Aristote pour tous : et si l’intelligence artificielle était la chance des moins qualifiés ?

Les travailleurs les moins qualifiés seront-ils les victimes de l’Intelligence artificielle ? Rien n’est moins sûr !

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Aristote pour tous : et si l’intelligence artificielle était la chance des moins qualifiés ?

Publié le 19 juin 2018
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Par Philippe Silberzahn.

J’assistais il y a quelques jours à une conférence sur l’intelligence artificielle dans le cadre du Peter Drucker Forum. Les participants à la table ronde étaient unanimes pour prédire une sorte d’apocalypse du travail, joignant en cela l’avis de la plupart des experts. En gros l’argument est le suivant : l’IA va rendre obsolète un nombre très important de métiers, avec un impact majeur à très court terme. Les participants ont ajouté que l’IA permettrait certainement d’en créer beaucoup d’autres, comme cela a été le cas lors de toutes les vagues d’automatisation (métiers à tisser, distributeurs automatiques de billets, etc.) mais avec retard, et qu’il y aurait donc un décalage entre temps. En tous cas, les travailleurs les moins qualifiés seraient, selon eux, les principales victimes de cette vague d’innovation qui tire le travail « vers le haut ».

Eh bien je n’en crois rien. Je pense au contraire que l’IA est la chance des moins qualifiés.

En 1990, Steve Jobs déclarait que l’ordinateur était une bicyclette pour l’esprit. Par cela il voulait dire que l’homme avait inventé un outil lui permettant de faire beaucoup plus qu’il ne pouvait faire naturellement, et ce de manière bien plus efficace que les oiseaux d’un point de vue énergétique. Il concluait : la principale différence entre les humains et les animaux est que les humains fabriquent des outils pour faire plus avec moins d’énergie. L’intelligence artificielle, c’est la même chose. Elle va permettre aux humains de faire plus, avec moins d’énergie.

Google translate en Russie

Il y a deux ans je suis allé faire une formation en Russie. Je monte dans un taxi réservé par le client. Je ne parle pas russe, et le chauffeur m’a vite fait comprendre qu’il ne parlait ni français, ni russe. Mais il avait mon nom, et savait où m’amener. Mais au bout de quelques minutes, il s’est mis à parler en russe. Interloqué, je me suis demandé ce qui lui prenait. Quelle n’a pas été ma surprise d’entendre quelques secondes après une charmante voix féminine m’indiquer que sur la droite se tenait tel musée construit par Pierre le Grand, sur la gauche le monument dédié aux anciens combattants de la seconde guerre mondiale, etc. En fait le chauffeur parlait dans son téléphone équipé de Google Translate.

L’application reconnaissait sa parole, la traduisait, et la ressortait en anglais. Je n’en suis toujours pas vraiment revenu. Grâce à Google Translate, ce chauffeur russe « parle » anglais. Il dispose d’une bicyclette pour son esprit qui lui permet de transporter des clients dont il ne parle pas la langue. Il peut faire plus, avec moins d’énergie, malgré son manque de qualification évidente. Sans Google Translate, il aurait dû se contenter de passagers locaux, moins rémunérateurs. En clair, son manque de qualification a été compensé par l’IA.

À tous les prophètes de la peur qui nous assènent ce qu’ils pensent être des évidences avec force courbes et slogans marquants, à savoir que l’IA déclassera les moins qualifiés, on peut donc opposer l’idée suivante selon laquelle, au contraire, comme ce chauffeur de taxi russe, elle permettra aux moins qualifiés de rester dans la course. Ils auront à tout moment leur encyclopédie sous la main, leur Aristote personnel dans la poche.

La connaissance deviendra une commodité, et ne sera plus réservée à une petite élite. Autrement dit, l’IA est profondément subversive. Car comme le disait Chris Anderson dans son ouvrage La nouvelle révolution industrielle, « Le changement révolutionnaire se produit lorsque les industries se démocratisent, lorsqu’elles sont arrachées au seul domaine des entreprises, des gouvernements et des institutions et cédées aux gens ordinaires. »

Au lieu d’être une grande soustraction, l’IA est peut-être au contraire la grande addition ultime qui va mettre fin à l’inégalité résultant de la formation.

Et si l’IA était la chance des gens ordinaires ?

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  • L’IA sera un outil de plus pour tout le monde. Je m’étonne toujours de ceux qui en ont peur. On t ils une vision si limitée de ce qu’est l’homme pour avoir à ce point peur d’être surclassé par des machines ?

    • Nous sommes deja surclasses par des machines dans des tas de domaine: on court moins vite qu une voiture, on souleve moins de poids qu une grue …

      Le Probleme n est pas là. Jusqu a present, l immense majorite de la population devait travailler pour subvenir a ses besoins (il y avait certes une minorite de rentiers, et maintenat on a rentiers+retraités mais il n empeche, pour le gros d ela population c est encore le cas)

      Si cette population ne trouve plus de travail remunéré (car un robot fait mieux pour moins cher) comment va t elle subvenir a ses besoins ?
      Et si elle n y arrive pas, que va t il se passer ? je doute que les gens acceptent de dormir dans la rue et de manger un jour sur 2 … On risque plutot d avoir emeutes, criminalité …

      • C’est fastoche, on embauche plein de fonctionnaires qui remplissent des cerfa et on taxe à mort le peu d’actifs qui restent…

        Ah, on me dit que c’est déjà le cas…

      • @ cdg
        Je vous comprends bien mais en fait, je crois que l’A.I. ou I.A. va évidemment soulager les « ouvriers peu qualifiés » qui travaillaient à la chaîne, il n’y a pas si longtemps: ils auront donc du temps en plus pour s’informer et apprendre (et même là, l’I.A. pourra les aider via le net).
        Si vous fréquentez de bons artisans, vous savez qu’eux, qui connaissent leur métier, sont, dans leur branche, plus aptes que vous à trouver les bonnes solutions, par leurs acquis professionnels mais aussi par leurs expériences vécues: qui dit que ce ne seront pas eux qui contribueront à élargir « l’expérience du programme »?

    • Je suis entièrement d’accord avec vous. L’IA s’adaptera au niveau de chacun et de chaque métier ou fonction. Tout le monde à sa propre place en sera bénéficiaire. Et le monde en tournera mieux. Et comme toujours le développement des technologies fini par apporter plus de travail, plus d’échange, plus de complexité et diversité des compétences. N’est-ce pas l’industrie automobile pour l’instant qui, la plus robotisée, emploie le plus de main d’oeuvre ?
      Alors, beaucoup de bruit pour rien ? Je le crois.

  • du coup , il n’y aura plus besoin de professeurs pour l’apprentissage des langues et les élèves n’auront plus besoin de faire fonctionner leur mémoire pour retenir les leçons puisque tout leur sera mâché et régurgiter par l’IA……

    • Oui.
      Déjà avec Gogol Maps les chauffeurs de taxi n’ont plus besoin de connaître le plan de la ville.
      Nous nous vautrons dans les délices du prémaché pour le meilleur (les béquilles intellectuelles) et pour le pire (l’anoxie mentale).
      Au moins la conception de ces aides artificiellement « intelligentes » est stimulante pour ces neoaristocrates qui sont capables d’y contribuer.

      • @ mc2
        Je crois que ce que l’article veut dire, c’est que chacun trouvera son profit dans l’I.A. pour progresser mais ce n’est pas indispensable pour démissionner et dormir!

    • Je vois bien dans quelques décénnies, des coach mentaux, comme il y a actuellement des coach sportifs pour se maintenir en forme. Et une épidémie d’anémie mentales, similaire à l’épidémie d’obésité actuelle.

      • @ Tamraf

        Ben oui, ça! L’I.A. sera un outil neutre! Vous en profitez ou d’autres décident de lui donner votre job!

  • « Il concluait : la principale différence entre les humains et les animaux est que les humains fabriquent des outils pour faire plus avec moins d’énergie. »
    Alors que les animaux fabriquent des outils (si, si) sans lesquels ils ne pourraient pas faire ce qu’ ils font.
    Finalement on est de gros fainéants ! …

  • « Grâce à Google Translate, ce chauffeur russe « parle » anglais. Il dispose d’une bicyclette pour son esprit qui lui permet de transporter des clients dont il ne parle pas la langue. Il peut faire plus, avec moins d’énergie, malgré son manque de qualification évidente. Sans Google Translate, il aurait dû se contenter de passagers locaux, moins rémunérateurs. »
    Certes. Mais avec la voiture autonome, il n’aura plus de boulot !
    Manière de dire qu’ il est vain d’aborder la question de l’IA par le nombre d’emplois créés ou détruits.
    Une invention n’a jamais été abandonnée parce qu’elle risquait de détruire des emplois. Ni promue parce qu’elle allait en créer.
    Soit elle rencontre un marché, et ca matche, que ce soit le post it dans la colle a été inventée par hasard, ou le moteur à explosion sur lequel repose notre civilisation actuelle. Soit ce n »est pas le cas. L’emploi n’a jamais fait partie de l’équation, qu’on en déplore les pertes ou se rejouisse des gains.

    • « Mais avec la voiture autonome, il n’aura plus de boulot ! » Bien sûr que si, il aura du boulot, et même plus qu’il ne peut aujourd’hui l’espérer. Son boulot consistera à posséder et gérer plusieurs voitures autonomes qui feront les courses pour son compte.

      • À bon ? Je ne savais pas que ce chauffeur était le patron d’Uber !

        • Parce que vous croyez qu’Uber possède les voitures ? Vous n’avez rien compris au film.

          • C’est vous qui possédez les voitures autonomes qu’Uber testait en Californie ? Uber veut se débarrasser des chauffeurs… suivez le film SVP !

            • Il ne fait pas de doute qu’Uber projette de se passer des chauffeurs puisque c’est le principe de la voiture autonome, mais certainement pas pour devenir propriétaire de flottes entières, vision parfaitement irréaliste du sujet. Uber devra toujours partager la valeur avec les propriétaires. C’est dans cette direction que le métier de chauffeur va évoluer, ce qui n’est pas très différent des taxis possédant plusieurs plaques qui ne conduisent pas toutes leurs voitures en même temps.

  • Les principes fondamentaux de l’économie sont simples et se résument en quelques mots. Le travail existe en quantité illimitée (donc potentiellement les richesses) mais les emplois sont rares. Pour que les emplois apparaissent, des capitaux sont nécessaires. Sans capitaux, peu ou pas d’emplois. Sans capitaux, le travail se limite à la survie personnelle, agrémentée d’un peu de troc de temps en temps. Sans capitaux, le travail le plus dur correspond à la pauvreté absolue. Plus il y a de capitaux à faible coût, plus il y a d’emplois et plus la rémunération de ces emplois augmente, sous réserve que la liberté des échanges et la propriété privée des capitaux soient garanties. Un gouvernement agissant contre la liberté des échanges et contre la propriété privée des capitaux agit contre sa population, en la condamnant à la misère.

    Si « l’ordinateur est une bicyclette pour l’esprit », alors Internet en est l’automobile et l’IA l’avion ou la fusée. Après la terre et les machines outils (sans oublier l’éducation), ordinateur, internet et IA sont les capitaux les plus efficaces, les leviers les plus puissants jamais employés pour créer d’innombrables emplois bien rémunérés.

    Il ne fait aucun doute que l’IA offrira la plus grande addition de capitaux nouveaux que l’humanité a connue. Mais il ne faut pas non plus vivre dans une anticipation exagérée. L’IA est loin d’être aujourd’hui l’intelligence que certains décrivent ou imaginent et il y a encore des marches très élevées à monter, pour ne pas dire des montagnes à grimper, sans savoir si on y parviendra un jour, du moins à l’échelle d’une vie humaine.

    • Beaucoup ont une vision de l’économie à la « Demolition Man » : Une société (Pizza Hut) qui finit par racheter toutes les autres. Mais pourquoi donc monsieur Pizza Hut s’amuserait il à produire autant si il n’y a plus personne pour échanger ?

  • L’IA va mettre fin aux inégalités de QI. A la socialiste : en ramenant progressivement tout le monde à 0, car l’intelligence, ça s’use quand on ne s’en sert pas. Lisez donc « Une chasse dangereuse », Clifford D. Simak.

  • en bref, l’intelligence artificielle et le Big Data sont deux technologies en plein essor, pleines de promesses pour les entreprises de toutes les industries. Toutefois, le véritable potentiel révolutionnaire de ces deux technologies repose probablement sur leur convergence, je vous invite de découvrir une excellent Formation de Big Data ; https://www.mindtechub.com/formation-bi-big-data.html

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