Mon expérience (cruelle) avec l’URSSAF

Une expérience édifiante : quand un petit entrepreneur goûte aux erreurs de l’URSSAF.

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Octopussy by Thomas Hawk(CC BY-NC 2.0)

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Mon expérience (cruelle) avec l’URSSAF

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 10 octobre 2018
- A +

Par François Lainée.

Par les temps actuels de moralisation de la vie publique il faut frapper un grand coup. Les collecteurs de taxes et impôts ont pris des habitudes d’impunité et de libertés excessives dans l’application des lois. L’heure est venue d’oser… accorder le droit à l’erreur, exiger la reconnaissance de l’erreur, et punir financièrement, de façon symétrique, le contribuable et l’administration.

Par ces temps où le nouveau pouvoir prétend réformer pour libérer et protéger, il faut le dire bien fort : les pratiques léonines et kafkaïennes des administrations qui taxent et collectent sont au cœur de l’appareil d’État.

Entrepreneur à  mon compte dans une activité de conseil, j’ai récemment eu affaire à une énième tentative d’extorsion infondée par un des piliers du trio infernal Caisses de retraites – Assurance maladie et URSSAF.

À eux trois, pour les entrepreneurs indépendants, ces trois organismes sont un feu d’artifice permanent d’approximations, d’erreurs (toujours en votre défaveur – dans la vraie vie, rien ne ressemble au Monopoly), et surtout d’arrogance et d’incapacité à jamais reconnaître les erreurs même quand elles sont évidemment démontrées.

Voici une histoire vraie qui montre la dérive où nous sommes arrivés.

Pratiquant mon activité en solo avec ces partenaires, indépendants comme moi, rassemblés en équipe au gré des besoins des clients,  j’embauche il y a un an un jeune développeur pour réaliser des développements techniques.  Trois mois de contrat sur 2016, payés environ 2000 € bruts par mois.

N’étant pas salarié moi-même, je découvre les délices infernaux de la feuille de paie et ses quarante rubriques, et recours au service d’une professionnelle pour produire ces documents, et réaliser les déclarations de récapitulation et de contrôle trimestriels et annuels.

La somme de 926 €, due sur les salaires de cet employé, étant réglée aux URSSAF, tout semble clair, et mon attention se porte naturellement davantage sur le développement et le service au client.

Et voilà qu’en juillet 2017 les URSSAF se rappellent à mon bon souvenir, pour me demander de payer la somme de 9540 €, au titre de l’absence de fourniture de déclaration sur le 1er trimestre 2017.  Heureusement, comme chez les tontons flingueurs, les diplomates  précèdent les hommes d’action. Il ne s’agit encore que d’un avis amiable avant poursuites en cas de non exécution rapide…

Pour la non fourniture d’une déclaration qui n’a plus de sens, et aurait été nulle de toute façon, l’agent 007 de l’URSSAF dégaine et prétend me pomper une fois et demi le salaire versé trimestriellement l’année précédente, dix fois les cotisations…  On aimerait croire  qu’il s’agit d’un remake d’un Monthy Python, mais mon expérience des pompes à finance publique m’incite à tout de suite sortir la maigre artillerie dont je dispose : le bon sens, et l’opiniâtre volonté de ne pas me laisser plumer ainsi, et de comprendre jusqu’au bout comment de telles extravagances sont possibles.

La personne qui avait fait les bulletins de paie, effarée, contacte donc les URSSAF pour expliquer que ce compte URSSAF est dormant, et qu’il faut donc l’éteindre si  son maintien va de pair avec des obligations de déclarations, maintenant devenues ineptes. Impossible, lui répond-on, chez nous cela ne se fait pas…

Dans le même temps, j’ai expliqué que, bien sûr, pas question de payer la somme demandée, ni les 8860 € de base, ni les 790 € de pénalités ajoutées pour faire bonne mesure.

Toutefois, devant l’évidence de l’absurdité de cette position, l’agent 007 finit par céder et, le 4 août, date anniversaire de l’abolition des privilèges d’ancien régime, ce compte URSSAF est donc clos, et l’URSSAF renonce à la taxe de base. Mais, considérant que j’ai été en retard dans mes déclarations (non, non, trois trimestres sans cotisation en 2016 ne peuvent pas permettre à ces comptables de conclure qu’il n’y a plus d’employés ?), on me demande toujours de payer les pénalités.

Impensable pour moi, et impensable aussi de ne pas comprendre comment une telle démesure dans la taxation d’office est possible légalement.

Le 7 août, après avoir signifié à l’URSSAF l’impossibilité d’accéder à sa demande de payer une pénalité sur rien, et lui avoir demandé les détails de son calcul de taxation d’office, j’écris donc à MM Le Maire et Darmanin, les preux défenseurs de la pensée En Marche en matière de finance publique mais aussi (on l’espère du moins) des idées de « droit à l’erreur de bonne foi que l’administration devra reconnaître sans broncher ». Je leur demande de faire de ce cas un exemple pour que ces idées s’appliquent, et que le harcèlement démesuré cesse à tout jamais.

Hélas, l’État a peaufiné ces pratiques pendant des décennies, augmentant sans cesse les pouvoirs arbitraires de ses collecteurs de fraîche, mettant la charge de la preuve toujours dans le même sens, éliminant toute obligation et même toute idée de reconnaissance de ses erreurs, éliminant par principe toute symétrie dans les punitions (pourquoi l’administration n’est-elle pas taxée de pénalités lorsqu’elle fait des erreurs en notre défaveur, comme nous le sommes nous mêmes si nous sommes en faute ?)….  Et pas sûr que M. Macron, inspecteur des Finances, veuille imaginer que sa parole de candidat doit s’appliquer aussi ici.

En attendant, la résistance a payé. J’ai reçu, le 16 octobre dernier, un courrier de Mme L D-F, directrice du service recouvrement de l’URSSAF du Val d’Oise, qui m’explique que, exceptionnellement, l’administration veut bien me faire grâce des pénalités.

Cela, malgré le ton condescendant qu’elle met à ce courrier, n’est au fond que justice. Seuls les faibles ne reconnaissent jamais leurs erreurs, dommage pour l’URSSAF.

Mais grâce à ce courrier je suis initié au mystère de la taxation d’office. Car il ne s’agit pas d’une roulette russe, ou d’un tirage de Qui veut payer des millions. Non, non , selon la gardienne des recouvrements du Val d’Oise, cela est régi par un texte officiel, le décret 2016-1657 du 21 novembre 2016, auquel elle me renvoie.

Ce texte, renvoyant par bribes à des versions précédentes, est totalement incompréhensible par le Français moyen, il devrait donc en principe être illégal. Mais le calcul, précisé dans le courrier et quasiment introuvable car perdu dans le texte de loi, est savoureux et Shadockien. Le montant est en effet « le plafond de la sécurité sociale (3269 €/mois, une première louche) majoré de 150 % (la second louche), multiplié par trois pour faire le trimestre ». Total 24518 €, pour un « vrai salaire » historique allant plutôt chercher dans les 7000 € avec les charges (et qui, rappelons-le, n’a jamais été payé puisque le salarié n’était plus en poste) et donc  ne doit pas subir de charges imaginaires. Cette formule est monstrueusement déséquilibrée. Le salaire, auquel elle ajoute déjà 50 %, est encore augmenté de ce plafond de la sécurité sociale, qui est plus qu’un salaire moyen de salarié en France ; on taxe donc en moyenne au moins 2,5 fois le salaire oublié, et même quand il ne l’a pas été parce qu’il était nul.

Toutefois le plus troublant est que la loi prévoit que cette formule ne s’applique que si l’URSSAF ne dispose pas de bases salariales précédentes pour faire son calcul. Sinon, c’est le salaire historique majoré de 50 % qui doit être taxé. Or, dans mon cas, l’URSSAF disposait d’une base salariale historique, sans doute zéro en toute logique. Ce qui aurait du clore l’affaire avant même qu’elle ne s’ouvre.

J’ai donc écrit à la responsable du recouvrement du Val d’Oise, pour demander justification et, le cas échant, réparation. A minima reconnaissance de l’abus. Un mois et demi plus tard, aucune réponse, si ce n’est l’ouverture d’un contrôle URSSAF sur les revenus 2016. Coïncidence, certainement, un ami bizarrologue à ses heures perdues est en train de calculer pour moi la probabilité de cette quasi simultanéité. Et j’attends toujours, avec curiosité et presque gourmandise, la réponse du Val d’Oise, et du directeur URSSAF Île de France, maintenant informé de cette trouble situation.

À ce niveau de n’importe quoi on n’est plus dans le punitif pour contravention, on semble être dans le vol organisé, habillé des couleurs du droit.

Les URSSAF tuent, par leurs erreurs, de fragiles entreprises ; les ministres semblent dormir sur ces travers indignes si simples à corriger ; les députés votent des lois et couvrent des décrets aussi invraisemblables.

Monsieur Macron pourrait-il décréter, comme il s’y était engagé, le retour du bon sens et le renversement de la charge de la preuve ? Je suis certain que nous, les milliers de victimes du harcèlement fiscal, sommes prêtes à l’aider.

Cet article a été publié une première fois en décembre 2017

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  • les URSSAF, par leurs érreurs , tuent…….oui , elles tuent , au sens propre comme au sens figuré ;

  • En conclusión vous citez un décret de 2016 qui correspond fort bien aux délires de l’incompétent de 2012+.
    Sans expert comptable compétent impossible de rentrer dans le maquis de la vulgate administrative

    • Ne vous inquiétez pas, l’incompétent de 2017+ se gardera bien d’abroger ce décret, et encouragera ses services à en pondre d’autres du même acabit.

  • Voilà pourquoi je suis passé de 4 à 1 salarié en 10 ans d’exercice libéral … et vous vous en êtes rapidement sorti
    L’ administration fraçaise détruit les emplois

  • « J’ai donc écrit à la responsable du recouvrement du Val d’Oise, pour demander justification et, le cas échant, réparation. A minima reconnaissance de l’abus. Un mois et demi plus tard, aucune réponse, si ce n’est l’ouverture d’un contrôle URSSAF sur les revenus 2016 ».
    Pour ceux qui n’auraient pas encore compris qu’il n’existe pas d’état de droit en France, vous avez décrit ce qui correspond exactement à la réaction d’une dictature…

  • Allez faire un tour sur le site http://www.claudereichman.com
    Cela vous ouvrira des horizons…

  • Le plus triste dans cette histoire banale est que tout le monde sait pertinemment qu’elle perdura pendant encore des dizaines et des dizaines d’années. Cela fait longtemps que j’ai perdu tout espoir: ce pays est foutu, car trop métastasé.

  • Vous êtes victime d’une intelligence artificielle créée sans doute par le rejeton d’une ministre en mal d’emploi.l’urssaf est bien totalement informatisé comme le prouve le courrier reçu..le poste de président directrice ou autre sont toujours des emplois fictifs,les emplois subalternes étant dévolus au carnet d’adresse du syndicat adoc, personnel en formation continue au Baléares ou en congés maladie ou maternité…..et ça coûte tout ça en sous-traitance indienne !
    Faut en rire , c’est fini tout ça , Jupiter est là 🙂

  • mais est ce que les entrepreneurs ne devraient pas prendre une assurance contre ce genre de chose?
    Les entreprises ont bel et bien exposées à un risque l’etat se comporte comme le climat parfois vous la météo se déchaîne de façon qui semble aléatoire.
    Le fait est que toute entreprise semble soumise à ce « risque »..que ce risque est létal pour l’entreprise..

  • Il n’est plus bon d’être entrepreneur ( propriétaire immobilier non plus) dans ce pays sauf à magouiller tant et plus (voir des sites sur youtube où l’on explique qu’il faut se domicilier à Malte où les revenus étrangers ne sont pas taxés ouvrir un compte à Singapour ..etc ) Vous pouvez être sûrs que ceux qui arrivent à prospérer sont de sacrés renards et à tout bien considérer …c’est tragique

  • Solution: se déclarer salarié unique d’une entreprise étrangère (la votre au UK) et ne se déclarer que le minimum de salaire pour avoir une carte de Sécu.
    Et pour les sous-traitants, passer par une boite spécialisée, qui prendra ses 15% au passage mais évite tous les ennuis.

  • Rêvons un peu….Si on avait les C……..On mettrait un contrat sur la tête de ces petits pichrocoles administratifs…

  • Il faut être malade pour créer une entreprise en France, surtout avec les voyous de l’URSSAF.

    • Non. Avec un taux réduit de 15% sur l’IS la France est un paradis fiscal pour les petites entreprises. Pour les grosses, il suffit d’avoir un bon cabinet fiscaliste.

      Le sujet ici, c’est l’organisation de la solidarité et les « charges sociales », qui sont en fait un racket organisé pour ponctionner les pauvres bougres qui meurent 5 ans après leur départ à la retraite, au profit des cadres, des bureaucrates et autres ronds-de-cuirs qui vivent au-dela de 80 ans.

  • Ma femme ayant eu une entreprise, je ne peux qu’appuyer un exemple de ce genre. Depuis peu de l’autre côté de la barrière (et pas dans l’organisme cité), je reste encore surpris par de nombreux rouages internes, qui sont incompréhensibles, gérés par des « têtes » qui à mon avis ne changeront jamais le système dont ils profitent en étant en haut de la pyramide.
    A l’inverse, combien de chauffeurs de taxis ne déclarent qu’une course par mois, ou des restaurateurs quelques menus par jour (juste 2 exemples). Voir que l’ensemble des documents est disponible en ligne, à jour, à l’instant T. Qu’il est casi possible de faire tout de son PC etc etc Derrière cela, il y a des personnes, qui sont souvent compétent, mais elles aussi engluées dans ce « mamouth »

  • L’URSS AF c’est du papier, du pognon, du stress, du temps qui nous est prit. Mais la santé quand ça déconne et que tu es prit dans ce merdier public ? Une autre maison réputée de cette république démocratique populaire collectiviste Française : 6 mois pour une demande de carte vitale et toujours rien !!! Juste peur de ce que ce pays est en train de devenir…

  • Allez, je rajoute ma couche CIPAV:

    J’ai reçu hier une enveloppe avec à l’intérieur DEUX appels de cotisation DIFFÉRENTS !
    Et le plus beau : aucun des deux n’est juste !

    C’est gens sont fous, incapables de faire une addition et même d’être d’accord avec eux-mêmes …

  • comme pour le NKVD soviétique : forcément coupable, même si c’est complètement absurde.
    Seule la violence est plus soft.

    • @breizh
      Bonsoir et bonne année,
      « Seule la violence est plus soft. »
      Plus soft parce que plus brève. Quand la violence (per)dure, c’est de la torture.

  • A l’ époque de  » l’ avoir fiscal » je m »était présenté le dernier jour de la date limite la dame m’ a déclaré que non ce n’ était pas possible c’ était trop tard ! et pourquoi avoir attendu si longtemps ? je lui ait répondu que si ! que c’ était par négligence et de regarder au verso de l’ avis , elle est partie une dizaine de minutes et finalement m’ a rendu mes sous.
    MORILLE Alain

  • Pendant ce temps, Macron déclare aux startups que l’URSSaf est leur amie. Il les prend vraiment pour des quiches. Notez, il n’a pas tout à fait tort puisqu’il a été chaleureusement applaudi et que personne n’a songé à lui balancer des tomates.

    Macron aime les startups comme nous aimons nos steaks, tendres et bien grillés, avec un peu de salade.

  • Remarquez bien qu’un système qui calcule des prélèvements d’après l’activité passée nous rappelle évidemment le RSI. Et toute personne avertie peut faire le lien avec le futur impôt à la source qui, pour les indépendants, va s’avérer du même tonneau…

  • Bonjour, je viens de tomber sur ceci :
    http://www.securite-sociale-infos.net/
    Une affaire à suivre je pense…

  • Les commentaires sont fermés.

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