Société de vigilance ou présidence de vigilance ?

Plutôt que d’une société de vigilance, n’avons-nous pas besoin d’une présidence de vigilance ? Opinion.

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30 May 2018 Arrival of Emmanuel Macron, President of France OECD Headquarters, Paris, France Photo: OECD/Andrew Wheeler

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Société de vigilance ou présidence de vigilance ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 3 novembre 2019
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Par Philippe Bilger.

Il est clair que la société de vigilance qui nous a été conseillée dans un discours récent par le président de la République, risque de demeurer lettre morte parce que ce concept est à la fois flou et impraticable. Il relève de ces grands et beaux mots qui permettent d’échapper à la dureté du quotidien en donnant l’illusion que tout est dit alors que rien ne l’est.

On a tellement vanté les présidences qu’on souhaitait au-dessus de la mêlée confuse des effervescences démocratiques, qu’elles ont eu tendance parfois à en profiter pour se désengager de ce qui les concernait pourtant au premier chef. On pourrait être tenté de qualifier le pouvoir comme Jean-Paul Sartre définissait, à tort à mon avis, Albert Camus : il a les mains propres parce qu’il n’a pas de mains.

Emmanuel Macron qui s’investit dans beaucoup de débats, au point de s’être sauvé grâce à ceux qui lui ont été imposés par les Gilets jaunes, ressent comme une gêne à entrer dans le vif de certains sujets qui lui apparaissent dangereux, sans recul possible, et lui interdisent les abstractions dont il raffole. Elles ont l’avantage, pour un président qui comme lui est sincère en aspirant au rassemblement mais pâtit concrètement d’un clivage apparemment insurmontable, d’entraîner une adhésion civique mécanique.

Qui pourrait en effet récuser un verbe présidentiel empli d’engagements humanistes et de promesses d’action mais de manière telle que le réel sera loin d’en être bouleversé ?

Je ne critique pas l’exigence d’une société de vigilance parce qu’elle « risque de faire oublier la devise républicaine » selon le point de vue lassant à force d’être exprimé toujours avec la même tonalité négative par Mireille Delmas-Marty (Le Monde).

Mais parce que le président de la République, comme l’a déclaré le président du Sénat, « doit cesser de se dérober » (JDD). Ou, comme l’a écrit Barbara Lefebvre, « sur le sujet majeur du voile islamique, Emmanuel Macron devra choisir » (Le Figaro).

Je n’élude pas qu’une majorité paraît approuver cette obligation d’une société de vigilance – les citoyens ont tendance à adhérer à l’énoncé d’un principe sans en mesurer, au quotidien, les conséquences concrètes – en même temps qu’elle réclame « de la fermeté, l’interdiction des signes religieux, manifeste de l’inquiétude face à l’islam et désigne le RN comme la force politique la plus efficace pour lutter contre l’islamisme » (JDD).

De l’ensemble de ces considérations qui paraissent confirmer un mouvement de fond seulement dénié par des fractions politiques, culturelles et médiatiques incriminant comme islamophobie toute perception lucide de la réalité et de la société, ne peut que résulter une parole présidentielle répudiant toute équivoque, sortant des poncifs sur le « pas d’amalgame » et ne fuyant pas ses responsabilités.

Avant la société de vigilance pour les autres, on aspire à la vigilance claire et nette du Président, susceptible de donner à tous non plus la bénédiction paresseuse du statu quo mais l’espérance et les armes pour sauver notre futur. Le peuple attend avec impatience que le pouvoir cesse de tourner autour de ce problème crucial mais l’aborde, l’affronte et communique les moyens de gagner ce combat. Qui oppose les adversaires ostensibles ou discrets de ce que nous sommes, de ce à quoi nous tenons, à une société et à des institutions dont la résistance est entravée par des objurgations les préférant stériles que conquérantes.

Le président ne serait pas concerné par le voile dans l’espace public. C’est en effet une dérobade. Dénier sa compétence politique et son devoir d’implication relève en l’occurrence d’une volonté opportuniste de ne pas troubler un consensus fragile qui se briserait si Emmanuel Macron affirmait avec éclat ce qu’il persiste à nous laisser deviner.

Alors que rien de ce qui est humain ne doit être étranger au président de la République, rien de ce qui sourd du pays et l’angoisse, rien des obscurités troubles et équivoques qui surgissent du quotidien et justifient d’urgence une pédagogie de l’action.

Entreprise d’autant plus nécessaire qu’Emmanuel Macron est le seul qui nous fasse languir, qu’il est le plus haut responsable de notre France et qu’aussi aucune intervention ne serait aussi décisive que la sienne s’il acceptait enfin de se colleter avec la vérité de ses concitoyens.

Pourquoi d’ailleurs s’arrêter en si bon chemin ? Je considère en effet que ce qui vient de se dérouler à l’université de Bordeaux – le scandale d’une Sylviane Agacinski interdite d’expression – et à la Sorbonne où il a fallu suspendre un séminaire sur l’islam et la radicalisation parce que ç’aurait été stigmatiser les musulmans, représente un péril extrême, bien au-delà de l’intimidation répétitive et honteuse de ces syndicats étudiants auxquels le champ libre est laissé.

C’est notre démocratie, sa pensée, ses heureuses contradictions, l’infinie richesse de son pluralisme qui sont de plus en plus mises à mal.

Si le président descendait de son Aventin avec la pleine conscience d’une République en abandon et en délitement, certes il aurait le droit de demeurer Antigone mais avec la force, l’audace et l’efficacité d’un Créon.

On a besoin d’une présidence de vigilance.

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  • A rappeler que, pour la Sorbonne, devaient y participer des imams de la grande mosquée de Paris, et que les protestataires étaient des associations islamistes et des syndicats gauchistes ( https://www.valeursactuelles.com/societe/sorbonne-une-formation-sur-la-radicalisation-annulee-sous-la-pression-112089 )

  • « …Un verbe présidentiel empli d’engagements humanistes et de promesses d’action… »
    Dans l’état actuel de la France une façon originale de porter le voile en politique…

  • Le fond du problème est qu’il y a 2 conceptions qui s’affrontent. L’une qui considère que la France est un grand terrain vague, qui n’existait pas avant 1789, dans lequel tout un chacun a le droit de venir s’installer, d’y apporter ses us et coutumes, dans lequel tout se vaut et où chaque considération individuelle est un droit. L’autre qui pense que la France est une nation avec une histoire et une culture millénaire, dans laquelle la majorité décide de son avenir et de son mode de vie sans pour autant écraser les aspirations des minorités, mais qu’en échange, ces mêmes minorités doivent se fondre dans la Nation et qu’en échange de droits individuels, il existe des obligations et des devoirs, et qu’il est du rôle de l’Etat de faire respecter cet équilibre sans abus mais sans faiblesse.
    Ces 2 conceptions sont hélas incompatibles. En voulant ménager l’une et l’autre, le politique, par son absence de choix, ne fait qu’élargir la fracture qui existe entre ces 2 conceptions du pays avec le risque inéluctable du « côte à côte qui peut se transformer en face à face »…

    • çà sera FORCEMENT un face a face.. ce n’est qu’une question de temps .. la gauche aura fabriqué les conditions de la prochaine guerre de religion en france entre laic et musulmans.. vous verrez

  • Si le débat public n’ était pas figé dans la dualité Macron Le Pen, et somme toute le gouvernement s’ atèle à constamment le ramener dans ce ring étriqué, ce qui donne du poids aux plus radicaux de gauche comme de droite comme religieux, « notre démocratie, sa pensée, ses heureuses contradictions, l’infinie richesse de son pluralisme » seraient moins mises à mal.
    Je suis devenu assez radical concernant certains sujets de société, parce que ceux qui s’ opposent à mes idées le sont depuis bien plus longtemps que moi. Son beau discours dans Valeurs Actuelles ne vise que les municipales. Il ne trompe plus personne. Il manque au pays un type à poigne, vous l’ avez vu vous, à part contre les chômeurs et les gilets jaunes?

    • Et concernant le problème des gilets jaunes il n’a été ferme que parce qu’il a VRAIMENT eu peur qu’ils viennent le chercher à l’Elysée. Lui : personnellement…

  • macron s’investit beaucoup dans des débats…..dans ce cas , qu’il change de  » métier » , et devienne conférencier ; le bla bla , c’est bien beau , mais dans l’état actuel du pays , il faut de l’action , des décisions ….et qu’il cesse de penser à 2022 ;

    • macron fait du « sarkozy » tout simplement…
      il tente de siphonner les voix du RN, pour suppléer celles qu’il perd a gauche
      son scénario préféré va etre face a MLP au deuxième tour.. on a rien fait de mieux depuis J Chirac qui a inventé la formule..
      mais j’aimerai bien qu’il se plante .. sauf si MLP passe en tête au premier tour pour déclencher le tocsin des tièdes et des péteux qui se seraient abstenus..
      voila vous savez tout

    • Oui un conférencier nous disant que la France n’a pas d’histoire, que les français sont des gaulois réfractaires… il sait bien le faire !
      S’il choisit bien son média il peut même bien gagner sa vie.

    • faut voir la gueule des débats..public trié sur le volet et il lui suffit de déblatérer ses bêtises sans que forcément lui-même y croit et sans qu’il ne veuille de résultat au bout ..facile, il vient , il parle , il repart et rien ne bouge , Macron c’est le Néant incarné.

  • Bilger a encore une guerre de retard.
    Le problème de la France est un manque cruel de vigilance, vis a vis de sa présidence !

    • Non, le problème est ce qu’est devenu le peuple surtout depuis demi-siècle.
      Je ne vois pas bien ce qu’un président quel qu’il soit pourrait y changer.
      Il n’y a plus qu’à attendre un reboot intégral.

      • Charles De Gaulle, avec ses qualités et ses travers (à mon avis rédhibitoires) avait une « certaine idée de la France » telle que cela transparait à la lecture de ses mémoires.
        Emmanuel Macron, avec sa fringale exacerbée de pouvoir, a dépassé le cadre traditionnel de la France et de son territoire en imaginant une France élargie au sud.
        Mais, le problème actuel de la Macronie est que l’on essaye de prendre les français pour ce qu’ils ne sont pas!….
        Le Bonapartisme, qui avait en son temps emporté l’adhésion des français, en est actuellement au stade qui avait précédé la campagne de Russie…

        • ça me rappelle un sketch des inconnus sur les publicitaires.. »il ne faut pas prendre les gens pour des cons, mais il ne faut pas oublier qu’ils le sont ». en France c’est tout à fait ça concernant une majorité de la population.

  • Dire tout et son contraire voilà l’exercice préféré de notre président.
    1) Il faut une société tolérante et inclusive => copier les Etats-Unis, pour obtenir une société multiculturelle.
    2) Et – en même temps – une société de vigilance c-à-d. une société prudente n’acceptant pas tout ce qui pousse notre porte !
    Autant dire qu’il fait jour en même temps qu’il fait nuit ! Ou que le blanc est noir et le noir blanc. etc
    Dans le Premier cas c’est oublier qu’aux Etats-unis = tout le monde (ou presque) est importé ! (seuls les Indiens devraient vivre sur ce territoire, tous les autres sont des immigrés et des prédateurs.
    Donc ce n’est pas un pays à copier.
    Dans le deuxième cas : il y a longtemps qu’il aurait fallu se montrer vigilant et ferme.
    En entrant en France on adopte son mode de vie et sa culture. Sinon on cherche un pays où l’on puisse être en harmonie avec soi-même, un pays compatible !
    Le monde est vaste !

  • J’ai rarement lu d’article aussi creux, qui est complaisant avec un Président de la République incompétent et flou avec les périls qui menacent le pays.
    Il faut appeler un chat un chat, et ne pas avoir peur de dire tout simplement que la France est un pays souverain, de culture judéo-chrétienne, qui a des valeurs intemporelles que le pays n’entend pas remettre en cause. Et, si des gens au nom de leur prophète ou de leur religion sont choqués par cela, personne ne les oblige à rester dans ce pays.
    La corollaire est qu’il faut stopper net l’immigration, surtout de clandestins musulmans.
    Mais quand on a au Pouvoir un Président qui a osé dire (entre autres choses) « qu’il n’y avait pas de culture française », on comprend que la classe politique française, ce sont les écuries d’Augias, et que l’avenir est biens sombre.

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