Le nucléaire est-il une énergie décarbonée ?

Le nucléaire est beaucoup plus décarboné que les renouvelables.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Centrale Nucléaire By: strelitzia --- - CC BY 2.0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le nucléaire est-il une énergie décarbonée ?

Publié le 19 juillet 2018
- A +

Par Rémy Prud’homme.

On considère généralement que les électricités nucléaire, éolienne et photovoltaïque ne rejettent pas de CO2.

C’est vrai au stade de la production d’électricité à partir des installations. Mais la fabrication des composants (turbines éoliennes, panneaux photovoltaïques, cuves nucléaires) ; leur transport (la plupart des panneaux sont importés de Chine) ; la construction des installations (qui mobilise beaucoup de béton pour le nucléaire et l’éolien) ; et la mise à disposition du combustible (extraction, transport, traitement, dans le cas du nucléaire) ; ainsi que le démantèlement des installations ; donnent également lieu à des rejets de CO2, qui peuvent également être pris en compte. On parle alors de rejets liés au « cycle de vie » de la technologie considérée.

 

Le béton de Flamanville

Afin de donner du corps à ce concept, considérons le béton utilisé pour construire une centrale nucléaire comme l’EPR de Flamanville (750 000 tonnes) et une éolienne de 2 MW (1500 tonnes). La production d’électricité de l’EPR, sur toute sa durée de vie (60 ans) sera d’environ 700 TWh1, celle de l’éolienne, sur sa durée de vie (25 ans) de 0,13 TWh2.

Un calcul simple montre que le béton nécessaire pour produire la même quantité d’électricité est dix fois plus élevé pour l’éolien que pour le nucléaire. Il en va de même pour les rejets de CO2 engendrés par ce béton.

Bien entendu, cette comparaison est plus frappante que probante. Le béton utilisé lors de la construction n’est pas la seule source de CO2 du cycle de vie. Des calculs plus complexes sont nécessaires.

Ils sont délicats et difficiles. Faut-il, et comment, considérer les rejets liés à l’extraction et au transport du cobalt congolais incorporé dans les panneaux solaires ? Les rejets de CO2 associés à la production du ciment ou de l’acier des centrales nucléaires et des éoliennes varient considérablement selon le lieu de production : très élevés en Chine (où l’électricité utilisée à cet effet est principalement produite à partir du charbon), très faibles en France (où elle est nucléaire).

De nombreuses études ont été consacrées à ces évaluations et elles sont loin de converger. Heureusement, plusieurs analyses ont procédé à des recensements des résultats publiés (on appelle cela des méta-analyses) et produit des moyennes. Ou plus précisément des médianes (le chiffre tel qu’il y a autant de chiffres supérieurs que de chiffres inférieurs) qui donnent des ordres de grandeur significatifs. Le tableau ci-après présente ces résultats synthétiques.

Tableau 1 – Rejets de CO2 selon la méthode du cycle de vie, trois types d’électricité (en gCO2eq/kWh)

GIECa       Autres méta analyses

Nucléaire                       11                         12b
Eolien                             12                         34c
Photovoltaïque              48                       50c
p.m. : Charbon             820

Sources : aWikipedia. bWarner E. 2012. « Life cycle greenhouse gas emissions of nuclear electricity ». J.  of Industrial Ecology 16 (1). cNugent,D. & B.Sovacool. 2014. « Assessing the life-cycle greenhouse gas emissions form solar PV and wind energy : A critical meta-survey » ; cette étude résume 153 estimations indépendantes. Energy Policy, vol 65, 229-244 ; cette étude résume 99 estimations indépendantes. Note : « gCO2eq/kWh » signifie grammes de CO2 équivalent émis pendant la durée de vie de l’installation par kWh produit durant cette même durée de vie.

 

Quelles conclusions tirer ?

Ces médianes appellent quatre observations.

  1. La première est que les sources utilisées apparaissent crédibles. On a donné des chiffres compilés par le GIEC qui ne peut guère être suspecté de sous-estimer l’intérêt de l’électricité renouvelable dont il a fait un cheval de bataille. Les chiffres du GIEC sont d’ailleurs assez semblables (sauf pour l’éolien) à ceux des deux méta-analyses indépendantes présentées.
  2. Deuxièmement, les rejets carbonés de l’électricité nucléaire dans l’optique du cycle de vie sont 4 ou 5 fois inférieurs à ceux de l’électricité solaire, et comparables ou inférieurs à ceux de l’électricité éolienne. Dans une comparaison entre ces trois modes, la prise en compte du cycle de vie avantage le nucléaire.
  3. Troisièmement, dans une comparaison entre ces modes et les modes traditionnels comme l’électricité thermique, le détour par le cycle de vie, justifié en théorie, ne change pas grand chose en pratique. Les rejets de CO2 du cycle de vie du nucléaire représentent un peu plus de 1% de ceux de l’électricité au charbon.
  4. Enfin, les chiffres cités se rapportent à la totalité du cycle de vie. Pour une large part le CO2 rejeté par les centrales nucléaires l’a été lors de leur construction. Fermer ces centrales pour les remplacer par des installations de renouvelables à construire (c’est ce que veut faire le gouvernement) ne diminuera nullement ce CO2 là.

 

La comparaison doit se faire entre le CO2 total des installations éoliennes et solaires à construire, et le CO2 lié au fonctionnement des centrales nucléaires existantes. Elle est donc bien plus favorable au nucléaire que les chiffres donnés ne le suggèrent.

Dans un article d’humeur publié par Contrepoints, j’avais écrit dans une parenthèse que le nucléaire est décarboné, comme les renouvelables – ce qui m’a valu de violentes apostrophes de certains lecteurs. Je reconnais volontiers mon erreur. J’aurais dû écrire : « le nucléaire est beaucoup plus décarboné que les renouvelables ».

  1.  1600 MW*0,8 (taux d’utilisation)*8760 h (par an)*60 ans = 673 TWh
  2.  2 MW*0,3 (taux d’utilisation)*8760 h (par an)*25 ans = 0,13 TWh
Voir les commentaires (22)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (22)
  • Nième sujet sur le bilan carbone des différentes sources d’énergie…mais , à moins de n’avoir que de l’énergie nucléaire ce bilan comparatif est impossible à faire. Pour se payer 1kw d’énergie nucléaire combien d’énergie carbonée nécessaire ?

  • « La comparaison doit se faire entre le CO2 total des installations éoliennes et solaires à construire, et le CO2 lié au fonctionnement des centrales nucléaires existantes »
    Ben voyons ! De l’art de comparer des choux et des carottes !
    Pour info, l’ADEME donne 6 gCO2etc pour le nucléaire et 12 pour l’éolien (1000 pour le charbon, 700 pour le fioul et 400 pour le gaz). En moyenne avec le mix français, c’est environ 80.
    La focalisation sur le bilan carbone ne doit pas faire oublier un « petit » inconvénient du nucléaire, oh 3 fois rien, une paille… la gestion des déchets ! (Faudrait d’ailleurs vérifier si celle-ci est prise en compte dans le bilan carbone)

    • Ce qui a de bien avec la gestion des déchets, c est qu’on les gère, c’est écrit dedans. Sinon vous écririez la ‘non’ gestion des déchets. C’est pareil avec votre estomac, on réduit pas la quantité d’humains en fonction de la taille d’une usine d’assainissement, deal with it.
      Cela dit ca aurait pu être pire, vous auriez pu rappeler, une énième fois dans les commentaires internet, qu’une centrale, ca peut peter. Mais on reste quand même dans la même classe d’argumentaire non raisonné.

      • Qu’est ce qu’un déchet: il faut savoir que le premier déchet des êtres vivants, c’est a dire des végétaux est l’oxygène. or pour produire de l’oxygène les végétaux ont besoin de CO2. En conclusion, la production de CO2 est bon pour le vie. Il faut revenir aux origines de la création de la vie sur terre

        • Le CO2 est bon pour les plantes pas pour vous. Le contraire de l’alcool, c’est bon pour vous, pas pour votre ficus.

          • @ Guido Brasletti
            D’habitude, une méta-analyse donne effectivement une médiane mais précise aussi de quels chiffres (haut et bas) elle est cette médiane: une médiane à 50, ça parle moins que des études allant de 25 à 75 ou de 47 à 53!
            Perso, je ne suis pas sûr de la rentabilité éolienne autre part qu’en mer. Comment peut-on prévoir la durée de vie efficace des outils produisant l’EnR, quand on voit prolonger celle des centrales nucléaires? Les éoliennes sont encore récentes, rien ne dit qu’elles ne peuvent être améliorées ou diversifiées comme ces moulins installés sur le toit plat des buildings.
            Tous les outils humains ont des avantages et des inconvénients et c’est bien sur ce plan-là qu’il faut faire des choix: actuellement les chiffres ne nous aident pas trop! Donc non à la doxa, tachons de rester objectifs pour argumenter le débat!

            • @mikylux: Moi, je croit plutôt que seules les éoliennes volantes permettraient le minimum d’efficacité nécessaire.
              En tout cas, l’investissement massif actuel dans des technologies limitées et demandant des réseaux intelligents encore à construire (!) est une escroquerie.

  • « ….Pour se payer 1kw d’énergie nucléaire combien d’énergie carbonée nécessaire ?…. »
    Votre « Résonnement » me fait penser a ce type qui a vendu sa voiture pour acheter du carburant…

    • Sympa le nucléaire ,il permet de percevoir plus de taxes par l’état..mais pour payer des taxes vous devez bosser ,rouler en voiture vous chauffer ,vous nourrir..le bilan carbone doit être fait sur la chaîne complète de consommation..une centrale nucléaire en Arabie permet de vendre plus de pétrole…bilan carbone ? Le même avec ou sans centrale.
      Selon ce meme principe une éolienne déplace une consommation de pétrole vers un autre consommateur…le bilan carbone est donc fixe et dépend essentiellement de la production pétrolière gazière et charbon..et elle ne cesse de s’accroître.

      • Effectivement si on part du principe que celui qui évite de bruler un litre de pétrole encourage, de facto, les autres a le prendre pour le bruler, Il ne vous reste que le suicide comme opération efficace.
        Même si ça ne l’est pas , vous n’en saurez rien.
        Alors , Heureux ?

  • D’après le Monde (https://mobile.lemonde.fr/planete/article/2018/07/12/la-france-a-deja-un-stock-de-1-5-million-de-metres-cubes-de-dechets-radioactifs_5330579_3244.html), la France est noyée sous 1,5 millions de déchets radioactifs qui l’empoisonnent déjà…
    Sauf qu’en relisant attentivement l’article, on note que seulement 3% des déchets émis (dont seulement 67 % concernent le nucléaire) portent quasiment 100 % de la toxicité totale.
    Il faut donc faire le calcul suivant:
    déchets totaux : 1,5 millions de m3 x 67% = 1 million environ x 3 % toxiques = 30 000 m3 vraiment pourris.
    Voilà qui relative grandement les remarques du Monde..

    • Heureusement encore ! Sinon c’est 30 « Bure » qu’il nous faudrait !
      Ceci dit que croyez vous qu’on fasse pour les 97 % restant ? Du stockage à l’air libre en plein champ ?

      • @GB: vous acceptez bien de laisser les socles d’éoliennes en terre ? Alors pourquoi pas les bâtiments des centrales ?

        Leur démolition n’est pas une urgence compte tenu de la faible radioactivité.

        • Bien que l’énergie éolienne soit très sympathique, les éoliennes géantes sont une tentative de concentrer une énergie diffuse dans les mains de « grands producteurs – EDF ne s’y est pas trompé, ils ne vous aident pas a vous équiper…. C’est aussi illogique que les centrales solaires thermiques (les descendantes de Themis)… Le solaire, c’est chacun sur son toit (d’abord thermique, puis électrique). L’éolien, c’est chacun dans son jardin (pour ceux qui le peuvent)… Avec la surface des toits du pays, on pourrait installer 500GW de PV (donc 400 a 500THw/an) – de quoi faire rouler deux fois notre parc automobile entièrement électrifié.

        • Euh, on parlait des déchets radioactifs, pas du sort des centrales…

  • Bref, on résume la situation littéralement extraordinaire des prétendus renouvelables :
    – 3 fois plus cher à puissance installée égale
    – 5 fois moins de production pour la même puissance
    – durée de fonctionnement 2 à 3 fois plus courte
    – jusqu’à 5 fois plus d’émission de CO2
    – recours au gaz ou au charbon très polluants (gaz nocifs et particules à foison) pour pallier une production erratique

    La seule chose de renouvelable dans cette affaire, c’est la spoliation de l’argent des pauvres pour financer les torrents de subventions déversées aux profit des margoulins, les nouveaux riches du renouvelable. Pas à dire, c’est l’affaire du siècle. Les renouvelables fabriquent la précarité énergétique pour tous et mènent à la précarité économique.

    Dit autrement, les renouvelables ne produisent pas de l’énergie mais seulement de la pauvreté.

    L’aspect positif du sujet réside dans son caractère immédiatement discriminant dans le domaine politique. Il vous suffit d’observer qui est pour ou qui est contre pour juger dans l’instant à qui vous avez à faire, un branquignol corrompu ou un individu de qualité, honnête citoyen correctement éduqué soucieux de l’intérêt général.

    • Ca va les chevilles ?! …

    • Comme c’est mignon de se baser sur un article qui sort 4 chiffres pour conforter sa propre conception tronquées des faits( trouvez moi UN seul article positif à propos des énergies renouvelables et UN seul article qui critique le nucléaire sur ce site, ca donne un idée de l’objectivité de ce site).

      C’est bete pour vous un cabinet d’etude indépendant ( Lazard) à un sorti un rapport (non pas un bete article de citant 4 chiffres par ci par la calculé sur le coin d’une table) a propos du cout non subsidié de l’electricité par source d’energie.

      Au passage les éoliennes 2mw c ‘est fini ca fait belle lurette qu’on installe des 6 à 8 megawatt voire 12 et bientôt 16mw en mer, donc les chiffres plus hauts ne sont pas bons.

      Devinez ce que dit l’étude? ah ben tiens bizarre le nucléaire est dans le meilleur des cas 2x plus cher que l’eolien (30 à 60$ du Mgwh contre 112$ à 183$ du Mgwh pour le nucléaire).

      Voila le lien de l’etude (Levelized Cost of Energy), de rien;):https://www.lazard.com/perspective/levelized-cost-of-energy-2017/

      Ah oui j’oubliais meme si c’est déjà le cas (eolien et solaire moins cher que le nucléaire) et que vous refusez de l’accepter. De toute manière que vous l’acceptiez maintenant ou dans 5 ans ne changera rien, car c’est inéluctable, le renouvelable ne cesse de baisser en couts alors que le nucléaire devient de plus plus cher avec les mesures de sécurité + le vieillissement des centrales (sans parler des neuves qui explosent en couts). c’est combien déjà Hinkley point, ah oui 22 milliards, tiens c’est bizarre bizarre au début on estimait à 7-10 milliards le cout de la centrale d’Hinkley point.

      • L’objectivité ne consiste pas à donner deux versions opposées en incitant à la polémique. Selon votre définition, un article affirmant que 2+2=4 devrait-il être compensé par un autre prétendant que 2+2=5 ?

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

La nécessité de décarboner à terme notre économie, qui dépend encore à 58 % des énergies fossiles pour sa consommation d’énergie, est incontestable, pour participer à la lutte contre le réchauffement climatique, et pour des raisons géopolitiques et de souveraineté liées à notre dépendance aux importations de pétrole et de gaz, la consommation de charbon étant devenue marginale en France.

Cependant, la voie à emprunter doit être pragmatique et ne doit pas mettre en danger la politique de réindustrialisation de la France, qui suppose une... Poursuivre la lecture

Entre désamour de son parc nucléaire, illusions renouvelables, pressions allemandes et injonctions de l’Europe, la France, dont le puissant parc de production d’électricité était décarboné avant l’heure, a lentement sapé la pérennité du principal atout qu’il représentait. Après des fermetures inconsidérées de moyens pilotables, l’apparition du phénomène de corrosion sous contrainte qui a affecté les réacteurs d’EDF dès 2021 a cruellement révélé l’absence de renouvellement du parc depuis que l’ASN en avait exprimé la nécessité, en 2007. En ent... Poursuivre la lecture

Maintenant que le déploiement du compteur électrique Linky présenté comme « intelligent » est quasiment terminé, le rationnement imposé de l’électricité va pouvoir débuter… après plus de 20 ans d’impéritie.

 

C’est « intelligent »

Un projet de décret prévoit d’effectuer, dès cet hiver, un premier test en condition réelle au cours duquel la consommation d’électricité de 200 000 Français notifiés « par voie postale », et équipés d’un compteur Linky, sera plafonnée à 3 kilowatts (kW) au lieu de 6 kW (l’abonnement des particuli... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles