le dirigeant européen.
Une inquiétude relayée par l’économiste Benjamin Bürbaumer, selon qui « face à la polarisation entre la Chine et les États-Unis, le jeu d’équilibriste des Européens devient de moins en moins opérant ».
« Une révolution culturelle européenne » (Michel Cicurel, La Maison)
« Que faire pour accélérer le rattrapage européen ? », se demande dans une tribune au journal Les Échos l’économiste Michel Cicurel, selon lequel « ce ne sont clairement pas les cerveaux qui manquent, c’est l’argent ». Et celui qui est aussi fondateur du fonds d’investissement La Maison d’estimer que « l’Europe peut devenir le troisième grand de la tech mondiale, mais pour rattraper le retard qui se creuse, il faut mobiliser rapidement au moins mille milliards d’euros ».
Pour que le Vieux continent prenne toute sa place dans la mondialisation, Michel Cicurel appelle de ses vœux « une véritable révolution culturelle européenne » : alors que « l’Europe vieillissante, donc épargnante, creuse l’écart entre la classe moyenne dont l’épargne est mal rémunérée, et les plus favorisés qui accaparent le risque et le rendement à deux chiffres, il faudrait orienter cette épargne de masse vers des priorités européennes, notamment climatiques, et pour cela que les États européens les soulagent d’une partie du risque en le mutualisant ».
La question de l’épargne bientôt à l’agenda européen ?
Au lieu de dormir sur des comptes et livrets, l’épargne des Européens pourrait donc être mobilisée pour financer l’innovation et contribuer à cette souveraineté technologique que les dirigeants européens appellent de leurs vœux, tout en contribuant à la transition écologique. Alors que les députés européens fraîchement élus vont bientôt désigner un nouvel exécutif européen, ces propositions seront-elles reprises à l’agenda de Bruxelles ?
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