Le management bienveillant, de Rodet et Desjacques

Grâce au « management bienveillant », la trop célèbre réflexion des cabinets conseil ou des grandes firmes « l’humain au cœur de l’entreprise » prend tout son sens jusqu’à sa mise en œuvre.

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Le management bienveillant, de Rodet et Desjacques

Publié le 17 octobre 2017
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Par Virginie Joly1.

Il y a quelques mois, un changement de contexte professionnel faisait que je débutais des études sur le management. J’étais alors particulièrement intéressée par le concept d’entreprise libérée.

Cependant mes connaissances étaient limitées et je voguais d’article en article pour en connaître davantage sur le sujet. Je compris alors rapidement que quand était évoquée l’entreprise agile, la notion de bien être professionnel était adjacente.

Me trouvant devant un rayonnage impressionnant de livres sur le sujet chez mon libraire, l’ouvrage de Philippe Rodet et Yves Desjacques a immédiatement attiré mon attention. Le terme « bienveillant » y figure directement dans le titre et le résumé inscrit sur la quatrième de couverture débute ainsi « Le management ne peut être autre que bienveillant ».

Entreprise agile et bien-être au travail

Je commençais à me dire que la question du management méritait une réflexion poussée et à être sceptique sur le lien entre entreprise agile et bien-être au travail.

Le management et ses pratiques sont en vogue depuis une décennie. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène :

– Les indicateurs du mal être au travail enregistrent malheureusement des résultats de plus en plus mauvais : 60% des français se disent stressés, seuls 48% d’entre eux sont motivés par leurs tâches professionnelles.

– Les suicides, les différentes formes de harcèlement et le burn out sont devenus des risques majeurs et des plans pour gérer ces risques psycho-sociaux font désormais partie des process déployés en entreprise.

– L’idée de faire de l’entreprise un lieu de bonheur pour les salariés gagne du terrain et ce par différents moyens : autonomie accentuée à l’auto-organisation comme dans les entreprises libérées, création de postes de directeur du bonheur.

Prendre en compte l’humain

Toutes ces données font référence au management mais pas seulement. Elles interpellent aussi sur l’état psychologique des salariés qui sont avant tout des hommes avec leur histoire, leur caractère, leur personnalité. On comprend rapidement en regardant le sommaire de l’ouvrage des deux auteurs que cet aspect a été pris en compte pour aller plus loin dans l’analyse des attentes de que doit être un bon manager.

Reprenons la première phrase de la quatrième de couverture figurant dans l’avant propos : « Le management ne peut être autre que bienveillant ». Elle semble évidente et pourtant les deux auteurs lui ont donné une importance fondamentale pour décrire la synthèse de leur livre. Sa portée dans la réalité n’est pas automatique.

Qu’est-ce que le management qui n’est pas bienveillant ? Est-ce forcément un management malveillant ? Outre les situations parfois extrêmes décrites ci-dessus répondant à de la malveillance voire à de la violence psychologique, d’autres contextes moins dramatiques et pas obligatoirement intentionnels sont fréquemment décrits par les salariés : frustration, incompréhension, absence de reconnaissance, inéquité, injustice, insulte. La faute à qui ? Aux managers et pas seulement à son hiérarchique direct mais parfois à son top management.

Le rôle de la bienveillance

La malveillance est une disposition d’esprit à l’égard de quelqu’un, qui conduit à le juger défavorablement, à lui vouloir du mal. Il est important de noter que c’est l’intention qui la distingue de la simple maladresse ou de la sottise.

Les auteurs n’évoquent pas comme piste de réflexion, contrairement à beaucoup d’autres spécialistes, l’entreprise libérée. Ils n’évoquent d’ailleurs même pas une méthode de management mais uniquement l’idée que la bienveillance se doit d’être appliquée par tous, dans tout type d’entreprise et quelque que soit son style de management. Ce sont les comportements entre les hommes dans le monde de l’entreprise qui sont disséqués.

L’originale coopération entre Philippe Rodet, médecin de profession qui a exercé la médecine d’urgence dans le monde entier, aujourd’hui consultant en management, et Yves Desjacques, directeur des ressources humaines du groupe Casino expliquent ces particularités.

Contre le stress et la démotivation

Un précédent ouvrage Le bonheur sans ordonnance paru chez le même éditeur, le Groupe Eyrolles, avait déjà marqué un travail commun pour expliquer comment avait été déployé un management bienveillant au sein du groupe Casino. Ils ont voulu aller plus loin en 2017 et donner des clés à toute personne œuvrant en entreprise et expliquer le rôle de la bienveillance pour lutter contre le stress et par conséquent la démotivation, sa principale conséquence.

Philippe Rodet, de par son expérience de médecin urgentiste, a connu d’innombrables situations extrêmes dans lesquelles la gestion du stress a été primordiale. Il a pu étudier les bienfaits de discours positifs sur les membres de son équipe qui ont développé la cohésion et la motivation.

Yves Desjacques a, quant à lui, été confronté, de par sa position professionnelle, aux questions liées au management et a réalisé assez tôt l’importance de la prise en compte de l’humain dans un groupe aussi grand que Casino.

Aristote, Saint Thomas et Kant

Les deux auteurs se sont même faits accompagner par Don Pascal- André Dumont et Don Jean-Rémi Lanavère pour se remémorer la genèse de la bienveillance à travers trois auteurs Aristote, Saint Thomas d’Aquin et Kant que l’on peut trouver dans le postface.

Le premier est fondateur du fond d’investissement Proclero qui a pour but de promouvoir le respect de la personne humaine en entreprise. Ce fond d’investissement a été créé par la communauté catholique Saint Martin dans laquelle ce diplômé d’un master en droit a été ordonné prêtre en 1997 et en est l’économe. Il signe l’avant-propos de ce livre.

Le second est directeur adjoint des études du même établissement dans lequel il enseigne la philosophie. Il est le lauréat du grand prix 2017 Henri de Lubac récompensant les meilleures thèses soutenues dans les universités pontificales romaines.

Des conseils pratiques

Cette étrange collaboration a porté ses fruits et a permis d’aborder la nécessaire bienveillance au travail d’un angle nouveau : mélange de médecine, psychologie, philosophie et de logique. Les encarts dénommés en pratique permettent une illustration pratique des conseils.

A partir d’explications du contexte actuel ayant amené à sortir cet ouvrage, les conséquences dramatiques sur la santé de l’homme d’être persécuté, malmené psychologiquement sont clairement appréhendées de manière simple. Le lien avec la santé économique des entreprises est fait de manière subtile. Des solutions, pour parvenir à gérer les relations humaines au travail, sont exposées et peuvent être appliquées facilement.

Pas de méthode, pas de repère fait par rapport à l’entreprise agile… simplement une meilleure compréhension des atouts des relations saines, de l’empathie, de l’indulgence, de la sensibilité, de l’amabilité. Ces qualités indispensables pour plus d’humanité dans le monde du travail et même dans tout type de contexte.

Un regard innovant sur le management

Cet ouvrage est à mettre entre les mains de tous les dirigeants d’entreprise. Grâce à lui, la trop célèbre réflexion des cabinets conseil ou des grandes firmes « l’humain au cœur de l’entreprise » prend tout son sens jusqu’à sa mise en œuvre.

Simplement, avec une grande fluidité et une présentation agréable, il est idéal pour bénéficier d’un œil innovant sur le management.

Philippe Rodet, Yves Desjacques, Le management bienveillant, Eyrolles, février 2017, 165 pages.

Sur le web

  1. Virginie Joly est conseillère en organisation et management bienveillant pour petites et moyennes structures pour Welwillend.

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