Par Ludovic Delory.
Demain, Nadine ira déposer son bulletin dans l’urne. Elle a choisi la liste et les candidats qu’elle souhaitait voir à la tête de sa commune. La semaine passée, elle s’est longuement entretenue avec un conseiller sortant lors de la réunion citoyenne de son parti. Il lui a juré mordicus que le chemin de campagne qui jouxte sa maison restera en l’état. Les promeneurs comme elle doivent continuer, a-t-il insisté, à bénéficier d’espaces protégés.
En sortant du bureau de vote, demain, Nadine croisera son voisin René. Ils se salueront d’un geste courtois. Puis, René votera pour le candidat qui lui a juré mordicus que le chemin de campagne qui jouxte sa ferme sera élargi et asphalté pour permettre aux engins agricoles d’y circuler en toute sécurité. Après des années passées à réparer des essieux, à frôler des chiens laissés en liberté, René estime que la commune doit gérer ses voiries en donnant priorité aux indépendants laborieux.
Lundi, qui de Nadine ou de René sera le plus déçu ?
Querelles de clochers
La démocratie a ceci de curieux qu’elle délègue les libertés individuelles à des « prometteurs de bonjour », comme disait ma grand-mère. Bien sûr, chacun dispose du droit d’exercer son devoir citoyen, dans le secret de l’isoloir. Chacun a le droit de défendre ses opinions. Mais au final, personne n’est satisfait.
En votant, Nadine et René auront disposé, l’espace de quelques secondes, d’un pouvoir à l’influence extrêmement minime. Personne ne pourra contrôler l’action de leurs élus. Le processus de décision sera dilué dans les promesses de subventions, les jeux de coalitions, les affinements de programme, et surtout dans les querelles internes.
Voilà pourquoi l’impact d’un seul vote est quasiment nul face aux milliers de décisions qui seront prises, tout au long de la mandature, par des gens qui ne consulteront plus (ou très rarement) l’avis de l’ensemble des citoyens. Voilà pourquoi Nadine, comme René, comme leurs élus, sortiront frustrés de cette mandature.
La démocratie représentative transforme les préférences individuelles en objectifs collectifs imposés à tous. Chaque élection pousse tel groupe à entrer en conflit avec un autre. Quelle que soit la décision prise concernant le sort du chemin de campagne, Nadine et René, autrefois bons voisins, se tireront la gueule. Ils n’ont d’autre choix que de s’en remettre à l’échevin des sentiers battus, à moins que ce dernier ne délègue sa propre responsabilité à un entrepreneur immobilier. À moins aussi que rien ne bouge.
Une solution : la décentralisation
Que se serait-il passé si nos voisins avaient décidé de nouer un contrat destiné à satisfaire les demandes de chaque partie ? Si, en échange d’un espace herbeux protégé des machines agricoles, et en bonne collaboration avec les riverains et les autorités, Nadine et René avaient décidé d’élargir le chemin, de l’asphalter en partie, ou d’instaurer des horaires pour le passage des tracteurs ?
En décentralisant au maximum les stades de décision, en supprimant les intermédiaires, les individus peuvent retrouver une partie de leur liberté. La Suisse est l’exemple le plus abouti et le plus proche de cette décentralisation. Les communes et les cantons y jouent un rôle majeur en matière de fiscalité, donc d’orientation des choix publics. En Belgique, l’état des finances communales suffit à démontrer que le mille-feuille institutionnel patiemment tissé par des années de particratie ne sert finalement pas le citoyen.
38 % des Belges n’iraient pas voter demain si l’obligation de vote était supprimée. Agrandir d’un pouce leur marge de décision ne changera rien au problème universel de la liberté individuelle. De leur autonomie.
Dans sa Grève des électeurs (1888), Octave Mirbeau tançait les gens qui, empressés de revêtir « leur air sage et leur belle redingote », couraient aux « urnes homicides où, quelque nom que tu mettes, tu mets d’avance le nom de ton plus mortel ennemi ».
En vertu de la loi belge, et sous peine de sanctions, Nadine et René devront aller voter. Pour se faire la guerre par urnes interposées.
Bon dimanche.
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Article publié initialement sur levif.be
parole ,parole , c’est un contrat moral , sans obligation de respecter ses engagement dont le seul but est d’être élu sans obligation de résultat !! oui mais … et ce sera toujours la faute des autres !!!!
@ Lou 17
Non! pas aux élections communales!
Contrairement à ce que dit Ludovic Delory, les séances du conseil municipale sont publiques dans ce pays. Et quand on est minoritaire, la démocratie dit que la majorité décide, même si vous avez été autorisé(e) à vous exprimer! Tout cela est légal et n’a vraiment rien de choquant!
Sinon, bien sûr qu’un élu ne pourra jamais réaliser tous ses rêves, une fois élu: vous, y-êtes vous parvenu à suffisance?
« Aussi longtemps que les arguments en faveur de la liberté individuelle n’auront pas conquis les esprits, la démocratie restera un moyen très efficace d’étendre indéfiniment les activités de l’État. »
Pascal Salin
ce n’est pas nécessairement heureux, peut être exagérément optimiste, « aussi longtemps que »..
je vois tous les jours de plus en plus de gens » éduqués » qui sont inaccessibles aux arguments en faveur de la liberté individuelle de ceux qu’ils n’aiment pas.
et regardez l’etat du monde, on peut accuser et « condamner » sans preuve, on peut criminaliser les idées…
limiter les dégâts..au moins en rappelant que la démocratie est la tyrannie de la majorité..
Pour rester dans les citations, en voici une de Christian Michel qui convient parfaitement:
» « La démocratie n’a pas pour objet la limitation du pouvoir, mais la désignation de celui qui l’exerce. (…)
La politique se contente de restreindre la guerre de tous contre tous en établissant deux classes dans la société, celle qui aura le droit d’exercer la violence, et celle qui en sera victime. L’innovation de la démocratie dans l’ordre politique est de permettre aux victimes une participation symbolique au pouvoir des dominants. La démocratie est un exutoire collectif de la libido dominandi. C’est la source de son succès universel.
Que signifie en effet déposer un bulletin dans l’urne, sinon proclamer « Voici comment je veux que les autres vivent » ? Ce bulletin ne compterait-il que pour 1/100.000.000ème du résultat final, il est emblématique.
Chaque enfant y découvre que lui aussi pourra participer à un grand mouvement d’asservissement de ses petits camarades, il aura la chance un jour de leur imposer son chef et ses lois. «
Et si personne ne va voter , ils vont faire quoi? Obliger les gens à voter c de la dictature . C du constructivisme , donc du fascisme communiste . Et comment font les malades , ceux qui ont 39 de fièvre , ceux qui ont prévu autre chose , sont dans une autre région , sont cancéreux , en fauteuil roulant, ont 85 ans et ne peuvent plus se déplacer? Une amende , comme dans toutes les idéologies constructivistes ? Moi je réclame le droit – que ce soit bien ou pas n’entre pas dans ce débat – de m’en foutre de mon pays . Et pourquoi mettre au pouvoir des gens dont on sait très bien que leur plus grand désir est de vous contraindre , vous voler , vous obliger , vous retirer le plus possible de libertés individuelles , bref vous emm….l’Etat c l’ennemi et leurs représentants des malades mentaux .. Il faut être maso et souffrir du syndrome du larbin pour aller voter .
@ jacques
Non! Pas du tout!
En Belgique, voter est votre devoir civique mais rien ne vous empêche de voter blanc ou nul!
Ne pas aller voter est une infraction avec risque (faible) d’amende.
Ce sont des élections démocratiques à la proportionnelle dans un pays décentralisé fédéral.
On peut tout critiquer, je comprends, mais « la démocratie reste le pire des systèmes à l’exception de tous les autres! »
Reste l’alternative de déménager si vous croyez avoir trouvé mieux!
entièrement d’accord pour ce qui est de la France, aller voter c’est valider le système en place, à savoir nous ponctionner jusqu’a plus soif et restreindre nos libertés. (et surtout faire élire des bons à rien qui en plus de nous voler nous font la morale )
Voila un article de bonne volonté mais qui mélange un peu tout…
Dans l’exemple qu’il donne sur « sa » solution (le contrat), d’autres ont proposé la notion d’externalité
https://fr.wikipedia.org/wiki/Externalit%C3%A9
Et pour délirer un peu… Si on votait pour des projets, des orientations, des lois même, en direct et sans passer par des clowns corrompus?
Comme en Suisse où les syndicats ont consulté la population sur le statut des fonctionnaires. Avec une belle surprise au bout.
L’auteur confond obligation et contrainte. Sinon, rien à redire.
En Belgique le vote est obligatoire, enfin je crois.
Le vote n’est pas obligatoire, mais imposé. Cépapareil.
Je suis obligé de manger pour ne pas mourir.
Le gouvernement me contraint à voter pour ne pas payer une amende et pour pouvoir me surveiller.
@mykilus, non, le vote majoritaire ,cela ce contourne, ex : référendum national sur le traité européen à majorité de gens ont voté non , le pouvoir en place n’a pas tenu compte du vote du peuple !!.. la décision du peuple , ils s’en foutent ,ils se considèrent savoir en
réalité rien…Demain vous voter une loi , dans 6 mois vous faite un amendement pour l’annuler !!
@ Lou 17
Je sais bien!
La manoeuvre ne fut pas élégante de la part de l’exécutif N.Sarkozy, dans l’esprit.
Mais dans la lettre, il ne s’agissait plus du même traité rejeté (Maastricht) mais du nouveau traité dit de Lisbonne qui a bien été confirmé par votre parlement, sans referendum.
Je suis très favorable à un pouvoir diminué du conseil européen des chefs d’état et de gouvernement (exécutif) et augmenté pour la représentation démocratique des citoyens européens, au parlement européen (législatif): ce serait plus démocratique mais le conseil décrit ne tient pas du tout à voir son pouvoir diminuer et la France ne fait pas exception.
Et si, le vote à la proportionnelle est plus démocratique que le vote majoritaire, puisque c’est bien votre exécutif qui est à la base de l’entourloupe!
Il eût été facile de refaire un referendum sur le traité de Lisbonne mais ce ne fut pas le cas et ce n’est pas « Bruxelles » qui a pris cette décision!