Taxes comportementales : l’autre talon d’Achille de la majorité présidentielle ?

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Taxes comportementales : l’autre talon d’Achille de la majorité présidentielle ?

Publié le 1 août 2024
- A +

Les élections européennes et le premier tour des législatives ont largement placé le Rassemblement national en tête des scrutins. De multiples facteurs politiques, économiques et sociologiques peuvent expliquer le raz-de-marée du camp national ; mais difficile de comprendre cette dynamique électorale sans prendre en compte le ras-le-bol fiscal.

 

C’est un point de programme du Rassemblement national largement sous-médiatisé à l’échelle nationale, et pourtant.

En proposant depuis plusieurs mois de passer la TVA de 20 % à 5,5 % sur les carburants, le Rassemblement national a ajouté un élément programmatique séduisant pour des millions de Français : les électeurs de la France périphérique dépendants de leur véhicule au quotidien, et la perspective d’une baisse de ces taxes représente pour eux une substantielle amélioration de leur pouvoir d’achat.

Cependant, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique et de l’incitation à opter pour les transports en commun, il a toujours été hors de question pour le gouvernement d’envisager la moindre réduction drastique et durable de la TVA sur le carburant. Une véritable taxe comportementale – une fiscalité punitive et incitative – qui pèse sur le porte-monnaie des Français… Et qui a certainement un peu pesé dans la défaite du camp présidentiel.

En effet, ce type de charge est d’autant plus difficile à tolérer que les initiatives de cet ordre se sont multipliées ces derniers mois.

En mars dernier, les députés avaient ainsi voté la mise en place d’une taxe fast-fashion pour imposer un malus de plusieurs euros sur chaque vêtement acheté sur certaines plateformes en ligne de prêt-à-porter.

Plus récemment encore, un rapport sénatorial proposait même d’augmenter les taxes sur le tabac, l’alcool et les sodas. Autant de taxes comportementales destinées à forcer la main du consommateur pour son plus grand bien. Toutefois, leur mise en application est souvent contre-productive ou injuste.

 

Taxe comportementale : échec sur toute la ligne

En théorie, les taxes comportementales poursuivent deux buts : décourager le consommateur d’acheter des produits jugés nocifs, et compenser auprès de la Sécurité sociale les fonds utilisés pour soigner les consommateurs dont la santé aurait pâti de leurs mauvais choix. Ainsi, un paquet de cigarettes est taxé à hauteur de 84 % (une taxation parmi les six plus élevées des pays de l’OCDE), un verre d’alcool fort sera ponctionné de 0,31 euro, et un hectolitre de boisson dont la quantité de sucre équivaut à 15 kg sera taxé de 24,78 euros.

En parallèle, fleurit également une myriade de taxes dont le but est simplement de compenser l’aspect jugé immoral du produit ; par exemple, voyager en avion, rouler en SUV ou commander des vêtements sur Shein. Désormais, nous ne comptons plus la multitude de petites taxes imposées dans notre vie quotidienne au nom des grands principes moraux du moment, typiques de la volonté croissante de l’État d’influencer les comportements de consommation sous le prétexte de bien-être public.

Il apparaît toutefois que si les intentions en termes de morale, de santé publique ou de bonne conscience écologique peuvent être compréhensibles, les résultats sont discutables. Un exemple concret : depuis les années 1960, il n’y a pas eu de baisse de la consommation de tabac en France malgré la hausse continue des taxes.

Comment expliquer ce phénomène ? Tout simplement parce qu’il s’agit d’une population de consommateurs captifs ne disposant plus de la liberté de ne plus fumer, même lorsque le paquet est trop cher pour leur bourse. Cela a deux conséquences : l’appauvrissement de cette population et le développement d’un marché parallèle pour se fournir à moindre prix.

C’est la faille classique des taxes comportementales, souvent contre-productives, inutiles ou coûteuses : elles aggravent parfois les inégalités sociales et encouragent les comportements frauduleux.

En effet, telle que la proposent les parlementaires français, la fiscalité comportementale repose sur l’hypothèse très contestable d’une élasticité des comportements face aux prix. Mécaniquement, le comportement rationnel du consommateur l’inclinerait à réduire sa consommation au prorata de l’augmentation de son prix provoquée par les taxes. Or nous savons depuis longtemps que, heureusement ou malheureusement, l’homo oeconomicus n’est pas un être de raison. Pour de multiples facteurs, tant économiques, sociaux que psychologiques, les consommateurs changent assez peu leurs habitudes. Bien souvent, les taxes pèsent lourdement sur les populations visées, souvent les plus vulnérables. A contrario, si des changements de comportement sont finalement notables, ce sont les recettes fiscales qui deviennent incertaines.

Cette moralisation de la fiscalité par l’État n’est pas sans rappeler La Fable des abeilles de Bernard Mandeville. Au début du XVIIIe siècle, le philosophe néerlandais pose avec une franche radicalité certains éléments du libéralisme économique, notamment le fait que les vices privés servent le bénéfice public.

En élaborant une anthropologie réaliste de l’individu qui veut maximiser son intérêt, il montre que l’égoïsme est non seulement impossible à supprimer, mais qu’il est également un facteur de croissance. Dans cette approche, l’État n’a pas un rôle de moralisation des individus, il doit juste guider de façon à ce que les égoïsmes mènent à la richesse collective. Si d’aucuns peuvent juger cette approche bien cynique, il n’en demeure pas moins qu’elle illustre dans une certaine mesure les réalités économiques qui sont de toute façon les nôtres, et a le mérite de remettre l’État à sa juste place, c’est-à-dire plus loin. En optant pour la fiscalité comportementale, l’État capte les richesses liées aux vices privés et les engloutit dans le vortex des dépenses publiques incontrôlées, accroissant l’appauvrissement général.

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  • Je ne suis pas tout à fait d’accord. La problématique du gouvernement est la suivante : comment augmenter les impôts ou les taxes dans un pays déjà racketté ? Hé bien la méthode choisie est la suivante : habiller la taxe ou l’impôt d’une justification qui fera, sinon accepter l’impôt, rendre l’impôt indifférent au contribuable. Alors, la mode étant à l’écologie, le gouvernement habille son impôt d’écologie. Naturellement, nos députés et gouvernement n’ont cure de cela. Ils possèdent tous dans leur famille un véhicule thermique, ne prennent jamais les transports en commun et préfèrent les notes de frais des taxis. Ils refusent l’installation d’éoliennes devant chez eux, habitent des immeubles hausmanniens qu’ils sont exonérés d’obligation d’isolation thermique au nom de l’esthétique, etc, etc.
    Mais à force de tirer sur la ficelle, les Français commencent à ne plus consentir aux impôts.
    Le prochain argument pour augmenter les impôts sera le risque de la guerre en Europe ou autre. Le gouvernement est en permanence en plein brainstorming pour trouver des justifications.
    Bien sûr, le seul argument valable mais qui ne sera jamais mis en avant, c’est notre dette ; enfin, celle de nos enfants.

    • Entièrement d’accord avec vous

    • La taxe pigouvienne s attaque aux comportements humains a travers la morale
      Vieille pratique de l église catholique revisitee par l état au fur et à mesure que la religion s affaiblissait au sein de la société
      Notre petit mouton de panurge bele…..😀😀😀😀

  • Les taxes pigouviennes sont censées amoindrir les externalités négatives. Les plus connues sont la clope et le diesel (pour citer Benjamin Grivois).
    Est-ce que ça marche ? On peut en douter.
    On fume autant qu’avant. On roule plus qu’avant.
    15 milliards d’un côté. 45 de l’autre.
    Ces taxes sont devenues too big to fail.
    A mes yeux, leur seul intérêt est qu’elles frappent les consommateurs, pas les contribuables. Leur suppression entraînerait une augmentation généralisée des impôts. Rappel : recettes de l’IR = 85 milliards.

    • C’est sûr qu’avec des gvt successifs qui ne s’occupent absolument pas de réduire leurs dépenses ou leur sphère d’influence, les taxes ne peuvent qu’augmenter, et tous les prétextes sont bons.
      Surtout avec ce gvt qui se vente de ne pas augmenter les impôts, voire même de les baisser, du coup, forcément, ce sont les taxes qui prolifèrent.

      • Vous vous ventez de baisser les dépenses étatiques en diminuant la TVA……..
        Merci beaucoup pour ce merveilleux paradoxe
        Bravo a notre redoutable économiste de salon excellente pour le Nobel 2025…..😂😂😂😂😂

        -4
        • Apprenez à réfléchir avant de commenter Doda, ça nous fera du bien à tous.
          Si l’état baissait ses dépenses, il aurait besoin de moins de recettes et pourrait donc baisser la TVA ou les impôts ou les taxes diverses. C’est pourtant simple à comprendre mais apparemment d’un niveau déjà trop haut pour votre petit cerveau.
          Mais c’est sûr que Doda-l’assisté a besoin des taxes pour continuer de percevoir ses petits chèques, et ne surtout pas avoir une once d’autonomie, pas une once de choix dans aucun de ses achats…

          • Si l état baissait ses dépenses, il pourrait diminuer les impôts et notamment ceux de production pour les entreprises
            Dites nous comment on peut restreindre les largesses étatiques O grande prêtresse de l economie ????
            Alléger la TVA revient à réaliser l inverse d une TVA sociale…….qui serait nécessaire pour faire une bascule complète des charges acquittées par les entreprises
            Le populisme ne sait que flatter l ego de nos franchouillards naïfs et égocentriques dans une fuite en avant démagogique……🤩🤩🤩🤩🤩

  • Le seul but de l’etat est de faire rentrer toujours plus d’argent dans ses caisses, pour s’octroyer toujours plus d’avantages et d’exonérations à toujours plus de copains et coquins.
    Si sa volonté était de réduire les comportements addictifs, ce ne sont pas les taxes qui augmenteraient mais l’accès à des professionnels de santé avec mise en place d’un parcours pluridisciplinaire !
    L’hypnose est reconnue pour le traitement des addictions, pour les personnes qui y sont sensibles, c’est même radical. Le suivi psychologique est indispensable. Le sport adapté avec un coach aussi selon la situation.
    Mais tout cela, pour y avoir accès, au-delà déjà de la prise de conscience et de l’acceptation qu’il faut arrêter ce comportement, faut également ne pas se trouver dans un désert médical et avoir un peu de sous à y consacrer (et ça coûte plus cher que l’achat facile du produit addictif).
    Mais c’est bien mieux de culpabiliser les gens, car en plus de faire entrer les recettes de ces multiples taxes dans ses caisses, l’Etat se couvre de bonne conscience et jubile grâce à l’approbation des Français qui ne sont pas tombés dans une addiction.
    Tout bénéf !
    Menu Marie Blachère le midi dans ma région touristique :
    bon gros sandwich + pâtisserie : 7,95 €
    salade + dessert (“sain”) : 9,95 €
    Et c’est comme ça partout !
    Alors baisser la TVA sur les produits de 1ère nécessité, et au-delà, oui, puisque ça donnera à chacun un peu d’air pour acheter ce qu’il veut (sauf que cette baisse sera immédiatement compensée par des hausses ailleurs, puisque l’état ne baissera pas sa propre gourmandise de piécettes, c’est son addiction…)
    Bref, tant que le discours moralisateur trouvera tout plein de frustrés se donnant bonne conscience facilement, on ne pourra pas se sortir des “taxes comportementales”, au contraire…

    • Donc baissons la tva et ticpe sur l essence ainsi que sur le produits de première nécessité ce qui revient à une baisse des recettes de 20 à 30 milliards sur les 140 au total
      Donc nous allons creuser un peu plus notre déficit annuel qui va dépasser les 200 milliards
      Ah nos conservateurs réactionnaires ont les mêmes trouvailles que leurs petits copains du NFP a base d argent magique
      C est bien la peine d entonner l hymne a la saine gestion pour se vautrer dans plus de dettes
      Les tartuffes se ramassent à la pelle chez les frustrés souverainistes pleins de rancœurs et de ressentiments…….😁😁😁😁😁

      -2
      • Purée Doda, vous réfléchissez des fois ? Expliquez-moi pourquoi baisse des recettes = hausse du déficit et non pas baisse des dépenses ?
        D’abord, reformulez cette question autrement, qu’on soit sûrs que vous l’ayez comprise…
        C’est sûr que les gens comme vous, qui attendez les petits chèques de l’état, et vivez de l’état, vous avez du mal à comprendre que quand les rentrées baissent, ben faut baisser les dépenses… c’est ce que font les ménages sains, et les entreprises aussi, au passage…. Ça vous épate, hein ?!

        • Vous ne faites que ressasser en boucle vos aigreurs et vos frustrations
          Baissons de 30% les pensions de retraites les remboursements santé les indemnités chomages et toutes les aides sociales….
          Ouh la la encore une gauloise forte en paroles mais molle du genou pour passer a l action…..😆😆😆😆

  • Au Québec, nous avons des problèmes similaires. La baisse des revenus pétroliers va assez rapidement amener à taxer le kWh électrique pour que son prix vienne combler le manque à gagner de l’état notamment pour l’entretien des routes (Prix de l’électricité multiplié par 3,5.) C’était là le seul avantage des autos électriques sur celles à pétrole, certains vont crier, j’en suis sûr.
    Nous avons aussi de très lourdes taxes sur le tabac, mais notre taux de tabagisme a diminué de 40 à 15% depuis 1980. Outre que l’État paie les 3/4 des médicaments pour le tabagisme (les particuliers ne paient plus qu’environ 6 euros / semaine de leur poche), il y a eu une forte pression sociale. Il n’est plus possible de fumer que dans la rue. De plus, les fumeurs se retrouvent presque bannis de la société, incluant lorsqu’ils cherchent un (e) conjoint(e). Assez peu de non fumeurs vont aller vers les fumeurs s’ils cherchent en ce sens. Par contre, l’argent des taxes qui devait servir à soigner les fumeurs a disparu dans d’autres buts. Des coalitions et mes gouvernements ont obtenu voici des années des compensations suffisamment élevées pour mettre en faillite les compagnies de tabac si elles était réclamées. Les gouvernements ne les réclament pas parce qu’ils touchent plus en taxes que ce que cela leur coûte en soin de santé malgré tout.
    Pour le reste, c’est un peu le même genre. La seule parade que je connaisse est de vérifier rétroactivement que les taxes et les lois ont bien l’effet escompté et de signaler aux journaux ou aux députés ce qui ne fonctionne pas. Chez moi, cela peut fonctionner raisonnablement bien si ce n’est pas fait de manière futile. En espérant qu’à terme, si suffisamment de citoyens s’y mettent, les élus sentirons la pression et éviteront les lois sans avantage réel pour les citoyens.

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