Arthur Laffer, le mal-aimé de la fiscalité

Deux études récentes semblent prouver, dans le passé récent de la France, que la courbe dite « de Laffer », sinon prouvée mathématiquement, fonctionne néanmoins de fait à plein régime…

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Dr Laffer's Trickle Down Austerity Elixir - Credits : DonkeyHotey via Flickr (CC BY 2.0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Arthur Laffer, le mal-aimé de la fiscalité

Publié le 13 avril 2019
- A +

Par Yves Buchsenschutz.

Arthur Laffer est un économiste américain qui a repris des travaux antérieurs et a synthétisé sous forme d’un simple schéma le concept affirmant : « trop d’impôt, tue l’impôt »

Très simplifiée, cette courbe signifie qu’au fur et à mesure que l’on augmente le taux d’imposition les recettes augmentent jusqu’au sommet de la parabole, moment où les assujettis réagissent et trouvent les moyens de faire baisser le taux de prélèvement, y compris en allant jusqu’à diminuer ou cesser leur activité. Après des périodes où la fiscalité a été très élevée, comme durant les guerres par exemple, un moyen paradoxal d’augmenter la masse des impôts récoltés a été de baisser les taux, en dépit de l’avis instinctif et immédiat de monsieur Tout le monde.

L’histoire, au moins américaine a montré sans équivoque que ce système fonctionne : pendant la guerre de 14, le taux de l’IRPP US a atteint 77 % ; le tax cut Harding Coolidge, ramenant ce taux à 25 % a permis d’augmenter les recettes, et de plus le chômage baissa rapidement. Même phénomène lors de la Seconde Guerre mondiale où les taux plafonnèrent à 94 %. Il fallut attendre Kennedy puis Reagan pour constater une forte baisse des taux et répartir les recettes avec une progression de 8 % se substituant aux 2 % antérieurs.

Des mesures Trump encore peu visibles

À noter par ailleurs l’influence considérable de la présentation des impôts car d’une manière générale, il semble bien, au moins en ce qui concerne les impôts directs, qu’ils soient restés en définitive relativement stables, aux environs de 30 % (différence entre le taux maximal et taux moyen, présence ou non de niches fiscales). Ceci répondrait d’ailleurs indirectement à la question du taux maximal, 30 % en moyenne. Le résultat des mesures Trump ne sont pas encore clairement lisibles.


En France, nous sommes plutôt habitués à une hausse continue et les retours en arrière semblent difficiles. Deux études récentes montrent tout de même de manière indirecte les conséquences dommageables de la taxation à outrance.

Une première étude du quotidien Les Échos1 sur l’exil fiscal2 donne les résultats suivants : en dix ans, le solde des départs et des retours des assujettis à l’ISF est de plus de 4 500 assujettis partis et de près de 30 milliards d’euros de capitaux évaporés, soit 20 millions d’ISF par an. Plus grave, car ce sont les mêmes qui paient le plus lourd tribut à l’IRPP, de l’ordre de 500 millions à ce titre, auxquels il faudrait ajouter toutes les taxes diverses (locales, TVA, mutations, successions, emplois, etc.), l’étude des Échos montre également parfaitement la corrélation entre le déclenchement de la chasse fiscale et de l’exil : la période 2011-2013 enregistre un doublement des départs. On ne connaît pas encore le résultat des premières mesures Macron mais on peut parier qu’il n’y aura pas de bousculade immédiate au retour, compte tenu de notre versatilité fiscale historique.

Augmentation des impôts directs

Une deuxième étude, celle-ci de l’iFRAP3 : elle constate que globalement les impôts directs des ménages ont augmenté de 22 % entre 2010 et 2017, soit près de 3 % par an. Concernant les ménages les plus fortunés (revenu supérieur à 500 000 euros par an), l’IRPP a augmenté de 30 à 45 % mais le nombre de ces ménages a lui diminué : de 20 % pour les ménages dont les revenus sont compris entre 500 et 1 million par an et de 40 % pour ceux supérieurs à 1 million ! En fait la masse d’IRPP apportée par ce type de contribuables (montant individuel x nombre d’assujettis) a baissé. Monsieur Laffer a raison.

Peut-être le bon sens peut-il pour une fois nous aider. Les gros contribuables sont principalement des entrepreneurs qui ont réussi (70 % aux USA), voire des familles qui ont géré habilement des réussites historiques. Que demandent ces personnes qui se défendent en arguant du fait qu’elles ont inventé quelque chose, qu’elles l’ont développé à la sueur de leur front, qu’elles ont pris des risques, se sont souvent très mal payées tout en pratiquant des horaires inimaginables, qu’elles ont apporté à la collectivité tel produit ou tel service lequel a satisfait des consommateurs et créé les emplois des autres, qui enfin ont réussi quelque chose ? Elles voudraient, sinon un peu de reconnaissance, au moins la jouissance d’une partie raisonnable de leur succès. Faute de cela elles feront comme Gérard Depardieu, Yannick Noah, Bernard Darty ou Jean-Louis David et quitteront notre pays pour des cieux plus hospitaliers ; et leur gisement fiscal sera perdu pour leurs concitoyens français.

Ces personnes ont le sentiment de payer trois fois : une première en IRPP, une deuxième en IFI ex-ISF, une troisième à l’occasion de leur succession, et ceci à des taux confiscatoires.

Rappelons-nous également qu’en dehors de leur participation contrainte à la fiscalité directe elles sont en général aussi de gros contributeurs de fiscalité indirecte car elles sont de gros consommateurs de biens et services, lesquels sont de nouveau taxés. Les pays l’ont d’ailleurs bien compris qui, non seulement tentent d’attirer les entreprises par des avantages fiscaux mais également les ménages fortunés. Arrêtons de les faire fuir systématiquement. Nous nous appauvrissons nous-mêmes de manière délibérée et organisée.

  1. « Ce que l’exil fiscal coûte aux finances publiques » 6 février 2019.
  2. L’exil fiscal est parfaitement légal et normal.Voir les articles 13,14 et 15 de la déclaration des Droits de l’Homme.
  3. Société Civile N° 198 de février 2019. L’ensemble du fascicule est remarquable.
Voir les commentaires (22)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (22)
  • bon..si on taxe à 0 % les recettes fiscales sont de zéro et si on taxe à 100% c’est possible quoique la redistribution complique le truc..
    et entre les deux ben il doit y avoir un optimum ou plusieurs compte tenu que il y a différentes façons d’obtenir un taux global de taxation..
    la courbe de laffer est donc assez difficile à discuter sauf pour des communistes convaincus..pensant que quand on travaille pour les autres on se casse le cul..

  • C’est aussi l’origine des GJ. La taxation retombe (ruissellement) sur les classes moyennes peu riches, cette classe qui travaille sans pouvoir être assistée car trop riche.

  • le probleme vient surtout de l’étatisation des prestations sociales, et du statut des fonctionnaires.. si on gardait çà i est impossible que les impots baissent.. donc a terme on a un trend a la grecque..
    les gilets jaunes ne sont que la premiere étape, la seconde sera l’étranglement par la hausse des taux, la troisième par l’arrivée d’un populiste contrôlé par la banque centrale .. et la misere pour tous

    • @CHdC:
      « impossible que les impots baissent »

      Bonjour,
      Vous parlez de la recette ou des taux?
      Parce que ce que nous explique le paradoxe de Laffer c’est que pour chaque impôt, au delà d’un certain taux (le côté droit de la courbe), pour augmenter la recette il faut diminuer le taux.
      Évidemment, quand chacun (GJ ou autres) rêve d’augmenter les taux infligés aux autres, les recettes s’effondrent, la rogne s’enflamme, l’endettement explose et on n’est pas sortis de l’auberge à la grecque.

      • Moins de pression sur eux-mêmes, plus sur les autres (cf ISF)…

      • Moins de taxe, et encore, plus de subventions leur aurait autant plu. Moins d’impôts et moins d’état, si certains y ont peut-être pensé, même dans les premiers GJ c’était déjà bien secondaire.

  • Merci pour cet article et pour la référence à Société Civile N° 198. Le problème me semble que la courbe de Laffer est généralement vue comme un vague principe abstrait, et tous les éléments qui comme ici lui rendent son caractère concret, incontournable et essentiel, sont les bienvenus.

  • Cette courbe est connue de bercy et sans aucun doute est une fonction de base de leur super calculateur. Qui vous dit que la france ne cherche pas la décroissance , tout nous indique que c’est son but ultime.elle se reve en emirat ,sans petrole mais des millions de mendiants( assistes loyaux au systeme) et une multitude de princes des milles et une nuits parisiennes, l’industrie du luxe se porte tres bien ,merci laffer !

    • Cette courbe n’est pas si connue que vous le pensez. Ce n’est évidemment pas une parabole comme illustrée ci-dessus.
      On sait qu’elle est positive et va de zéro à zéro et possède donc au moins un maximum qu’il ne faudrait surtout pas dépasser.
      Mais cette courbe dépend d’un tas de paramètres pas faciles à modéliser (type de taxe, comportement induit des contribuables …) ce qui permet à certains « théoriciens » gauchistes de supputer qu’on est encore loin de l’optimum et qu’on doit accentuer le matraquage fiscal (des riches of course).
      A défaut, l’examen des conséquences des baisses de taux anciennes et récentes dans le monde est très instructif.

    • Ah bon, vous connaissez Bercy ? Bercy connaît sans doute effectivement cette courbe, mais son intégration dans leurs plans n’est pas à l’ordre du jour, ça voudrait dire que l’année suivante, les trois-quarts de leurs bureaux seraient vides ou sous-loués à d’autres ministères. L’efficacité de l’impôt est pour Bercy un ennemi mortel…

  • Deja que tous payent l’impot, au moins symbolique, ca leur fera tout drole de decouvrir que non la cantine n’est pas ‘gratuite’ la sante non plus etc etc etc. Ensuite grande remise a plat, taux fixe a 15% pour tous sans niches fiscales. On peut rever 🙂

    • Tout le monde paie l’impot grace a la tva ce qui fait un minimum de perception de 5,5% des revenusmais plus généralement plus de 22%…une question , il y a une tva sur les loyers ?

    • J’ai des amis qui payaient 6 € le repas pour chacun de leurs 3 enfants avec des salaires de cadres très moyens, prix maximum dans une échelle de coût de cantine qui commence à 0 €….. L’aîné ayant atteint une quinzaine d’année récupère les 2 plus jeunes tous les midis et ils mangent désormais à la maison pour bien moins cher.
      Le système s’accentue car des parents se regroupent pour faire manger des enfants chez l’un des parents, à des coûts de 2-3 € le repas.
      Bref, dans certaines municipalités, on commence à chercher des solutions pour compenser la fuite des « pigeons » qui payaient pour les autres.

  • cet article intéressant ignore cependant un fait important: dans nos tyrannies fiscales modernes, la fiscalité n’a depuis longtemps plus grand chose à voir avec la collecte efficace de recettes fiancières pour l’état. mais avec le pouvoir qu’elle engendre. Un code fiscal simple et de petits taux de prélèvements procurent beaucoup de recettes, mais peu de pouvoir.

    C’est évidemment l’inverse que souhaitent nos « dirigeants ».

  • La seule et unique solution juste en matière d’impôts, y compris sur le revenu, serait une flat tax. Il n’y a aucun raison qui justifie que ceux qui travaillent plus ou s’élèvent dans l’échelle sociale paient plus parce qu’ils gagnent plus.

    Savez vous que dans un nombre croissant de métiers, les gens (intelligents) refusent de travailler plus ou de prendre une promotion, car ils perdraient du « temps libre » qui ne serait pas compensé par les gains en revenus, ces derniers étant rognés par les hausses des taux d’imposition.

    Maintenant, je crains que nos systèmes aient atteint un point de non retour qui les conduira jusqu’au chaos….
    En effet, dans un pays où l’impôt (sur le revenu) est payé seulement par 43% de la population, les 57%, qui non seulement ne paient rien, mais souvent vivent de multiples aides sociales, ont intérêt à ce que rien ne change, et si changement il y a, que le système injuste, qui est en place, s’accentue en leur faveur.

    A mon sens, la seule solution pour sortir de cette spirale de descente aux enfers serait de subordonner le droit de vote au paiement de l’impôt sur le revenu.
    D’ailleurs, personnellement, j’accorderais ce droit de vote à toutes les élections aux étrangers qui s’acquittent de l’impôt sur le revenu en France, tout simplement parce qu’un étranger qui travaille et paie des impôts à un droit légitime à s’exprimer sur l’utilisation de ses impôts par le vote.

    J’ajouterais que je suis également outrée du droit de vote accordé aux détenus comme à celui qui est maintenu aux anciens détenus qui ont été lourdement condamnés. Les gens hautement nuisibles à la société, n’ont pas à s’exprimer sur son fonctionnement.

    Bref, si ne votaient que ceux qui ont un droit légitime à le faire,
    -d’une part parce qu’ils s’acquittent de l’impôt et ont donc le droit de décider de son usage,
    -d’autre part parce qu’ils sont des citoyens « honnêtes » qui respectent les règles de vie en société et ne nuisent pas aux autres,
    …….alors, je pense que nos systèmes économiques pourraient être sains, rationnels et dynamiques.

    Une seule concession sociale de taille dans un tel système : un généreux système d’aides aux devoirs, d’internats d’excellence et de bourses au mérite pour que les enfants des classes dites « défavorisées » puissent s’élever socialement s’ils en ont le désir et la volonté de travailler dur.

    Mais bien sûr, je suis dans l’utopie totale puisque nous sommes déjà à 57% de gens vivant aux dépens des autres et souhaitant que cela dure et s’aggrave. Donc aucun moyen de sortir de la spirale infernale.

    • Proposition explosive que je trouve pertinente « subordonner le droit de vote au paiement de l’impôt sur le revenu. ». Je vais tester cela dans les réunions auxquelles je participe!!!

    • Les bourses au mérite et autres relèvent exactement du même principe, et sont malheureusement presque toujours transformées en « bourses au besoin », ciblant les décrocheurs et oubliant les accrocheurs. Nous avons perdu un principe essentiel : c’est en travaillant à l’école qu’on s’élève au dessus de sa condition ! Dans le tiers-monde, des parents consentent à des sacrifices incroyables pour ne pas priver leurs enfants de cette chance. Chez nous, si le gamin n’est que moyen à l’école ou nul en maths, ça n’est pas grave, l’état pourvoira à pallier ses déficiences… Face à la famille du tiers-monde, il n’aura pourtant aucune chance.

    • Assez d’accord avec votre utopie sauf que vous semblez croire que les détenus sont hautement nuisibles à la société. C’est accorder bien trop de confiance à la « Justice ».
      Parmi les détenus, il y a des innocents en préventive et même des innocents lourdement condamnés.

  • « ….moment où les assujettis réagissent et trouvent les moyens de faire baisser le taux de prélèvement, y compris en allant jusqu’à diminuer ou cesser leur activité. …. »
    C’est exactement la conclusion à laquelle je suis arrivé: gérant de société marié à une enseignante ( fonctionnaire donc) et contraint à subir le système faute de pouvoir le changer, approchant de l’âge de la retraite, nous avons, mon associé et moi maintenu notre société en vie jusqu’à récupérer le capital investi et laissé mourir doucement notre outil de travail. Les parasites qui nous suçaient doucement le sang en ont été pour leurs frais. Merci M. LAFFER!

  • Tout le monde paye l’impôt, mais 57% des français semblent l’ignorer, aveuglés par des allocations et des subventions. Pour la plupart , ils ne récupèrent même pas ce qu’ils ont donné. La caste au pouvoir depuis 1981 est la seule bénéficiaire du système. Ce système ne perdure que par l’emprunt car il n’est pas viable. L’oligarchie au pouvoir endette nos petits enfants et même nos arrières petits enfants pour maintenir ses privilèges et étouffer toute révolte.
    Au travers de ces emprunts, la France est vendue par petits bouts aux étrangers. Notre avenir? Un zoo pour les touristes américains ou chinois.

    • Je n’aurais pas dit « zoo », à moins de considérer que par là on entende un bordel dédié à la zoophilie. Les Français ne cesseront pas comme ça de se faire baiser…

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le Parlement examinera le budget de l’Etat jusqu’à Noël. Comme chaque année, à défaut de faire l’inventaire des impôts français et de débattre de leur opportunité, il ajoute, supprime ou modifie de nouvelles niches fiscales, exonérations ou encore exceptions à l’exonération. Ces débats techniques occupent toutes les pensées des parlementaires durant trois mois pendant lesquels il n’est jamais question de débattre de l’essentiel : les conditions du consentement à l’impôt sont-elles réunies ?

 

La France, championne de la pressi... Poursuivre la lecture

Avant d’être une série de films d’horreur à succès des années 1980, le vendredi 13 était déjà un de ces jours qui ne laissaient pas indifférent. Même les plus rationnels ont une petite pensée lorsque le treizième jour du mois rencontre le cinquième de la semaine. Pour cause : ce jour fait référence à celui de la crucifixion du Christ après la trahison du treizième invité de la Cène, un certain Judas.

C’est pourtant ce jour-là que les syndicats français ont décidé de se mobilier, le 13 octobre, d’après un communiqué de presse intersyndi... Poursuivre la lecture

La rage de l’impôt sévit toujours en France. Traque aux fraudeurs avec police fiscale, menace d’un nouvel impôt sur la fortune des plus « riches » pour lutter contre le changement climatique éclipsent quelques vagues promesses de modération.

Toujours, l’impôt (ou la taxe) est prétendument levé pour une bonne cause. Presque toujours, l’impôt est décidé par ceux qui n’y seront pas soumis. Quelle bonne idée de faire payer les autres pour une grande cause qui vous tient à cœur ! C’est ainsi que nous sommes devenus champions du monde de la ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles