Libérer et protéger, est-ce libéral ?

Emmanuel Macron a inventé un nouveau slogan : libérer et protéger. Cette théorisation illustre la double préoccupation classique de la flexi-sécurité : moins de réglementation, plus de protection. Cette pensée relève-t-elle vraiment du libéralisme ?

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Libérer et protéger, est-ce libéral ?

Publié le 18 octobre 2017
- A +

Par Éric Verhaeghe.

Emmanuel Macron a répété à l’envi, durant son interview sur TF1, qu’il voulait « libérer » et « protéger ». L’expression fera sans doute date car elle concentre assez bien la philosophie politique qui émerge au fil des années, et dont le président Macron n’a certainement pas le monopole.

L’éloge de la flexi-sécurité

Dans « libérer » et « protéger », chacun entend évidemment l’allusion à la flexi-sécurité, leitmotiv qui domine les politiques du travail depuis une vingtaine d’années, avec leur sempiternelle référence aux expériences danoises. Le contour de ce projet est trop connu pour qu’on y revienne en détail : moins de réglementation dans le cadre du contrat de travail, mais plus de protection tout au long de la carrière.

Toute la question est de savoir si légitimement ce gimmick de politique de l’emploi peut devenir l’expression d’une vision politique d’ensemble, et si oui, à quelle philosophie se rattache-t-il ?

Une résurgence du « en même temps »

Et dans ce « libérer, protéger », il y a bien une expression paradoxale, bien connue dans le répétitif « en même temps » d’Emmanuel Macron.

D’un côté, on parle « liberté » comme par référence au modèle libéral. Et de celui-ci, on connaît les références sémantiques dont la « start-up Nation » d’Emmanuel Macron raffole. Entre « libérer les énergies » et « libérer l’innovation », les formules ne manquent pas pour suggérer que le sens de la politique réside bien dans une plus grande initiative laissée aux acteurs individuels de l’économie.

Les vieux briscards prennent évidemment garde à ne pas confondre la foi et les actes : combien de va-t’en-guerre du libéralisme politique et économique auto-proclamés n’ont-ils pas multiplié les couches toxiques de réglementation pour mieux libérer les énergies ?

Il suffit de lire le projet de loi de finances concocté par l’ineffable Bruno Le Maire pour comprendre que la « libération » appelle tôt ou tard des dizaines de pages de réglementation obscure. Mais supposons…

Tout est dans le « protéger » prononcé en même temps que le « libérer ». On retrouve ici la préoccupation du care. Il faut être bienveillant, multiplier les dispositifs qui limitent le risque.

On connaît d’ores et déjà la traduction macronienne de cette préoccupation, qui est d’ailleurs inévitable : sa loi sur le terrorisme inscrit « dans le dur » des principes liberticides comme les perquisitions administratives. Ses projets en matière de chômage consistent à étatiser ce qui ne l’est pas encore.

Ce dernier exemple met le doigt sur le sujet de fond : il existe en France une synonymie illusoire entre « protéger » et « étatiser », puisque, dans notre doctrine, l’État est le meilleur protecteur des citoyens.

En même temps, donc, il s’agit de libérer et d’étatiser. On retrouve ici les convictions jeunes-turcs de la garde macronienne.

L’erreur de Macron quand il parle de « protéger »

Dans l’esprit d’Emmanuel Macron, la protection est assurée par la loi et par l’État, face aux risques « privés », notamment économiques. Le Président ne sort pas ici du credo basique, pour ainsi dire instinctif, de l’énarque moyen.

Et c’est probablement ici le point faible essentiel de la vision macronienne, disons même la raison pour laquelle Macron, contrairement à ce qu’il croit, est un homme de l’ancien monde et non du nouveau. Dans son esprit, la protection est une fonction régalienne monopolistique qui oblige à légiférer en même temps qu’on déréglemente.

Si Macron voulait être du monde du nouveau, il entendrait que le risque et sa « couverture » sont bien mieux assurés, dans la plupart des cas, par un contrat privé que par une réglementation publique. Il ne viendrait par exemple à l’esprit de personne de penser qu’une assurance automobile doive céder la place à un système réglementé avec des indemnisations décidées par l’État. Pour une raison simple : l’État réglemente, les assureurs couvrent le risque.

Lorsque le Président fait passer la fonction protectrice du côté de l’État, c’est pourtant ce qu’il affirme. Sur le fond, on n’y verra pas autre chose que le énième avatar d’un monde où la technostructure ne manque aucune occasion pour étendre son champ d’intervention.

Macron l’illibéral

Dans tous les cas, donc, on se gardera de l’idée selon laquelle Emmanuel Macron serait libéral. Du libéralisme, il a conservé une fraction du vocabulaire. Mais de la technostructure étatiste, il a conservé le reste : le discours intrusif, et cette aspiration au Big Mother qui étrangle les forces vives de ce pays.

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  • Bien d’accord avec vous, comme d’habitude. !

    • Quelle misère intellectuelle vous voulez dire. Vous remplacez état par immigration, et vous avez la rhétorique du fn, en tout cas ça vole pas plus haut.

  • Article coupé des réalités concrètes. Le libéralisme en action n’est pas le libéralisme doctrinal. Il faut prendre la société au stade historique où elle se trouve et la faire évoluer sans conflit majeur.
    M. Verhaeghe au pouvoir s’inspirerait sans doute des économistes classiques du XIXe siècle et provoquerait une nouvelle révolution française. Les français sont des étatistes par très ancienne tradition historique. La politique consiste d’abord et avant tout à trouver des compromis acceptables.
    Les libéraux doctrinaires sont aussi peu crédibles que les étatistes doctrinaires type Mélenchon.

    • @ Arnolphe
      Vous avez les idées claires et distinguez théorie et pratique. On peut concevoir l’état comme l’ennemi des libéraux ou constater que « l’état c’est vous » et que vous n’êtes pas tous libéraux!
      Et E.Macron, qui ne se dit pas « libéral », ne part pas d’une page blanche, mais d’un fatras législatif à réformer sans pouvoir le rayer d’un trait de plume!
      « Qui veut faire l’ange …! »

    • Trouver des compromis acceptables? 100% de dettes (officiellement), 58% d’équivalent PIB en dépenses publiques. Prélèvements obligatoires confiscatoires sur le travail (au moins 60%) et les investissements. Désagrégation accélérée du tissu industriel et sociétal. La nouvelle révolution française doit commencer par notre révolte, Sire.

    • « Les Français sont des étatistes »
      Ce sont toujours ceux que ça arrange qui prennent cette hypothèse, et on ne donne presque jamais le choix aux Français. Pourtant par exemple, la moindre dénonciation d’un rapport gouvernemental par une ONG reçoit immédiatement un soutien considérable. Les Français ne sont pas spécialement différents des autres peuples, ils sont en revanche la proie d’un grand nombre de politiciens, syndicalistes, journalistes, voire sondeurs aux questions habilement biaisées, qui prétendent savoir mieux qu’eux ce qui est bon pour eux.

      • Là Michel je ne peux pas vous suivre. La question éternelle dans notre pays reste « que fait l’Etat » (sous entendu, « pour moi »). Même les patrons sont comme cela pour beaucoup d’entre eux…

        • Je crois que c’est plus subtil, la question principale serait plutôt  » que fait l’Etat pour réprimer les abus et les injustices dont je suis beaucoup plus victime que mon voisin « . L’Etat se défausse ensuite du problème en accordant à chaque râleur « défavorisé » les faveurs dont bénéficient les autres. Mais pour autant que mon entourage soit représentatif, si on leur dit « si votre voisin a obtenu ses avantages par copinage, on va les lui retirer, mais s’il les a obtenus par ses efforts et que vous faites les mêmes efforts, vous en aurez a priori autant et on vous les laissera », il n’y a pas de problème. Personne ne jalouse les millions des joueurs de foot, parce qu’il est évident que si on était aussi doué, on aurait les mêmes, et que sinon, tous les coups de piston du monde n’y feraient rien.
          Mais que fait l’Etat pour rétablir l’égalité des chances face aux pistonnés ? 🙂

      • @ MichelO
        N’oubliez pas de mentionner votre « fonctionnariat » pléthorique et exigeant comme particulièrement gâté: il participe bien au « pouvoir » et ne sont, en pas grand chose, des citoyens comme les autres! C’est une part importante de l’obésité étatique française, bien sûr aux frais des « productifs »!

        • Certains bossent. D’autres en profitent…

          • @ MichelC
            C’est exact et je dois nuancer: il y a des fonctionnaires qui bossent et qui, malgré les difficultés dont le temps perdu à soumettre et faire avancer une idée efficace, donc précieuse, jusqu’à une décision officielle! J’ai très bien connu l’un d’eux, intègre, sans même savoir, à cause de sa discrétion, qu’il était autant apprécié dans son milieu à cause de ses connaissances et de son travail: je ne l’ai découvert qu’après son décès grâce à ses collaborateurs! Une révélation, même si il avait de vraies relations humaines avec les acteurs du secteur dont il s’occupait, ce dont je fus témoin.

    • Bien d’accord, les libéraux doctrinaires, de parfaits idéalistes/utopistes me font assez penser, dans un autre genre de beauté, à l’idéal communiste, ou à l’idéal religieux. Une belle et noble idée, mais dont la voie pour parvenir à sa concrétisation, est pavée d’embûches si gigantesques que son horizon est à jamais inaccessible !
      Plus que l’homme qui n’a pas d’idées, je crains celui qui n’en a qu’une (P. Valéry).

      • @ Jerémy Lapurée
        Joli texte que j’avais simple adage: qui veut faire l’ange (idéal) fait la bête (autrement plus faible et faillible dans le monde réel)!

      • Un peu de connaissances vous rappellerait que le libéralisme est une philosophie, c’est à dire une pensée fondée sur l’observation du monde et d’abord du Droit, se fondant sur les apports de la liberté, remontant pour les prémisses à des gens comme Abélard (11-12ème siècle), décliné ensuite en économie et dans d’autres domaines. Les observations ont été confirmées ou infirmées, orientant le chemin qu’a pu prendre cette philosophie et ses très riches et nombreuses déclinaisons, permettant de poser aux 17-18èmes siècles les bases du progrès économique et social que nous avons connu. Le communisme est une idéologie, basée sur des observations qui ont été contredites, des actions qui se sont révélées à quasiment tous les coups des échecs (d’accord avec vous pour son côté religieux et millénariste). Ce sont cependant eux qui ont calculé le temps nécessaire pour organiser une année de la vie soviétique de L’URSS soit 38000 ans (effectivement gigantesque, bon d’accord, ils n’avaient pas d’ordinateur à ce moment là). Le Libéralisme étant beaucoup plus modeste et se basant principalement au niveau de l’individu, de sa liberté, de sa responsabilité, du respect de l’autre,… laisse penser que chacun peut s’organiser à son propre niveau, seul ou en s’associant à d’autres. L’expérience de chacun semble montrer que ce n’est pas insurmontable et relativement efficace.
        Si vous pensez que l’Etat ou un fonctionnaire est mieux à même de faire les choix de votre vie, libre à vous…

    • Les Français sont des étatistes comme les Kurdes sont des Turcs.

    • À votre avis pourquoi la plupart de français travaillant au Luxembourg ne veulent pas retourner en France ❓

  • nous somme bien d’accord Macon est de l’ancien monde mais je lui dis bon courage .. donnons lui une chance et souhaitons lui de réussir ses réformes pour relancer l’économie. mais je crains la montée de Mé lenchon. qui rendra la France encore plus fragile

    • @ Marie
      Avez-vous le choix? E.Macron est là pour 5 ans et les réformes ne peuvent plus attendre 5 ans! Donc, c’est avec lui ou pas du tout! Est-il indispensable d’organiser un « bashing » et de lui reprocher tout ce qui n’est pas 100% libéral théorique, comme conçu sur CP ou vaut-il mieux pousser la charrette quand elle va dans le bon sens: il y aura des compromis à faire, mais en ne cédant rien, on n’obtient rien! C’est un (bête) choix!

      Et en exigeant tout, on met la France en grève et dans la rue, c’est un autre (bête) choix!

      Toute l’Union Européenne (qui) fonctionne, ensemble ou nationalement, pratique maintenant l’art du « compromis » par dialogue autour d’une table (« social » dans les entreprises, « politiques » dans les coalitions) et cosigné par les interlocuteurs.

      Ce fut le cas pour les « critères de Maastricht », auxquels la France a renié sa signature: tant pis pour elle! Le reste de l’Union Européenne n’est pas là pour payer ses caprices, ses lâchetés ou ses dettes (comme les idées « lumineuses » d’E.Macron en prenait le chemin en « étatisant » l’U.E. Le piège était un peu trop gros!

  • M. Macron nous fait le coup classique du « enrichissez-vous, comme cela je pourrais vous faire les poches pour entretenir mes copains mafieux énarques et soudoyer mon électorat pour assurer la pérennité de ma clique ». L’ennui pour lui c’est que cela ne va probablement pas (en)marcher cette fois-ci car les productifs capables de faire croître les richesses sont souvent parmi les moins idiots de nos concitoyens, et qu’on leur a déjà faite, celle là. Les autres français, majoritaires, ayant sombré dans les bas fonds de la bêtise et de l’inculture, la prochaine étape pour notre cher vieux pays sera M. Mélenchon et son Grand Soir anticapitaliste (attachez vos ceintures, il va y avoir du sport, ce sera 1981 en plus fort). L’étape d’après sera d’origine démographique et son programme déjà décrit dans Soumission. Je conseille vivement à tous les hommes jeunes d’aller voir ailleurs et épouser des HongKongaises ou des Australiennes, par exemple…

  • Franchement, ça change quoi, que l’assurance automobile soit un contrat privé, puisqu’elle est obligatoire, comme l’est la sécurité sociale ?

    • Il faut vraiment vous expliquer? Vous ne pourriez vraiment pas faire un petit effort?

    • @ Jerémy Lapurée
      Contrairement à Virgin, je vous explique! L’état (les élus) font des lois et des règles: O.K.
      Le privé est plus apte que l’état à réaliser des ponts, organiser des transports publics, assurer les citoyens …et l’expérience montre que ça coûte souvent moins cher et que c’est mieux géré (simplement, déjà, parce qu’il faut moins de fonctionnaires). Les missions sont offertes au « marché » par des « appels d’offre », le « cahier des charges » étant rédigé par l’état.

      Espérant un marché libre (hors de tout cartel de complices privés pour une répartition des affaires: ce qui est punissable mais rarement « connu »!), le marché est confié à une société ou à un consortium.

      Il n’est donc pas bon que l’état s’implique trop (financièrement) dans des sociétés privées (EDF, par exemple) car elle participera à « remettre au pot » (souvent) et à y gagner (parfois), suivant la gestion « privée » (faut le dire vite!).

    • Le pire c’est que la purée ne rigole pas et ne voit vraiment pas la différence.

    • Les assurances autos nous donnent de plus en plus de services et leur prix est globalement décroissants au fil du temps, effet de concurrence (ce que je constate pour mes primes en tout cas !). La sécu sociale c’est l’inverse.

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