Législatives partielles : retour au clivage droite-gauche ?

Législatives partielles : les votes de dimanche dernier renvoient une image complètement nouvelle de la majorité et de son opposition.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
castaner by Parti socialiste licence créative commons (CC BY-NC-ND 2.0)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Législatives partielles : retour au clivage droite-gauche ?

Publié le 2 février 2018
- A +

Par Nathalie MP.

Ce matin, trois ans de billets ou presque ! Mon premier billet, daté du 3 février 2015, traitait d’une élection législative partielle – dans le Doubs, pour remplacer Moscovici. Vous reconnaîtrez que le sujet était d’importance ! Trois ans plus tard, pour fêter cet anniversaire, je me fais comme un petit clin d’oeil à moi-même en tournant mon regard vers les deux élections législatives partielles qui ont eu lieu dimanche 28 janvier dernier et dont le second tour se déroulera dimanche 4 février prochain. Malgré l’abstention écrasante qui les caractérise, que nous disent-elles de notre vie politique ? 

Je raille la trivialité des scrutins en question mais du temps de Hollande Président, le Parti socialiste ne jouissait pas d’une majorité législative très large à l’Assemblée. De plus, son alliance avec les écologistes fut houleuse, transformant chaque élection partielle en un risque supplémentaire de voir sa majorité fondre jusqu’à lui échapper.

L’affaire européenne de Pierre Moscovici

La nomination du député et ancien ministre de l’Économie Pierre Moscovici à la Commission européenne fut un excellente affaire pour Pierre Moscovici lui-même, mais un échec du PS dans l’élection partielle du Doubs évoquée ci-dessus aurait fait perdre au groupe PS la majorité absolue, le mettant à la merci de ses partenaires politiques. Il n’en fut rien d’un cheveu, mais on voit que l’enjeu politique était de taille.

D’autant plus de taille que le candidat du PS avait contre lui au second tour la candidate FN Sophie Montel arrivée en tête au premier. C’était l’époque où l’on voyait bien Marine Le Pen gagner la présidentielle de 2017 et où chaque élection partielle ou intermédiaire semblait lui ouvrir un peu plus la voie.

Comme toujours en ces circonstances, un Front républicain (dont l’opportunité fut âprement débattue au sein de la droite) s’était donc formé afin de faire barrage au FN. L’abstention, qui était de 60 % au premier tour, est tombée à 50 % au second, signe de l’importance politique de cette élection.

La majorité présidentielle en position de force

Rien de tel aujourd’hui. Le parti du Président La République en Marche (LREM) dispose de 308 députés à lui tout seul pour une majorité absolue située à 289. Il peut de plus compter sur le soutien du Modem fort de 42 députés.

Quoi qu’il arrive dans les deux premières circonscriptions du Val d’Oise ou du Territoire de Belfort dimanche prochain, non seulement la majorité présidentielle est très loin d’être en péril, mais le FN, perdant de la Présidentielle, incertain sur sa ligne politique et divisé en conséquence, n’est plus en mesure de bousculer quoi que ce soit.

La colossale abstention qui a dominé les deux votes de dimanche dernier – 70 % à Belfort et 80 % dans le Val d’Oise – trouve certainement là une part d’explication : la certitude, peut-être même la résignation que rien ne va changer.

Le progrès de l’abstention

Le tableau ci-dessous donne les résultats1 du premier tour comparés aux scores obtenus lors des législatives de 2017 en France entière et dans les deux circonscriptions qui revotent actuellement suite à l’invalidation des scrutins de juin 2017 :

Législatives 1er Tour France  1ère Circo  Belfort 1ère Circo  Val d’Oise
2017 2017 2018 2017 2018
Abstention   51,3 % 50,3 % 70,5 % 60,4 % 79,7 %
LREM / Modem 32,3 % 31,8 % 26,7 % 35,9 % 29,3 %
Les Républicains 15,8 % 23,7 % 39,0 % 17,7 % 23,7 %
Front national 13,2 % 17,5 % 7,5 % 15,3 % 10,1 %
France insoumise 11,0 % 12,2 % 11,6 % 10,1 % 11,5 %
Parti socialiste 7,4 % 9,1 % 2,6 % 5,5 % 6,9 %
EELV 4,3 % 4,5 % 3,9 % 6,2 %
Debout la France 1,2 % 3,8 % 4,3 %
Patriotes (Philippot) 2,0 % 1,2 %

Si les électeurs se sont peu déplacés, on observe cependant que les partis politiques arrivés en tête, c’est-à-dire Les Républicains pour l’opposition et LREM/Modem pour la majorité présidentielle, sont loin de prendre ces deux élections ponctuelles et peu mobilisatrices à la légère. Quatre législatives partielles doivent suivre ce printemps avant le test grandeur nature des Européennes de 2019. Il importe de s’imposer.

Les ténors s’investissent dans la campagne

Ce sont donc les ténors, pas moins, qui s’investissent dans la campagne : le Premier ministre Édouard Philippe et le secrétaire générale de LREM Christophe Castaner d’un côté, le nouveau patron des Républicains Laurent Wauquiez et la présidente LR de la région Ile-de-France Valérie Pécresse (réconciliés pour l’occasion) de l’autre.

On les comprend. Emmanuel Macron vient d’être élu, tout fonctionnait à peu près bien pour lui jusqu’à présent, les ordonnances Travail sont passées sans trop de contestation dans la rue, la presse mainstream est acquise au Président.

Mais quelques nuages arrivés à l’improviste dans un ciel décrété serein et printanier (prisons, Ehpad, Corse, révocation du patron de Radio France…) commencent à faire désordre. Or les deux résultats électoraux dont on dispose depuis la série électorale de 2017 montre que l’étoile scintillante du Président perd de son lustre. À Belfort comme dans le Val d’Oise, ce sont environ 6 points qui manquent à la majorité présidentielle par rapport à juin 2017.

Une recomposition politique notable

En face, Laurent Wauquiez aussi vient d’être élu. À la tête des Républicains seulement, mais l’idée est bien de placer la tête des Républicains à la tête de la France en 2022. Jusqu’à présent, Jean-Luc Mélenchon occupait à peu près tout le terrain sonore de l’opposition à Macron.

Mais les votes de dimanche dernier renvoient une image complètement nouvelle de la majorité et de son opposition. La France insoumise (FI) reste aux 11 % obtenus lors des législatives de 2017 mais se trouve néanmoins largement éclipsée par LR qui fait des bonds de géant dans les deux circonscriptions.

Quant à l’opposition d’extrême-droite, celle qui aurait pu s’installer naturellement dans le paysage compte-tenu de la présence de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle avec un score largement au-delà de son score de premier tour, elle a été rabotée d’importance.

La sécession menée par Florian Philippot avec son nouveau parti Les Patriotes2 a joué de 1 à 2 points, mais plus globalement, après son débat calamiteux avec Macron dans l’entre-deux tours de la Présidentielle, Marine Le Pen inspire moins confiance à son électorat qui s’est réfugié soit dans l’abstention soit chez Laurent Wauquiez, ce dernier ayant parfaitement perçu et récupéré le désarroi frontiste.

Le Parti socialiste mal en point

Reste le cas pitoyable du Parti socialiste. Très mal en point (6,4 % à la Présidentielle, et encore, avec les écologistes), très morcelé (pas moins de 4 candidats en lice pour prendre la tête du parti après la défection de NVB), pratiquement voué à l’éclatement final si l’aile gauche d’Emmanuel Maurel l’emportait, il est devenu un petit parti « divers gauche » tellement anecdotique et déboussolé qu’il n’a même plus la force d’appeler à faire barrage à la droite. La collusion d’antan connue sous le nom d’UMPS chère à Marine Le Pen est devenue en quelque sorte la collusion LR/EM, dénoncée aussi bien par le PS que par le FN.

On verra si tout ceci se confirme dans les urnes des prochaines échéances électorales. De nombreuses circonstances conjoncturelles peuvent changer les choses dans des proportions importantes en faveur de LREM ; notamment le fait qu’une reprise de la croissance mondiale se profile à l’horizon et qu’elle ne manquera pas, si elle se confirme, d’entraîner aussi la France, aussi « obèse » et mal dégrossie soit-elle dans son secteur public, vers une amélioration mécanique de tous ses indicateurs économiques.

Un nouveau système bipartite

Mais aujourd’hui, malgré le poids de l’abstention, je vois se dessiner une France revenue à un système politique bipartite entre la gauche et la droite (LREM/Modem et LR), complété de chaque côté par des partis secondaires mais significatifs (FI et FN) et assorti à la marge de nuances amusantes ou décoratives telles que PS, EELV, PC, Patriotes, Debout la France,  et autres extrêmes et divers.

Dans ce système, la gauche LREM est clairement social-démocrate à tendance sociétale, ce qui explique l’espace important retrouvé par l’extrême-gauche (contrairement à l’époque où le PS avait complètement phagocyté le PC) et la droite LR est conforme à la droite française telle qu’on la connaît depuis De Gaulle – un mélange de souci de gestion et d’efficacité combiné à l’interventionnisme étatique et à la préservation de notre modèle social sans tendance sociétale.

Comme d’habitude, la dimension libérale est absente des deux côtés, et je me retrouve à dire aujourd’hui ce que je disais dès mon second article du 4 février 2015. Il suffit de changer PS en LREM, tout le reste est invraisemblablement d’actualité :

Face aux politiques de dépenses publiques menées depuis 40 ans sans aucun succès, il devient urgent :
1) de s’opposer pour de vrai à la politique désastreuse du PS (chômage : 3,5 millions en cat. A, effacement de la responsabilité individuelle, interdictions toujours plus nombreuses).
2) de proposer une politique alternative d’essence profondément libérale (signifie entre autre recul de l’État dans la vie des citoyens).

La triste conclusion du jour, c’est que d’une élection partielle à l’autre, du début de mes contributions sur internet à aujourd’hui, trois ans ont passé et rien n’a vraiment changé.

Sur le web

  1.  Le total des voix exprimées ne fait pas 100 % car je me suis cantonnée aux candidats avec enjeu. Il resterait à rajouter le PC, l’UDI, plusieurs divers et des partis écologistes hors EELV.
  2.  Pour ajouter aux coïncidences, l’un des protagonistes de l’élection partielle du Doubs, la député européenne Sophie Montel, ex-FN ralliée maintenant aux Patriotes de Florian Philippot, était encore dans le coup cette année. Était, car elle a été sèchement éliminée dès le premier tour à Belfort.
Voir les commentaires (6)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (6)
  • a mon humble avis les électeurs doivent sanctionner ce gouvernement..c’est notre seul defense. ..rien n’est acquis. ..

    • La réalité se chargera toute seule de sanctionner le gouvernement. Les électeurs feraient mieux de se préoccuper de sanctionner d’avance ceux et celles qui guignent la place sans la moindre chance de faire moins mal…

  • Faut pas rêver ,il n’y a pas d’opposition en France même en façade comme hier ,LRM est devenu un parti fourre tout et unique . Il serait très douteux que les Français paricipent aux elections de manière autre qu’anecdotique.

  • Deux remarques: Marine n’avait AUCUNE chance de gagner la présidentielle, et le chômage ne baissera pas significativement en France, même si la conjoncture économique s’améliore à l’étranger.

  • Difficile de tirer de grandes conclusions de ces petites élections. La dernière élection a montré qu’il existe 4 grands blocs dans ce pays : LREM – LR – LFI – FN.
    Comme toujours, l’usure du pouvoir aura vraisemblablement un impact négatif sur LREM au profit de l’autre parti de gouvernement LR. Quant aux deux autres grandes forces politiques, tout dépendra du contexte, à l’approche des futures élections.

  • – Dans votre analyse des partis vous occultez l’antagonisme entre tendances +/- souverainistes ou europhiles, qui traversent tous ces partis jumeaux évoqués ici et les étiquette politiques D/G sont devenues secondaires. La politique Bruxelloise domine tous nos Gouvernements ( par ses Traités & ses GOPEs ) qui se sont succédés ou sont actuellement au Pouvoir.. et font naître 1 antagonisme bien ressenti dans la population pour l’Agriculture, la politique monétaire, les migrants, le travail détaché,etc.. Waulquiez qui a bien su capter cela rebondit mais Macron qui parle de gouvernance UE baisse et le PS est sur la touche… l’UPR pro-frexit ,ostracisé des médias, engrange des sympathisants (=29822 ) alors que d’autres partis centriste ou verts n’osent publier les leurs.. Tout est faussé par les médias. En Tchéquie dimanche, le Pdt de la République Zeman souverainiste a été réélu et sa majorité parlementaire, ANO de même tendance, a la majorité depuis Octobre 2017.. ce qui devrait faire réfléchir nos dirigeants UE qui s’en fichent !

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
7
Sauvegarder cet article

Notre nouveau et brillant Premier ministre se trouve propulsé à la tête d’un gouvernement chargé de gérer un pays qui s’est habitué à vivre au-dessus de ses moyens. Depuis une quarantaine d’années notre économie est à la peine et elle ne produit pas suffisamment de richesses pour satisfaire les besoins de la population : le pays, en conséquence, vit à crédit. Aussi, notre dette extérieure ne cesse-t-elle de croître et elle atteint maintenant un niveau qui inquiète les agences de notation. La tâche de notre Premier ministre est donc loin d’êtr... Poursuivre la lecture

Le fait pour un gouvernement de solliciter et d’obtenir la confiance de l'Assemblée contribue à la prévisibilité, la stabilité et la sincérité de l’action publique, et cela devrait être reconnu comme indispensable.

Le 30 janvier dernier, Gabriel Attal a prononcé son discours de politique générale, sans solliciter la confiance de l’Assemblée, avant qu’une motion de censure soit soumise, puis rejetée le 5 février. Le gouvernement Attal, comme le gouvernement Borne avant lui, a donc le droit d’exister, mais sans soutien de la chambre.

... Poursuivre la lecture
8
Sauvegarder cet article
« Je déteste tous les Français »

Le 3 février dernier, un immigré malien de 32 ans, Sagou Gouno Kassogue, a attaqué au couteau et blessé grièvement des passagers de la Gare de Lyon. Finalement maîtrisé par l’action conjuguée des passants, des agents de sécurité et des membres de la police ferroviaire, l’homme en garde à vue a été mis en examen pour tentative d’assassinat aggravée et violence avec armes aggravée.

Les premiers éléments de l’enquête dévoilés par le préfet de police de Paris révèlent les discours conspirationnistes d’un in... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles