Covid-19, le jour d’après : 4 bouleversements qui vont changer la donne

Le choc de Coronavirus ne sera pas seulement sanitaire, il sera aussi économique et géopolitique. Petit essai de prospective.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
coronavirus source https://unsplash.com/photos/4I6VHLP5Ws4

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Covid-19, le jour d’après : 4 bouleversements qui vont changer la donne

Publié le 27 mars 2020
- A +

Par Florent Ly-Machabert.

Alors que l’Organisation Mondiale de la Santé vient de déplorer l’accélération de la pandémie de Covid-19 qui a contaminé, à l’heure où nous écrivons cet article, quelque 350 000 personnes à travers le monde, il est intéressant de se livrer à un petit exercice de prospective relative au profond changement de paradigme que ce choc exogène risque d’infliger au monde tant au niveau économique que géopolitique.

La première mutation macroéconomique à laquelle la crise sanitaire actuelle ne manquera pas de donner lieu est une transformation en profondeur des supply chains, particulièrement celles des firmes multinationales occidentales du secteur industriel.

Relocalisation

La prise de conscience de notre excessive dépendance économique vis-à-vis de zones géographiques – et notamment l’Asie – où, dans le cadre de ce que nous avons appelé la division internationale du travail et même la décomposition internationale des processus de production, nous avons délocalisé des pans entiers de nos chaînes de valeur (matières premières, principes actifs de médicaments, etc.), aura d’importantes – et très coûteuses – répercussions.

C’est, dans une certaine mesure, la mort du commerce intrafirme et c’est ce qu’a tenté d’esquisser Emmanuel Macron dans son adresse aux Français le 12 mars dernier, cachant mal le faux procès, en creux, qui sera fait à la mondialisation : « Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond à d’autres est une folie. » Aussi faut-il s’attendre soit à une relocalisation des chaînes de production – les firmes produiront alors dans leur pays d’origine et exporteront directement leurs produits finis à l’étranger, se contentant le cas échéant de simples IDE (investissements directs à l’étranger) « horizontaux » c’est-à-dire de filiales-relais ; soit à une démultiplication sur chaque continent de toute la supply chain d’une même firme (comme le font déjà les GAFAM avec leurs centres de données), pour diversifier le risque géographique.

Dans ce dernier cas, on continuera de créer des filiales-ateliers à l’étranger moyennant des IDE dits « verticaux » mais en les rapprochant des filiales-relais : c’est un scénario très coûteux pour les entreprises mais hautement probable, de convergence des IDE horizontaux et verticaux.

Dans un tel cas de figure, un Michelin avec ses 74 sites de production dans 19 pays, un centre de technologies sur trois continents et six plantations d’hévéas dans deux pays est moins bien armé pour le Jour d’après qu’un Hankook, son allié sud-coréen d’hier et concurrent d’aujourd’hui qui a implanté au moins un siège régional, un centre technique et un site de production dans chacune des aires américaine, européenne et asiatique où il est présent.

Implosion de la zone euro

La deuxième transformation à laquelle nous allons assister est l’inévitable implosion de la zone euro, quadruplement fragilisée par la bulle obligataire – héritage de la précédente crise financière de 2008 qu’on a tenté de résoudre en abaissant les taux directeurs et qui a dégénéré en crise des dettes souveraines (souvenons-nous de la Grèce en 2011) ; par l’endettement colossal des institutions bancaires européennes (et notamment italiennes) ; par le dédain qu’inspire notre continent au bloc USA/Royaume-Uni qui lui a nuitamment fermé son espace aérien sans préavis ; et par le défaut de solidarité de l’Union européenne vis-à-vis d’un de ses membres fondateurs – certes déjà sur la pente d’un Italexit avec Salvini – confronté à une grave épidémie dans laquelle les seuls pays venus l’aider sont extra-européens : la Chine, la Russie et Cuba !

Que ceux qui prétendront qu’un État ne peut quitter l’UE tourne leur regard vers le Royaume-Uni enfin sorti et qu’un État ne saurait faire faillite, vers le Liban qui, en renonçant ce jour à rembourser ses bons du Trésor en dollars, vient de notifier à ses créanciers rien moins qu’un défaut de paiement…

Les institutions européennes viennent pour leur part de renoncer au respect des critères du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) pour permettre aux États-membres de faire face, à nouveau par la dette et le déficit publics, aux conséquences économiques dramatiques du confinement lié à la crise sanitaire.

À s’être privé depuis le milieu des années 1970 des marges de manœuvre qu’une vraie réduction des dépenses publiques – qu’on appelle pudiquement réforme de l’État – eût permises, la France de demain, disons-le sans détour aux Français, c’est 3500 milliards d’euros de dette (150 % du PIB, plus de 50 000 euros par Français), 200 milliards de déficit (6 % du PIB) et un doublement du taux de chômage !

Déstabilisation du SMI

Le troisième bouleversement dont nous serons les témoins est une déstabilisation profonde du Système Monétaire International (SMI) en vigueur depuis 1973 et dont la pandémie actuelle ne sera que le catalyseur.

Comme la guerre commerciale sino-américaine l’a laissé entrevoir, la suprématie du billet vert, déjà chancelante, a vécu, le devenir de l’euro, monnaie marginalisée, est plus que menacé et le yuan ne cesse de s’affirmer, y compris – et c’est central – sous forme de pétro-yuan depuis 2018. Si au sein de ces trois zones monétaires aucun grand changement – sauf la mort de l’euro ! – n’est à attendre, et en faisant l’hypothèse, raisonnable, que les États veuillent garder leur indépendance monétaire c’est-à-dire une Banque centrale qui contrôle les taux d’intérêt, attendons-nous avec le Prix Nobel d’économie 1999, Robert Mundell, à un contrôle partiel des changes (en lieu et place du régime actuel des changes flottants) et de la circulation des capitaux.

Avec des réserves croissantes d’or, les banques centrales de Chine (90 milliards de dollars environ) et de Russie (100 milliards de dollars) y sont prêtes et auront même tout intérêt, économiquement et politiquement, à imposer un retour de l’or dans les paiements internationaux, seule arme contre l’hyperinflation et la fuite devant la monnaie qui ne manqueront pas de guetter l’économie réelle qui aura été droguée à la double relance monétaire (plus de 2000 milliards de rachat de dettes publiques et privées annoncées de part et d’autre de l’Atlantique) et budgétaire…

Transmutation géopolitique

Enfin, le quatrième changement pourrait bien être une métamorphose ou une transmutation géopolitique. Ne nous y trompons pas, le nouveau « Nouveau Monde » qui sortira de cette crise sanitaire, économique et financière reflétera un nouvel équilibre géopolitique, fruit d’une « reglobalisation », de la fin de la zone euro et de la remise à plat du système monétaire international.

Dans ce contexte, les jeux sont ouverts et le continent européen a devant lui des choix historiques : le pôle anglo-saxon lui tournant désormais ostensiblement le dos, soit l’UE continue d’accepter le chantage à l’immigration d’Erdogan dont le récent épisode grec n’est qu’un prélude, soit elle lui claque la porte au nez et en profite pour résoudre sa problématique migratoire, recréant ainsi les conditions d’un rapprochement eurasiatique avec Poutine et Jinping.

Mais il faudrait alors en payer le prix fort : la mort du commerce intrafirme, celle de l’euro et celle du dollar.

 

Voir les commentaires (9)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (9)
  • Ce qui est à craindre, c’est que les « dirigeants » européens feront tout, à commencer et y compris les pires sottises, pour sauver « leur » euro.

  • L’idée présentée d’une relocalisation possible avec productions par pays et exportations style début XXè siècle est totalement loufoque, c’est profondément ignorer comment la spécialisation s’est opérée non pas par pays mais par étapes de production et par composants.
    C’est ainsi qu’un Boeing comprend 15 % au moins de composants européens et qu’un Airbus comprend 20 % de pièces américaines.
    Il faudrait plutôt parler de productions stratégiques, ce qui est un concept appelé à être constamment dépassé : les Facteurs Clés de Succès sont stratégiques et changent continuellement, les composants peuvent être stratégiques s’ils manquent, et ne plus l’être du jour au lendemain avec les mutations technologiques.

    • Exactement, ces abrutis ne comprennent rien à la manière dont fonctionne l’économie et le marché. Il est tout à fait impossible de relocaliser en France à court ou même à moyen terme et à long terme personne se sait de quoi seront fait les industries du futur. sans même parler des difficultés d’implantation de la moindre niche à chien en France et des couts induits qui feront exploser les prix. Le risque c’est que l’état décide de d’intervenir encore plus dans l’économie à grand renfort de taxes, de réglementations, de barrières, d’interdictions, de subventions…

  • Bientôt application de la Loi Sapin 2 !

  • Juste pour dire que les Chinois mettent le nom en premier. Le Président chinois est donc monsieur Xi.

  • Oui Ca sent fortement le sapin …. 2 ! Sortez de l’argent de votre assurance vie tant qu’il en est encore temps. Après vous pourrez le regarder mais faudra plus toucher !!!

  • En matière de société et d’organisation, il faut faire la différence entre une multinationale et une transnationale.
    La multinationale crée des centres de production (d’un produit complet) indépendants dans différents pays.
    La transnationale répartie la chaine de production entre différents pays pour bénéficier des spécialisations locorégionales, des fiscalités les plus avantageuses et donc des prix les plus bas mais aussi pour ne pas s’exposer à des nationalisations.
    Au début, avant la mondialisation, la stratégie de la transnationale a été une réponse pour neutraliser les politiques de nationalisation effectuées par certains pays. Ainsi dans l’industrie automobile on a 3 sites de production des moteurs mais des carrosseries dans d’autres pays. La tentation de hold up par une nationalisation est alors écartée et permet d’avoir des échanges commerciaux même avec des pays généralement non respectueux de la propriété privée et des entreprises.

  • pas d’accord, la mondialisation à beaucoup plus d’avantages que inconvénients et si vraiment une « démondialisation » s’opère nous en subiront les conséquences douloureuses très rapidement. le replis sur soit à toujours eu des conséquences désastreuse (cf 1929). la liberté économique doit prévaloir à tout prix et il faut savoir garder en vue la réalité brut : le corona virus n’est PAS un danger mortel pour l’humanité. Oui il y aura des morts (comme toute épidémie viral) mais ce sera principalement des personnes très âgées, les forces vives des nations ne seront pas ou peu touchés. Les effets que l’on constates actuellement sont auto infligé et suive l’idéologie politique stupide du zéro risque qui est à la source de tous nos problèmes. La vie c’est le risques, sans risque pas de progrès. Le confinement généralisé est une stupidité. il fallait confiner les personnes à risque (en gros les vieux qui représente 95% des cas graves), tester et isoler les gens atteint et laissé l’économie tourné vaille que vaille. Faire l’autruche n’a jamais servi à rien.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
La plateforme Spotify annonce le licenciement de 1500 employés, soit le sixième du total. Twilio, la plateforme d’hébergement de sites web, annonce le licenciement de 5 % de ses salariés. En plus de baisses des cours depuis deux ans, les entreprises perdent l’accès à des financements pour les pertes sur les opérations. Les levées de fonds, à travers le monde, baissent de 100 milliards de dollars par rapport aux niveaux de 2021.

Ainsi, les entreprises ont moins de moyens à disposition. Les gérants gagnent moins de primes. Les actionnaires ... Poursuivre la lecture

Sommes-nous heureux ? Qu’allons-nous devenir ? Pourquoi j’existe ?

Des questions bien trop nébuleuses pour le penseur de l’économie, des questions qu’il préférera résumer en une seule : quel PIB par habitant ? Un indicateur critiquable, mais quantifiable.

Le PIB par habitant reste l’indicateur le plus utilisé pour évaluer nos progrès, notre rang, notre niveau de vie. Or, c’est justement sa mesure qui inquiète aujourd’hui. Le PIB par habitant croît toujours, mais de moins en moins vite, et l’horizon pourrait s’assombrir davantage... Poursuivre la lecture

Le gouvernement a été cette semaine confronté à un nouveau psychodrame : la fin programmée au 1er janvier 2024 de la dérogation permettant d’acheter n’importe quel produit alimentaire avec un titre-restaurant.

En effet, Bercy n’avait pas prévu de reconduire cette dérogation, adoptée durant la crise liée au Covid-19 alors que les restaurants étaient fermés : bronca immédiate parmi l’ensemble des partis d’opposition et des salariés maintenant habitués à faire leurs achats alimentaires quotidiens avec ces chèques subventionnés. Le gouvern... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles