“Depuis 40 ans l’État est incapable d’équilibrer ses comptes”

Un entretien avec Cécile Philippe et Nicolas Marques à l’occasion de la sortie du dernier rapport de l’Institut Molinari intitulé « Le jour où les États de l’Union européenne ont dépensé toutes leurs recettes annuelles ».

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“Depuis 40 ans l’État est incapable d’équilibrer ses comptes”

Publié le 16 novembre 2018
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Contrepoints : Je vous cite : « En France l’administration centrale vit à crédit 47 jours par an. Elle épuise toutes ses ressources le 15 novembre, un mois avant les autres États de l’Union européenne, équilibrés jusqu’au 13 décembre. » (Cécile Philippe) La France est mal classée, et cela depuis des années. Comment expliquer la contre-performance française ?

Institut Molinari : Nous produisons l’étude le Jour où l’État a tout dépensé pour la 4ème année et l’on constate que la situation ne s’améliore pas significativement en France. C’est vrai dans la période récente, en dépit de l’embellie économique, mais aussi sur la longue période.

La question de la dette et des déficits concerne beaucoup de pays développés, mais elle est particulièrement préoccupante dans l’Hexagone. Depuis 40 ans, l’État est incapable d’équilibrer ses comptes, en période de crise comme de reprise économique. Chaque crise a été associée à une hausse pérenne des dépenses et chaque embellie a été marquée par une persistance des déficits.

En moyenne, « le jour où toutes les ressources sont consommées » a avancé de 1,25 jour par an depuis 1980. L’embellie de la fin des années 1970 avait permis d’équilibrer les comptes des administrations centrales. Cette configuration ne s’est jamais reproduite et les phases d’amélioration sont depuis systématiquement associées à des déficits toujours plus importants : une vingtaine de jours à la fin des années 1980, une trentaine à la fin des années 1990, une quarantaine à la fin des années 2000 et une cinquantaine à ce stade. Ajoutons que nos prévisions, construites sur la base du projet de loi de finances en discussion pour 2019, montrent que la situation des administrations centrales françaises devrait encore se dégrader.

Qu’est ce qui cause ces déficits ? C’est la faute à l’austérité, pour reprendre une accusation régulièrement relayée dans les media ?

Au global, la France, toutes administrations publiques confondues, est à la fois parmi les pays les plus fiscalisés et les plus déficitaires. Ce paradoxe s’explique par l’envolée des dépenses publiques et la croyance qu’il sera possible de l’assumer en augmentant massivement la fiscalité.

Les dépenses publiques sont passées de 45,2 % du PIB en 1978 à 56,5 % en 2017. Cela représente une hausse de 11,3 points, concentrée sur 3 périodes de crises : 1978-1985 (+7,1 points), 1989-1993 (+5,7 points), 2007-2009 (+4,6 points).

En parallèle, les recettes publiques ont augmenté significativement en France depuis des décennies. Elles sont passées de 43,4 % du PIB en 1978 à 53,8 % en 2017. Cela représente une hausse de 9,4 points, concentrée sur 3 périodes : 1978-1985 (+5,9 points), 1992-1996 (+3 points) et 2010-2016 (+3,2 points).

Les deux épisodes de crise les plus anciens avaient été soldés par un mix de hausses d’impôts et de réduction des dépenses post-crise.

Le dernier épisode, consécutif à la crise de 2007-2008, est plus problématique. Les dépenses publiques ont classiquement augmenté brusquement entre 2007 et 2009 (+4,6 points de PIB). Mais depuis, elles sont restées à un niveau très élevé. Elles n’ont quasiment pas diminué, contrairement à ce qu’on observait dans les précédents cycles. Pour financer cette augmentation durable des dépenses, les pouvoirs publics ont eu recours aux déficits et à la fiscalité dont les rendements ont augmenté massivement de 2011 à 2013. Cet façon de faire est à l’origine du sentiment de « ras-le-bol fiscal », largement répandu dans la population française comme l’illustre l’actualité.

L’analyse comparée par rapport à l’UE confirme que l’absence de consolidation financière post-crise s’explique avant tout par l’augmentation, significative et durable, des dépenses publiques. Les recettes ont suivi la hausse des dépenses, en augmentant de 3,9 % du PIB, soit 3 fois plus que la moyenne de l’UE (+1,2 point). En 2017, le déficit public représentait 2,7 % du PIB. Il se situait lui aussi au-dessus de la moyenne de l’UE (1 % du PIB), en dépit d’une augmentation notable de la fiscalité.

Cette évolution décalée par rapport au reste de l’UE montre l’ampleur des difficultés à surmonter, dans une France qui n’a pas réussi à mettre à profit la phase d’embellie économique pour consolider ses comptes publics.

La situation de l’Union européenne s’améliore-t-elle ? Pourquoi ?

Les chiffres d’Eurostat montrent que les États de l’UE ont au global dépensé toutes leurs recettes 18 jours avant la fin de l’année 2017. Leur situation continue au global à s’améliorer, avec un gain de 7 jours par rapport à 2016. En 8 ans, leurs déficits ont été divisés par 4. En moyenne, les États de l’Union européenne ont retrouvé la situation de 2007, avec 18 jours de déséquilibre. Et lorsqu’on regarde pays par pays, on constate que 9 États sont à l’équilibre.

Si l’on analyse toutes les administrations publiques, on arrive à des résultats encore meilleurs. Les administrations d’États fédérés, les collectivités locales et les administrations de sécurité sociale étaient à l’équilibre l’an passé au global. Les administrations publiques de l’Union européenne avaient consommé la totalité de leurs recettes 8 jours avant la fin 2017, ce qui représente 5 jours d’amélioration par rapport à 2016. Elles étaient excédentaires dans 13 pays de l’UE et déficitaires dans 15 pays. Et ce mouvement s’amplifie. Les dernières statistiques montrent qu’au 2ème trimestre 2018 les déficits ne représentaient plus que 0,3 % du PIB selon Eurostat.

Cette tendance vertueuse est avant tout liée à la baisse des dépenses publiques. Au lieu d’augmenter massivement les impôts, nos voisins ont préféré réduire les dépenses pour se rapprocher du niveau pré-crise. Cela leur a permis de bénéficier d’une croissance plus significative et de réduire significativement le chômage, tandis que la France reste à la traîne. Le choix de la vertu a payé, celui du laisser aller non…

Le rapport de l’Institut Molinari est disponible sur son site

Cécile Philippe est présidente de l’Institut économique Molinari qu’elle a créé en 2003. Auteur d’un grand nombre d’articles publiés dans des journaux aussi bien francophones qu’anglophones, elle a publié en 2007 son premier livre aux Éditions JC Lattès intitulé « C’est trop tard pour la terre », puis, en 2014, Trop tard pour la France ? Osons remettre l’État à sa place, aux Éditions Manitoba/Les Belles Lettres. Ella a aussi participé à l’ouvrage collectif 50 Matinales pour réveiller la France, aux Éditions Manitoba/Les Belles Lettres, 2015.

Nicolas Marques est Directeur général de l’Institut économique Molinari. Docteur en économie, il a enseigné l’économie à Aix-en-Provence avant de rejoindre un grand groupe bancaire français pour y développer l’offre d’épargne salariale et retraite durant 17 années. Il collabore à l’IEM depuis sa création en 2003. Il aborde notamment les questions de finances publiques, d’épargne et de protection sociale.

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  • si il n’y avait que l’administration..
    mais il y aussi les sociétés zombies , tenue a flot par les aides de l’etat au nom du sacro-saint “emploi”, les sociétés n’ayant que l’etat ou les collectivités comme clients, travaux publics , cantines , espaces verts etc.. (myriades de sous traitants) qui ne vivent que par la générosité des budgets publics..
    Les associations innombrables sponsorisés par l’argent public , les contrats aidés, (toujours l’emploi)..etc.. etc..

    tout çà il faut bien le payer, ou se résoudre a mettre un coup de destop dans les tuyaux.. et çà bon courage

  • a mettre en parallèle avec les ambitions des présidents fixant des objectifs dépassant la durée de leurs mandats pas de véhicules thermiques en avril 2065 ou autre… mais équilibrer un budget..!!! jamais…

    • si on veut équilibrer le budget il faut diminuer les aides, faute de pouvoir augmenter les impots..

      • Plus facile a dire qu a faire. Il faut reduire massivement les depense et non pas de facon homeopatique. Autrement dit, vous allez faire hurler de nombreuses personnes qui vont voir leurs subventions coupees, leurs contrat avec l Etat non reconduit ou vont devoir payer plus pour ce qu ils utilisent

        Par ex croyez vous que les promoteurs vont etre ravis de la suppression du Pinel et du PTZ ?
        Que les professions medicales et les vieux (gros consommateurs de soins medicaux) vont applaudir au non remboursement de certains soins (que ca soit via une franchise ou par un bonus/malus) ?
        Que la FNSEA ne va pas remplir de purin des sous prefectures si les subventions ne tombent pas ?

        • Pour les soins médicaux il faut recourir aux assurances privées, pas de mutuelles qui sont en fait des appendices de la sécurité sociale..
          ceux qui peuvent payer seront assurés pas les autres point.

          Il est bien connu que les aides diverses et variées distribuées par l’etat pour améliorer l’habitat ont considérablement fait monter les prix en faussant la concurrence par la mise en place de normes absurdes sensées protéger le travail français..

          C’est toujours le meme phénomène , on veut etre dans un Systeme ouvert a la concurrence européenne , mais comme nous ne sommes pas capables d’être compétitifs a cause des prélèvements sociaux on pond des normes protectrices qu’on compense avec des aides..et comme l’entrepreneur connait les aides il augmente les prix en conséquence..
          resultat on augmente les aides

        • Ce n’est pas le remboursement de certains soins le problème des dépenses, ce sont les actes inutiles, telles les analyses, le remboursement de l’homéopathie, etc… !

          • @virgile

            Le gros des depenses de la securite sociale c est pas l homeopathie (une boite coute quelques €, une Prothese de hanche va couter au moins 100 000 avec la pose, Reeducation )

            Et n oubliez pas que les actes et analyses inutiles c est aussi du CA pour les medecins et labo. donc si vous les reduisez, ca va hurler. De toute facon c est pas simple a faire. par ex aux USA il y a plein d actes inutiles qui sont la pour le medecin juste pour se couvrir en cas de proces

            • de toutes le façons ça va hurler

            • Bonjour cdg
              Une PTH coute 10 000 € pose, rééducation, matériels compris.
              10000 € le cout d’un petite voiture.
              Tout à fait assurable.

              Il faut arrêter avec la terreur de la fin de la secu. Cela sera bénéfique, la santé est un marché comme les autres.
              Réservons l’état au régalien; l’armée et la justice.

        • “Que la FNSEA ne va pas remplir de purin des sous prefectures si les subventions ne tombent pas ?”
          Si on me paie mes cochons à un prix qui me permet, de payer mes salariés,de continuer à investir, et rémunère “un peu” le capital investi et mon travail, le lisier restera où il doit être; dans les méthaniseurs…

          • Dans la theorie liberale c est le marche qui doit y pourvoir (offre/demande), pas l Etat via des subventions.

            apres il est clair qu un marche ou il y a une multitude de producteurs et que quelques acheteurs (4 centrale d achat pour toute la grande distribution par ex) ne va pas tourner a l avantage des producteurs. Surtout si la production est nettement plus importante que ce que le marche peut absorber (si le prix des voitures baisse je peux penser en acheter une deuxieme (par ex un pick up et une cabriolet pour les beaux jours). si le prix de la viande baisse, je vais pas en manger 2 fois plus)

            • Voilà, le marché libre n’est pas parfait, il existe 4 centrales d’achat, remplaçons ces 4 centrales par 1 seule centrale étatique.. Ca va mieux marcher, forcement.

              Oh wait

        • Attention à ne pas confondre subventions et niches fiscales… Les subventions sont souvent cachées, afin justement qu’on ne puisse s’interroger sur leur utilité.
          L’immobilier, par exemple, aurait besoin d’un grand coup de torchon. Supprimer les niches, oui, mais supprimer aussi toutes les pénalisations pour les autres. Et en même temps, transformer la moitié des normes en simples recommandations, faire appliquer sans faille les lois qui bénéficient aux bailleurs, laisser construire à proximité des lieux de travail, avec des voiries utilisables, et donc laisser les bailleurs trouver un intérêt à construire non pas à cause de l’avantage qui perpétue le nom d’un sinistre ou d’un élu, mais parce que c’est à l’avantage mutuel des propriétaires et des locataires.
          Rappelez-vous comment les pays communistes s’en sont sortis : ils ont laissé se développer un secteur privé hors intervention étatique, le jardin individuel dont on vend les produits hors taxes, etc. Seuls vont râler les lobbyistes qui avaient leur fromage avec l’administration. Les citoyens, eux, verront vite où est leur intérêt, et que ça n’est pas de payer 5 euros de plus de mutuelle par mois pour que les 2.52 euros de l’injection du vaccin antigrippal soient remboursés, et les kilos de paperasse bien remplis.

          • D’ailleurs parlant du vaccin antigrippal…
            Je trouve assez illogique ce remboursement pour les vieux (comme moi) alors que l’on laisse les salariés (et contributeurs) tomber dans la maladie en question et donc priver la sécu de cette contribution et l’obliger à débourser les indemnités d’arrêt de travail et aussi priver les entreprises de leur collaboration. Cette vaccination devrait être prise en charge dans toutes les entreprises, un peu comme les collectes de sang.

  • De 43 à 53 cela fait 10 points et non 9!
    La corrélation entre hausse de la fiscalité et baisse de la prospérité économique est parfaitement établie!

  • La règle européenne des 3% de déficit est DÉBILE ! valable éventuellement et exceptionnellement une année unique et pour un état vertueux (ce qui n’est pas notre cas) ! Cette règle devrait être pour un État très endetté comme nous de -3% de déficit (et que ces 3% servent à rembourser les dettes).
    Pour réussir à ça, il faudrait peut-être aller chercher nos ??Élites?? ailleurs qu’à l’ENA (peut-être faut-il fermer cette école ?) NON ce serait une erreur il faut la conserver comme formation complémentaire intitulé « Tout ce qu’il ne faut pas faire pour gérer correctement un budget » ou (pour garder une forme positive) « Tout ce qu’il faut faire pour mener un État ou une entreprise à la banqueroute »

    • Si on exprimait le déficit budgétaire ramené au budget (>20%), et non pas au PIB, ca piquerait trop dans la communication 😉
      Et pour arranger l’affaire, ceci est couplé a un déficit chronique de la balance commerciale depuis des années…
      Il n’y a aucun secret, on aura remis notre pays sur rails quand on aura traité les deux sujets.

  • SANS CONTRÔLE PERMANENT DE SES ÉLUS LA DÉMOCRATIE EST UN LEURRE

  • pour équilibrer le budget ?.revoir les niches fiscales 104 Miliards d’Euros sur l’impôt du revenu…au 14 novembre il manque 80 milliards d’Euros pour finir l’année…De plus , plus ils augmentent les taxes pour des rentrées fiscales et plus ils génèrent des hausses de la dépense publique ..là, ils ont un problème avec les chiffres !!!

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