Par Charles Boyer.
Un effet de la crise du coronavirus Covid-19 est actuellement une spectaculaire chute des prix du pétrole brut. Quel producteur peut tenir le plus longtemps possible si la situation se prolonge ?
La consommation mondiale de pétrole chute, entre autres du fait de la baisse du trafic aérien, et ceci se reflète en ce moment de façon spectaculaire sur les prix du pétrole brut. Or, tous les pays et tous les champs pétroliers sont fort inégaux en termes de coûts de production. Ainsi, au fur et à mesure que le prix baisse, de plus en plus de producteurs passent en dessous de leur point de break even, c’est-à-dire que leurs ventes de pétrole deviennent non profitables, ils vendent à perte.
Si ceci se prolonge, certains devront réduire ou interrompre leur production. C’est une décision difficile à prendre car un puits fermé se détériore, le remettre en production plus tard n’est pas aussi simple que d’ouvrir le robinet.
Quels sont des facteurs qui rendent une production de pétrole plus chère ?
- la longueur du forage nécessaire
- l’orientation du forage, les forages horizontaux à longue distance sont plus onéreux que de courts forages verticaux
- le besoin d’ajouter de la pression en injectant un gaz dans le réservoir, souvent du gaz de pétrole, parfois d’autres, comme de l’azote ou du CO2
- la sécurité, si les champs et les pipelines sont régulièrement la cible d’attaques, comme c’est le cas au Nigeria par exemple
- produire en mer coûte davantage, et ce d’autant plus en grande profondeur ; par exemple en Angola ou au Brésil avec l’ultra profond allant jusqu’à 3000 mètres
- la fracturation hydraulique ajoute aussi des coûts par rapport aux champs où elle n’est pas nécessaire ; ceci touche particulièrement les hydrocarbures de schiste des États-Unis
- certaines productions non conventionnelles, comme les sables bitumineux du Canada qui représentent des réserves immenses, nécessitent un forte dose d’énergie pour séparer l’hydrocarbure sous forme de chaleur pour produire de la vapeur
- le climat peut rendre les choses nettement plus compliquées, par exemple en zone arctique
- la disponibilité locale de personnel compétent, là où faire venir des expatriés nécessite une lourde prime de vie dure, ou hardship premium
Il existe d’autres facteurs influant sur les coûts de production.
L’avantage de l’Arabie Saoudite
En tenant compte de tous ces coûts, quels sont les champs de pétrole qui peuvent tenir le plus longtemps face à une chute des prix, c’est-à-dire, rester au-dessus de leur point de break even ? Selon ce critère, l’Arabie Saoudite est le producteur qui peut continuer le plus longtemps sans perdre d’argent. Ses champs, et en particulier le gigantesque Ghawar, échappent à presque tous les surcoûts mentionnés ci-dessus.
Par ailleurs, un événement remarquable de la semaine dernière est que la Russie a quitté le groupe OPEP+ qui cherchait à enrayer la chute du prix par des coupes de production. C’est le signe que ce pays est confiant dans sa capacité à pouvoir gagner de l’argent si les prix chutent.
L’Iran, l’Irak, le Koweït, les Émirats Arabes Unis sont, d’un point de vue technique, en assez bonne position également.
Bien entendu, ce mécanisme est en partie auto-correcteur : au fur et à mesure que des producteurs jettent l’éponge et réduisent ou interrompent leur production, cela change le rapport offre/demande et estompe la pression à la baisse.
Pour revenir à l’Arabie Saoudite, quels bémols s’imposent à la constatation des coûts de production favorables ? Il sont principalement au nombre de deux, l’un de nature sociale et l’autre de nature géopolitique.
- le régime Saoud achète la paix sociale à coups de pétrodollars depuis le printemps arabe. Quand le prix s’effondre, ses recettes aussi, et donc sa capacité à dépenser pour maintenir la paix sociale. Ainsi, dire que ce pays peut tenir plus longtemps que les autres ne signifie pas qu’il peut tenir éternellement.
- l’attaque par drones des rebelles Houthis du Yemen contre le site de traitement du brut saoudien d’Abqaiq, en septembre dernier, qui a coupé instantanément un quart des exportations du royaume, a exposé une vulnérabilité. Il est raisonnable de rejoindre ceux qui estiment que cette attaque n’aurait pas été possible sans un soutien technique de l’Iran. L’éventuelle répétition d’un tel acte changerait fort la donne quant aux constatations que nous faisons ici.
De grands chamboulements sont à prévoir dans l’industrie pétrolière si la crise du coronavirus Covid-19 se prolonge longtemps.
« C’est le signe que ce pays [la Russie] est confiant dans sa capacité à pouvoir gagner de l’argent si les prix chutent. »
Je crois, AMHA, que l’auteur oublie les problèmes de distribution. La Russie est en train d’investir énormément dans cette infrastructure. Un prix plus cher diminuerait les quantités et augmenteraient les charges fixes. Il faut aussi que les clients ne soient pas hésitant à ces investissements de leurs cotés.
C’est l’Arabie Saoudite qui est demandeuse d’une baisse de la production pour faire augmenter le cours et équilibrer ses comptes, je ne suis donc pas certain qu’elle soit en position de force. Ce serait plutôt le cas des russes qui pensent d’ailleurs que réduire encore la production n’impactera pas le prix donc autant produire surtout si ça peut dans le même temps flinguer une partie du pétrole américain.
Coîncidence, coïncidence… lire l’article au-dessus. Comme quoi, difficile de savoir qui détient la vérité et ceci, même à un moment donné.
A lire les 2 , j’ aurais tendance à penser que celui-ci se plante.