Capitalisme : l’objet idéal de votre indignation, Since 1750

Qu’on parle d’inégalités sociales ou d’environnement, le capitalisme nous a précipités au bord de l’abîme ! C’est pourtant le contraire qui est arrivé. Explications.

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Capitalisme : l’objet idéal de votre indignation, Since 1750

Publié le 11 octobre 2018
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Par Nathalie MP.

Depuis la fin du baroque et la mort de Bach (1685-1750), rien ne va plus sur cette planète. Alors que tout n’était que luxe, clavecin et volupté, il a fallu que des individus véritablement sans scrupule se mettent à étudier les sciences, la médecine, l’économie ; il a fallu que des apprentis sorciers irresponsables comme Turgot en France ou Adam Smith au Royaume-Uni se mêlent de chercher les lois de la richesse des nations ; il a fallu que des profiteurs de la pire espèce commencent à exploiter les ressources et les hommes. On ne les remercie pas : qu’on parle d’inégalités sociales ou d’environnement, le capitalisme nous a précipités au bord de l’abîme !

Le cri d’alarme à propos du réchauffement climatique

Pure ironie de ma part, bien sûr ! Mais c’est pourtant la thèse qui était présentée ces jours-ci dans le journal Le Monde, à point pour faire écho aux cris d’alarme lancés en début de semaine par l’OCDE et le GIEC à propos du réchauffement climatique. Pour l’OCDE, les engagements signés lors de la COP21 de Paris en décembre 2015 risquent de rester lettre morte dans la mesure où seulement 9 pays sur les 180 signataires ont présenté des plans de limitation des émissions de CO2 – c’est dire si le sujet passionne ! Quant au GIEC, il tenait à secouer les consciences devant la catastrophe qui s’annonce : si rien ne bouge, le seuil d’un réchauffement de 1,5 °C (seulement ?) par rapport à l’ère pré-industrielle sera atteint entre 2030 et 2052.

Si le GIEC et l’OCDE – et Ségolène Royal et Nicolas Hulot et une jolie brochette de « rich & famous » – nous appellent à l’action, c’est parce que le réchauffement climatique, rebaptisé d’ailleurs changement climatique pour s’adapter au manque de consistance scientifique de l’ensemble du sujet, est considéré comme anthropique : l’homme, par ses activités industrielles et ses modes de transport basés sur les énergies fossiles, serait directement responsable des transformations et des dégradations prévisibles de la planète.

L’écologie radicale en embuscade

C’est ainsi qu’est né le nouveau concept de « l’anthropocène ». Non officiellement reconnu par les géologues mais très en vogue dans les milieux de l’écologie radicale, il caractérise la nouvelle ère géologique dans laquelle la Terre serait entrée en raison de l’impact global significatif des activités humaines sur l’écosystème. C’est bien l’ensemble de l’humanité qui est en cause, à l’exclusion de toutes les autres espèces, en raison de la maîtrise initiale des hommes sur le feu.

Mais aux dernières nouvelles de l’anticapitalisme, ce concept s’avère trop vague et entraîne une culpabilisation qui ne tient pas compte des différences de motivations et de classes sociales parmi les hommes. Qu’est-ce que le paysan pakistanais ou l’ouvrier de chez Toyota ont à voir avec tout cela ? Rien, si ce n’est qu’ils subissent l’exploitation intensive des ressources naturelles et les dégâts environnementaux subséquents.

Ce n’est donc pas l’espèce humaine considérée comme un tout qu’il faut rendre responsable du désastre écologique et du réchauffement climatique, mais le capitalisme et lui seul dont les dérives remontent très précisément à la révolution industrielle enclenchée par l’invention de la machine à vapeur par James Watt en 1769 (d’où ma photo de couverture). À partir de là, on assiste au développement d’une économie :

fondée sur la consommation croissante de combustibles fossiles (…) en lien étroit avec le processus d’accumulation du capital qu’elle suppose et qui va générer « une croissance continue des émissions de gaz à effet de serre ». 

Foin d’anthropocène, nous sommes donc entrés dans le « capitalocène », c’est-à-dire l’ère « du système capitaliste triomphant, incapable de contenir sa course effrénée au profit. »

Conséquence immédiate, l’homme est réhabilité comme habitant de la Terre, les écologistes ne sont plus les ennemis de l’humanité et la fin du monde n’est plus le risque ultime. En revanche, le capitalisme est enfin ravalé conceptuellement et officiellement dans sa position d’ennemi numéro 1 de l’humanité et c’est bien la fin du capitalisme qui doit motiver dorénavant toute action écologique et politique digne de ce nom.

L’écologie culpabilisante

Remarquez qu’on s’en doutait. Depuis que le communisme réel s’est effondré sur lui-même, les nostalgiques de l’ordre collectif imposé n’ont eu aucun mal à discerner les potentialités, non pas de l’écologie comprise comme une insertion harmonieuse de l’homme dans son milieu de vie qui fait que l’économie est une écologie, mais les potentialités de ses versions culpabilisantes et anxiogènes pour ré-instaurer un nouvel ordre mondial planifié et autoritaire.

Le « capitalocène » permet de faire le lien définitif entre l’activisme de l’écologie décroissante pour le bien de la planète et l’activisme politique anticapitaliste pour le bien des travailleurs.

Il rencontre à merveille les objectifs d’une ONG comme Oxfam, toujours prompte à nous mettre face aux inégalités qui se creusent, s’accroissent et deviennent plus criantes et plus alarmantes tous les jours – à condition de faire l’impasse sur quelques petits problèmes méthodologiques gênants ; à condition de considérer que la sortie de la pauvreté de millions de personnes et la hausse constante du niveau de vie et de l’espérance de vie depuis 1750 ne sont pas des accomplissements positifs à mettre au compte de l’économie libérale (qui a besoin de capitaux pour fonctionner) et de la mondialisation. Et à condition de considérer que la maîtrise de l’énergie n’est pas un élément essentiel du développement.

Oxfam sur les inégalités

Hier 9 octobre 2018, Oxfam a justement sorti l’un de ses nombreux rapports sur les inégalités. Contrairement à ses publications habituelles qui cherchent à les quantifier, il s’agissait de mesurer si les 157 États étudiés faisaient des efforts pour les réduire. Je ne vous étonnerai pas en vous disant que les trois critères retenus dans cette évaluation, loin de s’attacher à mettre en valeur la production de richesse, sont entièrement centrés sur la redistribution :

  • niveau des dépenses sociales
  • niveau de la fiscalité progressive sur les entreprises et les particuliers les plus aisés
  • renforcement des dispositions légales en faveur des salariés, dont le niveau du salaire minimum.

Il en résulte sans surprise que la France est plutôt bien placée dans ce baromètre (8ème rang). On connaît le niveau remarquablement élevé de nos dépenses publiques et de nos prélèvements obligatoires, ainsi que l’intense rigidité persistante de notre Code du travail malgré les réformes récentes (El Khomri 2016 puis Macron 2017). On connaît aussi notre taux de chômage, notre faible croissance, notre niveau de dette, mais Oxfam ne se préoccupe pas de ces détails. Pas grave d’avoir presque 6 millions de chômeurs s’ils sont indemnisés…

Cependant, selon l’ONG, cette enviable situation pourrait ne pas durer compte tenu des mesures effroyablement ultra-libérales que le gouvernement de M. Macron a déjà mises en place ou persiste à vouloir introduire : baisse de la fiscalité des entreprises, suppression de l’ISF, remise en cause de certaines aides sociales comme les APL – tout ceci montrerait que le fameux modèle social de la France est en grave danger.

Ce que les anticapitalistes ne voient pas

La CGT, FO, Solidaires, l’UNEF (étudiants) et la FIDL (lycéens) sont d’accord avec cette analyse. Oubliant commodément les milliards supplémentaires annoncés dans le plan pauvreté et le plan santé qui attestent que M. Macron croit tout autant qu’Oxfam et M. Martinez aux vertus supérieures de la redistribution, ils nous ont donc offert hier une nouvelle journée de mobilisation contre la « destruction de notre modèle social » conformément aux impératifs du capitalocène, débordements compris.

Que l’espérance de vie française soit passée de 25 ans en 1750 à plus de 80 ans en 2017, que les personnes vivant dans la pauvreté ne représentent plus que 9 % de la population mondiale aujourd’hui contre 99 % au milieu du 18e siècle tandis que dans le même temps cette population passait de moins de 1 milliard d’individus à plus de 7 milliards et que, sur ces 7 milliards, 5 milliards de personnes ne vivent ni dans des pays à bas revenus ni dans des pays à hauts revenus, mais dans des pays à revenus intermédiaires – un détail de l’histoire sans intérêt dont ne s’encombrent nullement ceux qui veulent faire passer le capitalisme pour le fossoyeur de la planète et de l’humanité.

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  • Super article

    « On notera que l’anti-communisme est toujours primaire, tandis que l’anticapitalisme est une exclusivité des esprits supérieurs. »
    Jacques Gagliardi dans Combat en 1974.

    • le communisme plait aux intellectuels pour ça, ça les met au pouvoir…

      • Je suis communiste car ça me dispense de réfléchir.
        F. Joliot-Curie

      • « Le socialisme est monopoleur. Entre autres monopoles, il prétend constituer celui de l’intelligence et de l’humaine bonté. La doctrine la plus informe, la plus indigente, la construction théorique la plus anémique, le raisonnement le plus plaisant, se parent de prestiges, lorsqu’ils peuvent revêtir l’uniforme socialiste. »
        Ludwig von Mises

    • Bien oui, le communisme, le partage, l’égalité, la fraternité, tout ça…
      C’est tellement beau que ça ne peut pas ne pas fonctionner !
      Non ?
      A ce propos, dans le documentaire ‘ les Fagor et les Brandt ‘, qui a montré les limites de la solidarité de la coopérative espagnole envers les travailleurs de Brandt, Pierre Arditi a dit à propos de cet échec qu’il avait acté:
       » Je préfère avoir tort et continuer à me regarder dans une glace  »
      Tout est dit…

  • Dans l’échelle écolo de valeurs nous avons : Gaïa la déesse accompagnée de l’archange biodiversité, les animaux, les végétaux et l’anomalie, l’animal maudit qui a, pour preuve, été chassé du paradis par le dieu qui précède, pour avoir goûté au fruit de l arbre de la connaissance … tiens tiens …. tout se tient ..Dans ce prisme, il est tout à fait cohérent de bannir le capitalisme et d’appeler de ses voeux le communisme : ce dernier est quand même le plus grand exterminateur de la peste humaine… chasser une religion par la porte, elle revient en loucedé par la fenêtre sous une forme mutante et mortifère.

  • « le communisme réel s’est effondré sur lui-même »
    Un mort qui bouge encore, répandu tel un virus malfaisant dans toute l’espèce irrémédiablement contaminée.

  • L’anthropocène n’est qu’un terme scientifique définissant un ère pour laquelle l’impact de l’homme est non négligeable. On la fixe typiquement à partir de -10000, lors de l’extinction de la mégafaune terrestre, que l’on soupçonne liée à l’homme. Cela n’a rien à voir avec le capitalisme… Des recherches en paléontologie permettront sans doute de préciser tout ça. Mais l’idée même de l’anthropocène me semble juste. L’homme est le seul animal a avoir pu changer son environnement. Et de façon très positive pour lui. L’impact de l’homme sur son environnement est voulu, et non subi! L’idée que l’homme détruit son environnement est totalement fausse, au contraire l’environnement du pléistocène était bien plus difficile que maintenant.

    • L’anthropocène n’est pas une époque géologique reconnue scientifiquement. C’est en discussion. Pour l’instant, l’introduction de cette nouvelle époque a été écartée par la communauté scientifique.
      L’ère qui a débuté il y a environ 10 000 ans et qui est toujours en cours actuellement, c’est l’holocène (et elle a été officiellement découpée en trois étages cette année).

      Pour ce qui est de l’anthropocène, ses adeptes proposent plusieurs dates de début : -50 000, -10 000, l’invention de la machine à vapeur, l’essai nucléaire Trinity de juillet 1945 aux États-Unis, 1610, 1964 …
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Anthropoc%C3%A8ne

      Le concept de « capitalocène » présenté (brièvement) dans l’article du Monde que je donne en lien fait partie de toutes ces discussions sur l’anthropocène. Il consiste à dire : mais au fond pourquoi incriminer tous les hommes sans distinction puisque seul le capitalisme est responsable :

      https://www.jacobinmag.com/2015/03/anthropocene-capitalism-climate-change/
      (Jacobin Mag est un journal de la gauche américaine)

      « Blaming all of humanity for climate change lets capitalism off the hook. »
      « Climate science, politics, and discourse are constantly couched in the Anthropocene narrative: species-thinking, humanity-bashing, undifferentiated collective self-flagellation, appeal to the general population of consumers to mend their ways and other ideological pirouettes that only serve to conceal the driver. »
      « Our ecological reality, encompassing us all, is the world founded by steam-powered capital, and there are alternative courses that an environmentally responsible socialism could take. Hence capital, not humanity as such. »

    • Et les micro organisme qui, il y a des millions d’année transformé l’atmosphère terrestre principalement composé de CO2 en oxygène?

  • @titi « l’homme est la seule espèce a avoir pu changer son environnement » Permettez moi d’affirmer que c’est faux. Toutes les espèces influencent leur milieu de vie. Lisez l’article wikipédia sur l’île d’Amsterdam (TAAF) vous verrez que même un simple troupeau de vache peut modifier son environnement. Regardez de simples fourmis cultiver des pucerons ou des cochenilles et vous verrez que même d’insignifiants insectes peuvent modifier leur environnement. Votre assertion n’est pas valable tant les exemples sont multiples. Le fait de vivre modifie l’environnement. Je vous rappelle que pour que la terre devienne respirable, (pour les humains) il a fallu l’action de micro organismes sur des millions d’années qui ont modifié l’atmosphère terrestre a l’échelle planétaire.

  • La destruction du capitalisme est bien le SEUL but de nos gauchistes-écolos. D’où cette focalisation sur l’homme industriel comme cause du réchauffement.

    • La destruction du capitalisme est le but revendiqué depuis les années 70-75 par les écolos. Ils l’ont exprimé à plusieurs reprises à la tribune de l’ONU.

  • Le capitalisme n’est qu’une forme élaborée de coopération qui va de paire avec la spécialisation et la division du travail. Rien de vraiment neuf en fait et c’est seulement le progrès technologique qui à permis de rendre ces concept vraiment efficaces.

    • @laurent +1 les premiers capitalistes sont les animaux qui ont pensé à stocker qqchose pour sécuriser leur survie demain . J’imagine que les écolos ont une sérieuse dent contre les écureuils. Ca vaudrait le coup de le leur demander..

      • Même mon hamster est capitaliste !
        Comme moi, mais on a foiré tout les deux, puisque nous vivons en cage.
        Brrr, ça fout la ch’touille…

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