L’Allemagne peut nous sortir du casse-tête budgétaire

La France supporte seule le coût des opérations de protection de l’Europe. Il est grand temps que l’Allemagne y contribue, l’idéal serait même l’Union Européenne, mais il lui faudra des années pour se décider !

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L’Allemagne peut nous sortir du casse-tête budgétaire

Publié le 22 juillet 2017
- A +

Par Yves Montenay.

Le président Macron doit à la fois respecter immédiatement ses promesses fiscales et payer l’ardoise laissée par François Hollande, d’où son casse-tête budgétaire. Voici deux pistes, une relative à la défense et l’autre aux économies de fond. Le sujet n’est pas nouveau mais il faut rappeler le rôle important qu’y joue l’Allemagne pour l’équilibre européen et mondial.

Le casse-tête budgétaire

Fin juin, la Cour des comptes publiait son audit sur la situation des finances publiques et dénonçait les 3,2 % du PIB de déficit pour 2017. L’ardoise laissée par François Hollande oblige à réaliser 4,5 milliards d’économies pour respecter nos engagements européens en matière de déficit budgétaire, ou tout simplement pour être sérieux, indépendamment de cet engagement.

Dans ce contexte, le ministère des Armées doit réaliser 850 millions d’euros d’économies. Or les opérations extérieures, notamment au Sahel, sont menées avec un matériel hors d’âge et une grande pénurie de moyens, du fait des restrictions budgétaires répétées chaque année. Ces restrictions vont peser sur le seul poste ajustable, celui des équipements et munitions. Cette coupe supplémentaire a fait démissionner Pierre de Villiers, le chef d’état-major des armées.

Comment sortir de ce casse-tête ?

Aider la France à défendre l’Europe

La France supporte seule le coût de ces opérations de protection de l’Europe. Il est grand temps que l’Allemagne y contribue, l’idéal serait même l’Union Européenne, mais il lui faudra des années pour se décider ! Or on sait que les Allemands, comme nos autres voisins Européens, ont des dépenses militaires relativement faibles.

Par ailleurs les partenaires de l’Allemagne ne lui demandent qu’une partie de ses surplus qui déséquilibrent le système mondial servant à financer des investissements, idée que l’Allemagne commence maintenant à accepter.

Or n’y a-t-il pas un investissement plus urgent et plus important que d’assurer la sécurité de la rive sud de l’Europe ? On ne rappellera jamais assez que ce sont des mafias de passeurs qui encouragent les migrants à aller vers le nord, puis les dépouillent avant de les envoyer à la mer dans les conditions que l’on sait.

Et par-dessus tout, que les djihadistes se lancent à l’assaut des pays du Sahel pour les transformer en États terroristes qui s’attaqueront au Maghreb et à l’Europe.

L’Allemagne devrait donc nous permettre de sortir de notre casse-tête budgétaire en finançant du matériel pour le Sahel, voire en y envoyant des hommes.

Soulager la France en Afrique

Dans le même esprit, un appui européen immédiat au développement de l’Afrique sahélienne nous aiderait à sortir du dilemme de l’aide au développement, que nous avions promis d’augmenter, mais que nous allons devoir réduire pour des raisons budgétaires.

L’Allemagne commence à s’intéresser à l’Afrique, prenant conscience des conséquences migratoires, et si elle y dédiait plus de crédits militaires et de développement cela soulagerait grandement le budget français.

De notre côté avons-nous vraiment besoin d’aider les pays non francophones plutôt que ceux du Sahel ? Certes nos entreprises nous poussent vers des pays anglophones (Kenya, Nigéria, Afrique du Sud)  jugés « plus intéressants », mais la priorité de l’aide devrait être la même que pour le militaire.

Voici donc un premier usage rationnel de l’excédent allemand, dans l’intérêt même de l’Allemagne, et qui permettrait d’éviter de réduire encore notre budget militaire de 850 millions, voire si possible de l’augmenter.

« Donnant-donnant » : de l’aide contre des réformes

L’Allemagne nous aiderait d’autant plus volontiers que nous mettrions enfin en œuvre les réformes qu’elle nous demande avec insistance. Elle voudrait que nous nous inspirions de son propre redressement du début des années 2000.

Ou que nous imitions les nombreux pays, du Canada à la Nouvelle-Zélande, qui ont redressé rapidement une situation budgétaire aussi mauvaise que la nôtre.

Ils y sont parvenus en revoyant profondément les missions de l’État, le statut des fonctionnaires et en mettant en œuvre des réformes jusqu’alors « impensables » chez eux comme chez nous.

En effet, comme l’a dit le président du Sénat, les mesures d’économie envisagées aujourd’hui sont « du rabotage », c’est-à-dire diminuent un peu de tout partout, au lieu de réorganiser les grandes masses.

Par exemple redistribuer le travail dans la fonction publique, plutôt que d’en raboter les salaires, implique un abandon du sacro-saint statut, ou du moins la disparition des « corps » qui freinent considérablement la mobilité, donc l’évolution des tâches.

Il faudrait rationaliser sévèrement également l’audiovisuel public ou le faire disparaître, avec ses « intermittents ». Autre réforme indispensable : simplifier réellement le millefeuille territorial et diminuer corrélativement les versements dont il bénéficie. Et par-dessus tout, travailler bien après 62 ans !

La nouvelle équipe ne semble pas avoir de blocage idéologique, mais n’a peut-être pas mesuré l’ampleur des succès étrangers. Certes il faut du temps pour la conception puis l’exécution de ces mesures, et ensuite pour qu’elles fassent sentir leurs effets. Raison de plus pour s’y lancer dès maintenant. Pourquoi pas un grand discours franco-allemand : « Nous vous aiderons en Afrique, mais soyez hardis en France ! »

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  • Attention, les payeurs sont les décideurs. Cela implique que les autres auront leur mot à dire pour une entrée en guerre, comme les bêtises sur la Libye. A la limite, c’est mieux, car nous en avons assez de ces grandes gueules irresponsables toujours ouvertes.

    • @ MichelC
      Pour l’Allemagne, il en va de l’armée comme du reste, si de timides autorisations permettent à la Bundeswehr de se rendre à l’étranger, ce n’est que dans un contexte légal et international: soit l’O.N.U., l’O.T.A.N. ou une éventuelle et future « défense intégrée de l’Union Européenne », rien de plus! Il n’y a que 5000 militaires hors de la République Fédérale, dont 4000 en Afghanistan.

      Toute intervention extérieure de l’armée n’est autorisée qu’avec l’accord du Parlement, pas sur simple décision de l’exécutif, comme en France.

      Pour rappel, l’Allemagne s’est « abstenue » au vote sur le bien-fondé de l’initiative franco-britannique (approuvée par L’O.N.U. qu’à posteriori) en Libye, contre M. Kadhafi.

      Si je ne me trompe, la France est présente militairement sur 13 lieux différents de la planète et « pas forcément », pour défendre des intérêts « européens »!!!

      Donc, je ne crois pas que l’Allemagne (pas plus qu’un autre pays partenaire) aidera financièrement l’armée française (où l’état particulièrement dépensier du même nom) « pour rien », en dehors d’un contexte international U.E., €zone, O.T.A.N. ou casques bleus!

      « Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages! »

    • Continuons votre réflexion: si l’Allemagne ne veut pas s’engager aux cotés des partenaires européens, c’est pour laisser le bénéfice à la France.
      Ah ben ça alors!… sont gentils ces Allemands ! Pourquoi?
      Pas parce que le matériel militaire allemand est en plus mauvais état que le français ? Meuh non
      Ce n’est pas parce que Schauble assèche le budget de la Bundeswehr depuis qu’il est soudé à sa machine à calcul?
      Bien sûr que meuh non!
      Et parce que la priorité est de vendre des armes , pas de les utiliser?
      Ah ça, c’est possible en Allemagne.

      Vraiment, lisez les alarmes lancées par les militaires et responsables allemand sur l’état du matériel militaire allemand. C’est comme en France: 1 avion en état et 5 comme pièces de rechange, 1/6 hélico, 1/3 char, et pour les roulants, c’est aussi 1/3 (500.000km et 35 ans en moyenne).

      • Ben, s’ils ne paient pas pour eux-même, cela leur sera difficile de payer pour leur voisin sans condition.

      • Absolument.
        Des manoeuvres OTAN récentes ont vu utiliser des chars (Bundeswher) avec en lieu et place des mitrailleuses, un char sur trois…,des manches à balais peints en noir…
        Pas d’argent.
        L’Allemagne ne sait exister qu’avec le parapluie Américain depuis la deuxième guerre mondiale. Au départ elle n’avait pas le droit d’avoir une armée. Elle a fini par s’y habituer et à en voir les côtés positifs (notamment budgétaires). En ce sens Trump à raison : l’Amérique paye pour que l’Allemagne s’enrichisse.
        En simplifiant: le non-engagement de ce pays est dû à cette vision comptable, politique (image / Wehrmacht , écolo-gauchisme Berlinois autrefois pro-URSS) , et de chantage : vous voulez que l’on ait une armée: donnez nous un siège parmi les « grands » à l’ONU. Au final les différents intérêts poussent à rester en arrière plan. Pour vivre heureux vivons cachés…

        A cela il faut bien sûr rajouter le traumatisme, et ses séquelles, des souffrances de la deuxième guerre mondiales, notamment au crépuscule du troisième Reich.

        On peut avoir une armée (Suisse !) sans pour autant avoir un siège aux Nations Unies, ni l’arme Nucléaire !

        En ce qui concerne l’immigration, Merkel n’écoute pas son peuple. Elle fait rentrer des migrants (Illégaux) pour faire son marché de main d’oeuvre de sous-prolétariat (certainement pas d’ingénieurs que l’Allemagne a en quantité suffisante). Pas d’appel aux mains d’oeuvres des autres pays Européens…

        L’Europe ne fonctionne vraiment, vraiment pas.
        Quant à croire en une défense Européenne ! Complètement délirant !

        • @ Balthazar
          Il y a quand même plus de 4 millions d’étrangers UE, en Allemagne!
          Et la « défense européenne » est une idée de votre président.

          • Je ne savais qu’il y avait autant d’étrangers Européens en Allemagne. Merci de l’information. Dont acte.

            • J’étais en Forêt-Noire, il y a quelques années. Un paquet de voitures immatriculées 67 devant les maisons. Des frontaliers travaillant dans les restaurants des environs.

        • Merkel n’écoute pas son peuple. Elle fait rentrer des migrants (Illégaux) pour faire son marché de main d’oeuvre de sous-prolétariat (certainement pas d’ingénieurs que l’Allemagne a en quantité suffisante).

          Les non qualifiés en souffrent. Surtout s’ils ne sont pas du pays.

  • vu les résultats de nos interventions extérieures (Kosovo, Lybie avec la déstabilisation de toute l’Afrique subsaharienne qui en résulte, Syrie,…), on pourrait déjà commencer par s’abstenir de jouer aux américains.
    Ensuite, on peut commencer par faire des économies au bon endroit (la culture et notamment la radio télé d’Etat), la direction de la législation fiscale,…), mettre de la liberté et de la concurrence partout où c’est possible pour arrêter de faire fuir les contribuables et donner aux citoyens l’envie de travailler.
    Après, on sera peut-être crédible de discuter avec l’Allemagne.

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