Par Martin Giraud.
Contrairement aux pays-anglo-saxons, la France n’a plus de véritable tradition libérale-conservatrice. J’entends par-là un courant libéral sur le plan économique et conservateur sur le plan de la souveraineté, de l’indépendance et des fonctions régaliennes.
Le dernier avatar d’une telle politique remonte à la période 1958-1974, durant laquelle De Gaulle appliquait les idées de Jacques Rueff, économiste libéral de tendance autrichienne, son Premier ministre Georges Pompidou prenant ensuite la relève. Depuis, les seules politiques menées par les gouvernements de tous bords, n’ont été que d’un seul type : de plus en plus interventionnistes dans l’économie et le sociétal, et de plus en plus faibles dans le régalien.
Clairement, sur le plan historique, le gaullisme dont pratiquement toute la droite se réclame n’est pas cette absurdité faussement dénommée gaullisme social, qui consisterait pour l’État à contrôler toujours plus l’économie, à s’immiscer perpétuellement dans les entreprises privées et les rapports sociaux, ou à assister la population entière contre toute forme d’aléas de la vie.
Non pas que ces éléments étaient absents du gaullisme, mais ils n’en représentaient sûrement pas un caractère essentiel, ni philosophiquement ni factuellement. À cette époque, la dépense publique ne dépassait guère 35 % du PIB contre 57 % aujourd’hui, avec un budget à l’équilibre et des finances publiques gérées au cordeau. De Gaulle le souhaitait explicitement, puisqu’il affirmait que les prélèvements ne devraient pas représenter plus d’un tiers de la production.
Dans l’ensemble, il était hostile à une extension sans fin de l’État dans le domaine économique et social, et considérait que l’aide de l’État devait se limiter à la petite minorité réellement en difficulté :
« De toute façon, quel que soit le système, nous aurons toujours un million de pauvres types sur les bras, mais on ne peut quand même pas ramener tout le monde à la minorité à la traîne. Pour celle-là , il faut, bien entendu, prendre des mesures de solidarité par répartition. » (Extrait de De Gaulle mon père, de Philippe de Gaulle)
Hélas, après 1974, il semblerait que la droite française n’ait retenu du gaullisme que quelques vagues éléments régaliens (elle reste beaucoup plus molle que De Gaulle sur ces questions), et complètement oublié les éléments de libéralisme économique et de société libre et responsable. Souvent au point de reprendre la même antienne que la gauche sur l’affreux capitalisme qu’il faudrait impérativement réguler, ainsi que sur les prétendues conquêtes sociales de l’après-guerre qu’il faudrait maintenir à tout prix.
Sauf que les conquêtes en question, sous forme de rigidités du marché du travail, de fonctionnarisation de la société, de socialisation massive des risques, ou de traitement social du chômage, sont le plus souvent bien postérieures à l’après-guerre et à la période gaulliste proprement dite. Que ce soit en matière de travail, de protection sociale, de prélèvements obligatoires ou de liberté économique en général, si l’on revenait aujourd’hui, ne serait-ce qu’au quart des libertés des années 1960, tout le monde hurlerait à l’ultra-libéralisme débridé.
Messieurs les gaullistes et autres nostalgiques des Trente Glorieuses, songez qu’à cette époque on pouvait embaucher et débaucher en toute liberté avec le minimum de formalités. La CSG, la CRDS, et la plupart des contributions et taxes actuelles n’existaient pas. Celles qui existaient étaient relativement réduites. Le RSA, les APL, la CMU, l’AME, et les dizaines d’aides en tous genres qui pullulent et que plus personne ne sait même recenser n’existaient pas. Les fonctionnaires étaient bien moins nombreux, les comités Théodule, agences et autres hauts conseils aussi. La sécurité sociale était limitée aux salariés de l’industrie et du commerce avec des cotisations bien moindres et un système de santé beaucoup moins étatisé. La tyrannie inquisitoire des URSSAF, du fisc ou de l’inspection du travail était bien plus limitée. Le Code du travail comportait 800 pages contre plus de 3000 aujourd’hui.
Votre vision de la France d’avant 1974 relève de la mythologie. Mythologie que vous partagez avec la gauche, à savoir celle d’un âge d’or trouvant son origine dans l’État-providence et le CNR dominé par les communistes, ce qui ne manque pas de sel.
Or, la réalité des Trente Glorieuses, c’est que, fort heureusement, les communistes ont été rapidement marginalisés, et qu’elles ont été avant tout le fruit de la libre entreprise, d’un capitalisme relativement peu entravé, et d’un État peu interventionniste en comparaison d’aujourd’hui. On ne le répétera jamais assez : les dépenses publiques étaient de seulement 35 % du PIB, soit le niveau de la Suisse aujourd’hui, pays qui se porte fort mal comme chacun le sait.
Elles étaient aussi le fruit d’une liberté bien plus grande et d’une société dans laquelle la responsabilité individuelle de chacun était bien plus développée, sans État-nounou fourré dans chaque recoin de l’existence, mais aussi sans État-taxateur ni État-régulateur dès qu’on sortait le nez dehors.
À cette époque, l’individu en difficulté ne pouvait compter que sur sa débrouillardise, les solidarités individuelles spontanées, le travail et les petits boulots, qui se trouvaient facilement. Autrement dit, la liberté. Or, miracle des miracles, malgré (ou grâce à ?) cette intolérable absence de l’État, il y avait moins de pauvreté, moins de criminalité, moins de suicides, moins de problèmes sociaux.
Cette époque, c’est Alain Delon, élevé dans une modeste famille d’accueil après le divorce de ses parents, diplômé d’un CAP de charcutier, qui pouvait débarquer à Paris sans un sou en poche après trois ans de service militaire en Indochine, et gravir les échelons du succès sans rencontrer sur son chemin ni bureaucrate ni ministère de la Culture, ni mandarin subventionné verrouillant la place à coups de copinages et d’argent public. En revanche, il ne pouvait compter que sur son talent et ses atouts.
Que diraient nos intermittents du spectacle, obsédés des prétendues conquêtes sociales d’après-guerre, si on les sortait de leurs fantasmes et qu’on les replongeait dans les vraies conditions de liberté et de débrouillardise de cette époque ?
Une chose est sûre en tout cas sur l’époque actuelle : un Alain Delon n’y aurait plus aucune chance, compte tenu de son milieu d’origine et de l’étatisation du cinéma français. Il aurait fini charcutier, écrasé par les normes, l’URSSAF, le RSI, le fisc, l’inspection du travail, la répression des fraudes, avec une chance sur deux de tout perdre suite à une liquidation judiciaire.
J’exhorte donc tous les amoureux de la France, de son identité et de sa culture, d’enlever leurs lunettes anti-capitalistes ou anti-libérales, et de regarder en face la réalité du passé : la France n’a jamais été aussi grande, aussi prospère et aussi… heureuse que lorsqu’elle jouissait de grandes libertés économiques et d’un État fort sur le régalien mais limité sur le reste ; lorsqu’elle ne haïssait pas les riches ou tout autre bouc émissaire, et qu’elle laissait une large autonomie à la société civile sur les questions de solidarité, de prévoyance, et de relations entre personnes. Autrement dit, pour paraphraser Georges Pompidou, lorsqu’elle « foutait la paix aux Français ».
Tout à fait d’accord avec l’article mais pourquoi Alain Delon ?
Son talent sa belle gueulle et son sex-appeal l’auraient propulsé au sommet sous tous les régimes !
Juste une idée: Peut-être son caractère l’aurait-il empêché de lécher des bottes politiquement correctes?
Il n’est pas trop politiquement correct en plus, il a même plutôt la cible des moqueries de la bien-pensance de gauche, non ?
Tu fais références à quoi exactement ?
Partiellement d’accord avec Riffraff, parce qu’à mon sens, si Delon ne réussirait probablement pas aujourd’hui, ce n’est pas à cause des raisons invoquées par M. Spagnoli. C’est parce qu’il incarnait un archétype aujourd’hui montré du doigt par tout ce qui pense « correct » : le macho, le Don Juan, le vrai mâle qui en a dans le pantalon, et qui a l’occasion règle les problèmes avec des baffes.
Nos acteurs d’aujourd’hui sont à l’image des hommes français de souche, dévirilisés (je ne ferai pas la liste de ces excellents comédiens, dont les rôles se limitent souvent à introspecter leurs vies sentimentales.) Les seuls encore « autorisés » à montrer l’imprégnation d’un réliquat de testostérone, sont les acteurs noirs ou arabes… N’est-ce pas frappant ?
Il est vieux quoi. Il serait né dans les années 90, ce serait un « vrai mec » des années 90. Je pense qu’il faut être un peu réaliste, ce n’est pas parce que les vieux des années 50 se trouvent géniaux et supérieurs que les jeunes des années 90 trouvent eux-aussi que les vieux des années 50 sont géniaux et supérieurs. Le machisme, la posture de « vrai mâle »… etc. peut vite être trouvé complètement ridicule et dénoter une certaine forme de mal être et de manque de confiance en sa propre masculinité. Évidemment je ne le connais pas, mais Delon ne m’a jamais paru être quelqu’un de très sûr de lui, peut-être à cause des ses traits fins et sa morphologie a-t-il été obligé de compenser une image de lui-même qui ne lui convenait pas ? je ne sais pas.
L’idée est qu’Alain Delon était un « nobody » absolu au départ, sans la moindre formation d’acteur ni la moindre entrée dans ce milieu, et que compte tenu du système français actuel en matière de cinéma (copinages, subventions, etc), ses chances de réussir auraient été très réduites… au mieux il aurait fait peut être mannequin pour des pubs…
ou footballeur ?
Dans la même veine, le Paris des années 20 était considéré comme un phare culturel, sans aucun besoin d’un Ministère de la Culture – celui-ci est une invention de… De Gaulle, tiens. Depuis, la fameuse « culture » française ne fait que s’étioler…
Quand on a vécu cette « belle époque » des années 60-70, on est tous les jours révolté par la gabegie de ce régime étatiste et collectiviste en diable, qui finira par tuer le pays qui devrait être le plus prospère d’Europe, et de loin.
Il suffit de se souvenir qu’à l’époque l’industrie française faisait jeu égal avec l’Allemagne.
Personnellement je me moque totalement d’Alain Delon. Alors il a joué dans des films et il a montré son talent. En effet avec des si peut-être qu’il n’aurait pas pu le faire, mais sans doute un autre aurait pu le faire.
La production fictionnelle française est complètement à la rue, certes l’état y est pour quelque chose (l’exception française débile qui donne les clés aux télés qui bénéficient d’une licence de diffusion de leurs bouses), mais enfin j’ai l’impression que les films pourris qui sortent aujourd’hui sont bien produits par des entreprises conservatrices. Peut-être qu’à l’époque de Delon il y avait surtout plus de créativité et plus d’ambition à bousculer les formes établies.
L exemple de Delon est assez mal choisit puisque le cinema est un secteur assez special.
Pour le reste, si on veut comparer la France de 1960 et de 2018, il faut aussi signaler quelques points:
– en 1960 la France etait encore en phase de rattrapage suite a la seconde guerre mondiale. Le probleme etait de produire, pas de vendre (qui avait un frigo ou une machine a laver ?). Maintenant nous sommes dans un marche de remplacement ou tiré par l innovation. Il ne suffit pas de copier les USA en essayant d ameliorer un peu le truc.
– En 1960 pas de concurrence chinoise a craindre
– en 1960, les soins medicaux etaient bien moins sophistiques. ca coutait donc moins cher et il y avait plus de mort
– en 1960, un retraite partait a 65 ans, touchait une retraite de misere et avait le bon gout de mourir avant 70. Aujourd hui, il y a nettement plus de retraités, qui touchent des pensions bien plus elevees et qui peuvent vivre jusqu a 90 ans
– Nous avons quand meme un avantage, car en 1960 nous devions pacifier 3 departements rebelles (constantine, l oranais et l algerois). Heureusement que De Gaulle a largué le boulet (pour ceux qui ont pas connu, l algerie francaise etait un veritable boulet qui absorbait enormement de ressources en hommes (appeles du contingent) et materiel/finance)
Ceci n exonere pas nos dirigeants passés car certains pays s en sortent bien mieux que nous (ex Hollande, RFA ou Suisse) mais penser qu on pourrait revenir aux condition de 1960 est du domaine du reve. Le monde a changé (et helas nous evoluons maintenant en 2nd division)
Hélas, le général de Gaulle a mis ou laissé en place tous les éléments qui ont surgit à compter de 1974.
Qui a créé l’ENA ? La Sécurité Sociale, conforté la retraite par répartition,…
Déjà combien de fonctionnaires comme ministres ou dans les cabinets ministériels sous la présidence gaullienne ?
Quelle concurrence dans les domaine de l’énergie (EDF, GDF, Elf,…) ?
combien de dirigeants/créateurs d’entreprises au gouvernement depuis Antoine Pinet ?
Qui a créé le commissariat au plan ?
Bref, si le général de Gaulle était un bon gestionnaire et un honnête homme, il était très dirigiste.
Les successeurs n’ont eu qu’à suivre, ayant en plus un très solide siège avec tous les leviers.
Oui et non, comme je le montre dans l’article, le « dirigisme » de De Gaulle restait bien plus libéral que la France d’aujourd’hui… et ce n’était pas juste par héritage historique, il considérait clairement qu’il devait y avoir des bornes à l’intervention de l’Etat et à sa depense.
Son « dirigisme » était en général assez lié à des secteurs stratégiques, proches du régalien : énergie, défense, etc. En ce qui me concerne, je signerais tout de suite des 2 mains pour revenir au « dirigisme » de De Gaulle et à des dépenses publiques de 35% du PIB…
ça ne poserait aucun problème pour Delon puisqu’il a adopté la nationalité suisse et qu’il réside à Genève.
la dégringolade de la France a commencé à partir de Giscard..Mitterand..Chirac..Sarkozy.. Hollande …Jupiter…La Dépense Publique..le PIB…qu’en vous écouter tous les experts financiers qui vous explique et se contredise ..
des lois ;des amendements et je ne sais quoi pour faire croire que cela va changer..rien ne vient …jusqu’Ã quand le PEUPLE va supporter
cette mascarade !!!