Par Pierre Farge.
Adoptée mercredi dernier, la proposition de loi contre les contenus haineux sur Internet, dite « loi Avia », impose aux plateformes en ligne de supprimer dans l’heure tout contenu terroriste ou pédopornographique sur simple injonction de la police. Si l’initiative peut sembler louable et rassurante des effets pervers sont à craindre, et non des moindres. Pierre Farge, avocat au barreau de Paris, expert en droit de la presse, vous explique pourquoi.
Les mots ont toujours tué. Soit par le mal que l’insulte et la diffamation peuvent faire. Soit par l’incitation à la violence physique qu’ils peuvent entraîner.
Les contrôler, et les sanctionner au besoin, est donc normal. À l’heure d’internet, où la violence des mots atteint des proportions folles et illimitées, c’est même un impératif.
Cela doit néanmoins pouvoir se faire dans le respect des principes de la République, ce que remet en cause la nouvelle loi réprimant les contenus haineux sur Internet autorisant les services de police, et non plus la justice, à faire retirer tout contenu terroriste ou pédopornographique.
Plusieurs inquiétudes sont à exprimer :
- Sans juge, ce texte représente une menace pour la liberté d’expression,
- Le développement de l’arbitraire de l’État,
- Un engorgement judiciaire,
- Sans préjudice d’une mise en application quasiment impossible.
Une menace pour la liberté d’expression
Par définition, contourner le pouvoir judiciaire dont la mission fondamentale est précisément de contrôler l’application des lois, pour confier ce rôle à un tiers, présente un danger.
En l’occurrence, confier ce rôle à un service de police l’est d’autant plus car cela n’entre pas dans ses trois missions prioritaires de protection des personnes et des biens ; de police judiciaire ; ou de renseignement et d’information.
Hors de sa compétence, et donc de son expertise, la police n’est donc pas là pour suppléer au pouvoir d’un juge, qui, après examen minutieux de la loi, de la jurisprudence, et d’un faisceau d’éléments, au cas par cas, ordonne ou non le retrait d’un contenu sur internet.
Le développement de l’arbitraire de l’État
C’est pourtant ce que cette loi autorise en dehors de tout tribunal : la censure par la police de tout contenu sans que l’on ne puisse vérifier si une telle décision est juridiquement justifiée.
En pratique, au prétexte d’avoir fait l’objet d’un signalement policier, n’importe quel article de presse publié en ligne peut ainsi être supprimé en 60 minutes.
Un risque d’engorgement judiciaire
Cet état de fait est d’autant plus inquiétant que l’on sait les services de police, et notamment d’enquêtes, complètement débordés, car en sous-effectif et en manque de moyens.
Leur ajouter ainsi cette nouvelle tâche que d’apprécier le caractère, ou non, terroriste ou pédopornographique d’un contenu ne fait donc qu’augmenter leur charge de travail.
Il est donc à craindre des erreurs, ou des dérives imposant, à la va-vite, de retirer, dans un temps record, des contenus en ligne, sous peine de sanction ; sans préjudice de leur laisser encore moins de temps pour gérer les missions relevant de leur compétence.
Dès lors, le risque de recours potentiels devant les tribunaux est donc double, à savoir :
- pour la mesure d’interdiction de publication en tant que telle
- de même que pour la sanction considérée comme abusive par les intéressés
augmentant du même coup l’encombrement judiciaire et les délais d’audiencement dont les justiciables se plaignent déjà largement.
Un état de fait d’autant plus malheureux qu’il existe déjà une loi de la presse dite de 1881, sanctionnant ce genre de comportements dans la rigueur des principes de la République, et notamment l’expertise des professionnels du droit que sont les magistrats.
Une application quasiment impossible
Rappelons enfin que le retrait dans l’heure exigé par la loi Avia est quasiment impossible à mettre en œuvre pour de nombreux sites internet, notamment en cas de signalement effectué tard le soir, à l’heure par exemple où plus aucun webmaster ne travaille pour obéir aux injonctions d’un service de police.
Les amendes pouvant aller jusqu’à 1,25 million d’euros, et afin d’éviter d’avoir à s’obliger à des recours judiciaires en contestation des amendes, les plateformes auront donc certainement tendance à se tourner vers l’utilisation d’algorithmes filtrant les publications.
En l’occurrence, les failles des algorithmes étant bien connues, à commencer par leur incapacité à distinguer les commentaires haineux des propos contre la haine à proprement parler, les publications des internautes ont de fortes chances d’être censurées à titre conservatoire.
Cet état de fait permettra par exemple à la concurrence, ou tout autre individu malintentionné, de recourir à un pseudonyme pour publier des propos incitant au terrorisme afin que le contenu de fond en question, sans doute tout à fait légitime, soit effacé.
En résumé, nous donnons une fois de plus le pouvoir aux algorithmes de s’ériger en juges de la liberté d’expression pour limiter et contrôler nos vies.
Cette nouvelle loi remet donc directement en question le droit à l’information, rappelant encore une fois ce mot de Benjamin Franklin :
un peuple prêt à sacrifier sa liberté au prix de sa sécurité, n’est digne ni de l’un ni de l’autre, et finit par perdre les deux.
« l’intolérance est une maladie contagieuse car elle contamine toujours ceux qui la combattent » disait Raymond Aron.
Pour Popper, « la tolérance illimitée doit mener à la disparition de la tolérance. Si nous étendons la tolérance illimitée même à ceux qui sont intolérants, si nous ne sommes pas disposés à défendre une société tolérante contre l’impact de l’intolérant, alors le tolérant sera détruit, et la tolérance avec lui »
Quand l’accès à l’information, vraie ou fausse, devient illimitée, quel est le degré d’intolérance – lisez ici de censure – qui devient acceptable ?
En tous cas, laisser à la police ce droit me fait furieusement penser aux ligues de protection de la vertu des années ’30 aux E.U. ou à la « police de la vertu » iranienne et autres ligues pour la promotion de la vertu et la prévention du vice ( Afghanistan )
Moi ça me fait surtout penser à Orwell…
c’est foutu, ils ont réussi à mettre dans les esprit que haïr et le dire c’est mal…
la frontière qui était non pas la haine mais la menace et la violence physique a été déplacée..foutu.
et schizophrénique…
je hais les nazis est ..un discours de haine..le coran , la bible sont des discours de haine..
alors en effet parce que les algorithmes sont obscurs on ne verra pas les exceptions nécessaires au discours de haine pour qu’il remplisse sont « but »…
contrecarrer les racistes et les radicaux religieux..
ce sont les discours de haine envers certaines communautés ou personnes qui sont visés par la loi…Personne n’est dupe, et quand le double standard sera évident le retour de balancier sera un montée des intolérances ..
La haine sera le prétexte pour censurer toute critique envers des « intouchables ». L’application sera évidemment arbitraire.
Pour rappel, un gouvernement qui légifère sur es sentiments de ses citoyens est un gouvernement totalitaire. Cette loi met fin à la très vieille distinction faite par Abélard entre crime et péché qui est la lointaine origine de notre liberté d’opinion. Nous voilà revenus en deça du XIIe siècle. Bravo les progressistes!
Le fait de déléguer finalement cette censure à de plateformes vise à instaurer une alliance de fait entre ces dernières et l’exécutif afin de museler le peuple. La connivence avec Facebook n’est d’ailleurs pas nouvelle.
Par ailleurs il faut distinguer la haine de la menace. Seule cette dernière est répréhensible et il y a d’ailleurs déjà toutes les lois pour cela.
oui un idiot de ministre ( ? ou politique quelconque) qui a reçu des menace de mort(« promesse » de guillotine)
met quant à lui quasiment ça sur le même plan…
@jacques relisez la bible svp
Relisez Deutéronome 20:10-14, et… globalement, l’ensemble de ce livre, en fait. C’est pas très « bisou-compatible » tout ça.
Voir aussi le Lévitique 18:22 qui ferait hurler le camp du bien.
la bible ce n’est pas les évangiles…
Merci d’avoir démontré que Macron est un dictateur en herbe en énumérant toutes les atteintes aux libertés commises!
macron n’est pas un dictateur en herbe…la France évolue comme un équivalent laïque d’une théocratie grâce aux « mais » et aux « sauf » de la constitution..
macron peut être balayé aux élections…
Merci pour ce récapitulatif accablant auquel il faut ajouter toutes les lois liberticides votées sous Pignouf 1er (le type qui négociait en live avec leonarda)
Allez les lois liberticides votées en 5 ans sous Pignouf 1er (pas sûr que cela soit exhaustif):
° loi sur le renseignement,
° loi de programmation militaire,
° état d’urgence inscrit dans le droit commun et prolongé à l’infini, ° fichage biométrique de 60 millions de français décret du 28 oct 2016,
° loi « égalité et citoyenneté » atteinte gravissime à la liberté de la presse,
° traçage systématique du peuple via interdiction des paiements en liquide supérieurs à 1000 euros,
° lois mémorielles Taubira et loi contre racisme et antisémitisme inutiles et couteuses qui sont des atteinte aux libertés d’expression.
Ce qui est terrible, c’est que beaucoup de nos concitoyens, préoccupés – parfois à juste titre – par des questions matérielles, ne se rendent pas compte de ce qui se passe: un jour ils ne pourront peut-être plus manifester contre des réformes.
Quant à ceux qui se réjouissent que leurs adversaires soient censurés, leur tour viendra, c’est inévitable.
* Bon article ! Il y a certes des dérives autoritaires de la part des gouvernements, mais tout cela n’est rendu possible que par la passivité des gens. Ne se préoccupant que de leur pouvoir d’achat et de leur bien-être, les gens renoncent volontiers à leur liberté si cela leur permet de vivre dans l’insouciance… Benjamin Franklin avait dit : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux ».
20 Minutes vient pour renforcer votre opinion: https://www.20minutes.fr/high-tech/2701347-20200123-loi-contre-haine-internet-plusieurs-experts-mettent-garde-contre-risques-censure