Par Nicolas Lecaussin.
Un article de l’Iref-Europe
L’affaire Cambridge Analytica-Facebook a déclenché une série de réactions critiques de la part de certains médias et aussi de politiques toujours prompts à vouloir réaffirmer leurs missions protectrices. Mais quid des utilisateurs lambda, les plus de 2 milliards de personnes dans le monde qui utilisent gratuitement cette plateforme pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou les deux à la fois ?
Dans une interview du 21 mars accordée, juste après le déclenchement du scandale Cambridge Analytica, au site Figarovox, un certain Thomas Fauré soutient, ni plus, ni moins, que les GAFA seraient une « monarchie absolue qui menace la démocratie » et que « nous devons construire une économie numérique plus solidaire, en encourageant les start-up françaises et européennes à collaborer pour faire émerger des technologies capables de concurrencer les géants américains du numérique ». Toujours selon lui, « une avancée pourrait être, par exemple, de financer par des subventions les entreprises qui choisissent de travailler ensemble ».
Il a d’ailleurs remercié personnellement Bruno Le Maire après l’annonce de l’augmentation de la taxation des GAFA et il propose des investissements massifs dans une « économie numérique souveraine ».
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Ces propos sont d’autant plus inquiétants que leur auteur n’est pas un politique, membre de la France Insoumise, mais le PDG de la société Whaller dont l’activité est la « création de réseaux sociaux, privatifs gratuitement et sans limite ». Toute ressemblance avec d’autres sociétés qui existent déjà n’est que le fruit du hasard… De toute façon, il serait utile de lui apporter quelques précisions et faire quelques rappels.
L’État français a souverainement soutenu à coups de milliards de nombreux secteurs qui semblaient porteurs d’avenir et il a échoué. Quand Bill Gates et autres travaillaient dans leur garage, les hauts fonctionnaires de notre État subventionnaient le Minitel et Bull, entre autres.
La suite leur a donné tort. Le succès a été du côté des créateurs de Facebook, Amazon et Google et si des milliards de personnes utilisent ces géants du net c’est qu’ils leur donnent satisfaction. Contrairement à ce qu’affirme la personne interviewée sur Figarovox, les GAFA ne menacent pas la démocratie, ils la soutiennent avec leurs moyens.
Ce n’est pas un hasard si Facebook est interdit en Chine et très contrôlé en Russie. Ou si, dans un petit pays comme la Roumanie (23 millions d’habitants), il existe 9.6 millions de comptes Facebook parmi lesquels des centaines de milliers ont formé une véritable société civile qui a réussi faire élire en 2014 un président libéral appartenant à la minorité allemande, alors que les grands médias étaient contrôlés par la gauche formée d’anciens apparatchiks corrompus.
Il me semble beaucoup plus dangereux qu’un État ait une emprise sur les populations (on en a vu les conséquences dans l’Histoire) ou que Bercy détienne les données de tout le monde et fasse appel à des délateurs pour les redressements fiscaux (bizarrement, cela n’a pas déclenché autant de protestations…).
Faut-il rappeler que personne n’oblige personne à ouvrir un compte et publier ses données sur un réseau ? Certains – des centaines de millions de personnes – passent leurs journées sur Facebook et publient – gratuitement – des milliers et des milliers d’informations, des photos, des articles, des livres, etc…
Taxer les GAFA, c’est tuer la concurrence fiscale et les emplois
Afin de « punir » les GAFA, la Commission européenne souhaite introduire une taxe de 3 % sur les revenus – peu importent les bénéfices – que procurent à ces grandes entreprises leurs ventes en Europe.
Taxe qui serait payée dans le pays où ont lieu les ventes – et non celui du siège. Elle serait provisoire car, comme l’a affirmé notre ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, « il ne s’agit que du début ». Elle rapporterait, selon la Commission, plus de 5 Md€ par an et rendrait justice aux entreprises traditionnelles qui subissent en Europe un taux de 23 % d’imposition sur leurs bénéfices contre 10 % en moyenne pour les GAFA.
En réalité, ces nouvelles taxes ne feraient qu’accroître la bureaucratie européenne, affaiblir la concurrence fiscale et détruire des emplois (rien que pour Apple, on estime à 2 millions le nombre d’emplois créés en Europe). Enfin, la sous-taxation des GAFA est un mythe. Selon les calculs récents du think tank European Center for International Political Economy, le taux réel auquel sont taxées ces entreprises du numérique est beaucoup plus élevé, à plus de 20 %.
Il est tout à fait normal de surveiller la concurrence dans le numérique afin qu’elle soit saine, de réprimer les dérives pédopornographiques, la violence, etc., mais on ne peut que reconnaître le succès des GAFA, innovations qui ont complètement bouleversé nos vies.
Le récent « scandale » des données utilisées pour cibler des électeurs est à coup sûr un raté, mail il est amplifié à l’envi, prétexte supplémentaire de s’en prendre aux géants du numérique (il semblerait d’ailleurs que la société Cambridge Analytica n’aurait même pas informé Facebook de ses intentions). L’ancien président Obama avait bien utilisé le profilage des électeurs sur internet, y compris durant la campagne des primaires du parti démocrate.
Les mailings courants le font aussi grâce aux données que les sociétés s’échangent (souvent de manière plus ou moins légale…). Mais, n’oublions pas, personne ne nous oblige à publier nos données sur Facebook ou ailleurs. L’État, par contre, a le droit de les détenir et même de les utiliser contre nous-mêmes.
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Ces géants étant tous américains, aucun européen parmi eux, ce qui en dit long sur le déclin et la décadence de l’Europe, ils cherchent à se venger bassement.