Brevet, bac : relancer le système… à l’identique ?

Le ministre de l’Éducation nationale sur les conséquences du confinement dû au covid-19 ou comment relancer le système à l’identique ?

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Brevet, bac : relancer le système… à l’identique ?

Publié le 5 avril 2020
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Par Nelly Guet.

Contrôle continu

Première grande annonce : le brevet et le baccalauréat ne donneront pas lieu à des épreuves reportées ultérieurement mais ils seront obtenus en fonction des résultats  du contrôle continu – des moyennes trimestrielles, donc – sur les trois trimestres de l’année scolaire 2019/2020.

Seule exception : les épreuves orales de français, en classe de première, se dérouleront au début du mois de juillet.

La fin de l’année scolaire est maintenue

Deuxième grande annonce : la reprise des cours au 4 mai n’est qu’une hypothèse car l’on ignore à ce jour si  l’épidémie sera enrayée ou s’il faudra prévoir des semaines supplémentaires de  confinement.

D’ores et déjà, la fin d’année scolaire est annoncée au 4 juillet avec obligation d’assiduité jusqu’à cette date, sous peine de ne pas obtenir les diplômes tant convoités.

Pour les connaisseurs du fonctionnement interne des établissements scolaires, il est permis de douter de l’efficacité d’une telle menace… sans même imaginer une  période de canicule semblable à celle de 2019 avec des températures avoisinant 45°C dans certains départements.

Les résultats obtenus pendant le confinement ne seront pas pris en compte

La troisième annonce est de la plus grande importance. Dans un souci de justice sociale et afin de ne léser aucun élève, les résultats obtenus pendant la période de  confinement ne seront pas pris en compte. La messe est dite.

Au lieu de s’emparer des conséquences bénéfiques de ce confinement sur les  pratiques pédagogiques découvertes par élèves, professeurs, et même parents, on les déclare non évaluables, car ne respectant pas le principe d’égalité de traitement de tous les élèves.

C’est ignorer le principe très vivace qui perdure dans l’esprit de tous : seules les  activités -cours, exercices, travaux pratiques, ateliers… – donnant lieu à une  évaluation deviennent crédibles. Tout ce qui n’est pas évalué perd immédiatement de sa valeur.

Uniformité du système éducatif

Il eût été possible d’apporter à chacun, là où il se trouve, une aide personnalisée. Encore faudrait-il renoncer à vanter les mérites d’une organisation homogène en cette période de confinement (plus homogène que nos voisins, nous dit-on !) – et avoir opté dans le système éducatif français pour une évaluation des compétences, répertoriées dès 2005, dans ce qui fut nommé un « socle » et émanait en fait de recommandations européennes, vite rognées puis ignorées.

Car il ne s’agit pas d’évaluer des tâches disparates définies au gré de l’interprétation des programmes par des professeurs jouissant d’une certaine liberté pédagogique, mais bien plutôt de se fier à un référentiel permettant l’acquisition de compétences à des rythmes variés.

Ce confinement représente pourtant une opportunité inespérée pour passer de la notion de programmes dictés par l’inspection générale à celle de projets  pluridisciplinaires faisant même au besoin intervenir des partenaires extérieurs.

Nulle nécessité de respecter le calendrier des vacances scolaires ! Tout bon professeur ayant mérité une pause est capable de définir, en concertation avec chaque élève, un plan de travail pour les deux semaines de vacances à la maison. À croire que l’on estime, en haut lieu, que les élèves ne peuvent travailler que si les professeurs sont en ligne.

Toujours dans un souci de justice – comme si nos pratiques habituelles pouvaient prétendre l’être – des commissions d’harmonisation des notes, présidées par des  inspecteurs généraux, veilleront à ce que des calculs subtils sur les notes attribuées par tel ou tel établissement, sur ses taux de réussite aux examens, etc. etc. nous assurent de la prise en compte de l’hétérogénéité de la notation des professeurs selon l’établissement dans lequel ils enseignent.

Le commentaire d’une journaliste d’un grand quotidien laissait même entendre aux parents et élèves inquiets qu’il y aurait cette année le même taux de réussite que les années passées !

Edgar Faure, ministre de l’Éducation nationale en 1968/1969, sur le conseil d’André de Peretti et de quelques autres, avait mis fin à ce qui s’appelait la « composition trimestrielle ».

Cette réforme de l’évaluation devait permettre, dans l’esprit de ses auteurs, de mieux prendre en compte l’ensemble du travail fourni sur un trimestre et la progression de l’élève. Elle a été dévoyée et a donné lieu à ce qui est devenu la sacro-sainte « moyenne trimestrielle », parfois scrupuleusement calculée par des professeurs de philosophie, de lettres… à la décimale près !

Cette absurdité ressurgit en 2020, au moment même où une catastrophe mondiale aurait pu au moins permettre de transformer en profondeur les pratiques  pédagogiques obsolètes en cours dans le système éducatif français.

Évaluer, comme disait mon ami André de Peretti c’est faire ressortir la valeur. N’y avait-il pas en cette période de confinement, où chacun est amené à travailler dans des conditions tout à fait nouvelles, parfois seul, parfois bien entouré par des parents
bienveillants et instruits, parfois démuni de toute connexion Internet, des moyens adéquats pour combler les manques et permettre à chacun de parfaire ses  connaissances, ses compétences, à son rythme ?

Il va sans dire que ce n’était pas réalisable dès la première semaine, mais s’il en reste cinq, voire sept ou huit, n’est-il pas envisageable que les budgets de fonctionnement attribués par les conseils départementaux et régionaux aux établissements scolaires – et non complètement utilisés actuellement – soient affectés en partie à cette nouvelle  mission : mettre à pied d’égalité les élèves dépourvus des outils technologiques, au lieu de leur proposer des sessions de rattrapage à la reprise des cours ?

Les parents actuellement en télétravail ont le devoir de formuler de nouvelles exigences. La crise économique est inévitable mais elle sera moins dramatique si les jeunes générations disposent des compétences scientifiques, technologiques,  devenues indispensables y compris dans le monde des arts et des humanités.

La mise en œuvre revient aux enseignants ouverts à un débat interdisciplinaire, soucieux de favoriser également chez leurs élèves l’acquisition des « compétences transversales », à l’heure du numérique, de la robotisation, et bientôt de l’intelligence artificielle qui modifient profondément le monde du travail et les
relations humaines.

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  • ben non , expérimentation a grande échelle des études par le net.. mets l’eau a la bouche de l’etat..
    il tient là une reforme structurelle qui pourrait, a terme , faire économiser 500 000 emplois (au bas mot)de fonctionnarisés cachés bien a l’abri dans la dent creuse du requin..
    C’est La solution budgétaire de la france, 1 prof, 1000 assistants= 10 000 élèves..
    ah ben oui , faites les comptes… plus de désert éducatif.. le meilleur enseignement
    pour tous..
    Hop circulez!

  • Ici, on nous propose ce » que j’appelle la pédagogie avec « une plume dans le c… ». Des projets collectifs mêlant toutes sortes d’intervenants, avec des objectifs forcément disparates, et une impossibilité de déterminer ce qui est réalisé effectivement par les participants.
    Ce type de réalisation est complexe et ne peut s’envisager que dans des formations techniques professionnelles, avec des participants conscients de ce qu’ils recherchent dans leur formation.
    Alors, l’auteur (qui semble n’avoir que peu enseigné directement) nous indique des directions pédagogiques qu’elle pense être les bonnes, en niant la liberté pédagogique de l’enseignant, c’est typique de ceux qui encadrent les formations, et qui rêvent de robots à leurs ordres.
    Et puis la fameuse rengaine des compétences, avec l’idée que tout passe par des compétences : alors oui, on mêle tout ce qui semble être nécessaire, ce qui met au même rang des compétences synthétiques avec des compétences primaires (ch… en est une, parlez-en aux maîtresses de maternelle).
    Mais aux côtés des compétences, il y a des savoirs, et des savoirs être, et il reste le vouloir, puis le pouvoir…
    Bref, les discours réducteurs sont l’apanage de ceux qui ne sont pas aux fourneaux, comme toujours.
    Quant aux programmes, ils sont le lieu d'(une dérive systémique permanente, ceux qui les conçoivent sont soit universitaires, soit des inspecteurs qui ont fui la classe et veulent par ailleurs faire carrière, donc plaire, participer à la conception des programmes est un élément qui les signale à leur autorité (et sur lequel ils touchent des primes).
    La seule solution est la liberté pédagogique, la libération des établissements et la diversité, et peut être au milieu des organismes non étatiques qui réalisent des évaluations, à l’instar de ceux qui apparaissent en matière d’orthographe et de grammaire…
    Pour finir, la transversalité, tarte à la crème des pédagogistes, c’est beau, c’est conceptuellement pur, mais cela ressemble beaucoup aux formations vides comme celle de l’ENA, où l’on apprend à traiter de tout dans les formes avec incompétence de fond.

  • « une opportunité inespérée pour passer de la notion de programmes dictés par l’inspection générale à celle de projets pluridisciplinaires faisant même au besoin intervenir des partenaires extérieurs. »
    Et ainsi faire perdre du pouvoir à la direction centrale de l’EdNat, seule à même d’orienter « l’éducation » dans la direction de l’écoconscience, du développement durable anticapitaliste (mais financé par le capitalisme) et du bienvivrensemble voulus par nos politiques… Vous n’y pensez pas ! L’obèse ne lâchera du lest qu’acculé au bord du gouffre. Et encore !

    « des commissions d’harmonisation des notes, présidées par des inspecteurs généraux, veilleront à ce que… …prise en compte de l’hétérogénéité de la notation des professeurs selon l’établissement dans lequel ils enseignent. »
    Porte grande ouverte aux manœuvres de « justice sociale », de débinage des structures en faveur du public…etc Ce qui est déjà le cas mais en partie (en partie seulement) limitée par l’anonymat des copies du bac.

    « Les parents actuellement en télétravail ont le devoir de formuler de nouvelles exigences.  »
    Les parents en télétravaillent ne représentent qu’une minorité issue essentiellement de la classe moyenne-supérieure. L’article de l’auteur est sympa mais très théorique et un peu hors-sol. A la vue de son cursus, je ne suis pas sûr que l’auteur ait cotoyé des collèges et lycées de la France moyenne (et même pas « profonde »).
    Il est sûr que les réformes dont parle l’auteur pourraient être très positives chez certains élèves disposant déjà d’un milieu familial attentif et/ou avec certains moyens matériels. Pour les autres élèves, j’ai plus de doutes. Non que certains d’entre eux ne soient pas motivés (il y en a !!) mais l’environnement matériel et/ou parental voire familial peut être un frein certain.
    Sauf à considérer, une fois de plus, qu’il faut faire acte de « justice sociale » dans la notation.

    De toute façon, le Bac 2020 est bien parti pour être un nouveau Bac 1968…

  • J’ai rien compris…
    Je ne suis ni stupide, ni illettré.
    Je ne dois donc pas être le seul.
    Du coup, je me dis que finalement, à part les « spécialistes » de l’éducation, de ceux qui mènent la France vers des jours meilleurs (à en croire le PISA, quand on le lit à l’envers), personne ne comprend rien à ce que raconte un « spécialiste de l’éducation ».
    De là à les traiter de Diafoirus ou de Médecins, façon Molière, il n’y a qu’un pas, que je franchis allègrement.

  • Les commentaires sont fermés.

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