Le Qatar est tombé dans le fossé chiite-sunnite

« L’axe du mal » État Islamique-Iran décrit par Donald Trump est trop simple : l’Iran chiite et l’Etat Islamique sunnite, pour qui « les chiites sont des singes » ne peuvent être dans le même camp.

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Le Qatar est tombé dans le fossé chiite-sunnite

Publié le 27 juin 2017
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Par Yves Montenay.

L’Arabie, l’Égypte et les émirats ont rompu avec le Qatar, accusé de soutenir le terrorisme. Ce blocus intervient quinze jours après le voyage de Donald Trump en Arabie, où il mettait l’Iran et l’État Islamique dans le même sac, celui de « l’axe du mal ».

Voici les principales mesures prises :

– rupture immédiate des relations diplomatiques
– suspension des liaisons aériennes et maritimes
– fermeture de la frontière terrestre de l’Arabie saoudite avec le Qatar,
– interdiction aux ressortissants des trois pays de se rendre au Qatar.
–  expulsion dans le 14 jours des Qataris, visiteurs ou résidents permanents dans les trois pays,
–  exclusion du Qatar de la coalition militaire arabe qui combat les chiites pro-iraniens au Yémen.

Pourquoi le Qatar est-il accusé de soutien au terrorisme ?

Cette accusation vise la présence au Qatar des Frères musulmans, de l’EI et d’Al-Qaïda, les groupes terroristes soutenus par l’Iran chiite dans la province de Qati, où se concentrent la minorité chiite du royaume saoudien et ses puits de pétrole.

Elle vise aussi le soutien à la majorité chiite de Bahreïn, en lutte contre le pouvoir sunnite. Elle vise enfin la chaîne qatarienne (terme qui remplace dans les médias l’adjectif « qatari » calqué sur l’arabe), Al-Jézira, qui a soutenu les Frères musulmans pendant les printemps arabes, après avoir exaspéré beaucoup de gouvernements.

Le prédicateur égyptien Youssef Al Qaradaoui est particulièrement visé. Il a notamment tenté de déstabiliser l’Algérie, et appelé sur la chaîne Al Jézira à l’assassinat de Khadafi. Il a été condamné à mort par son propre pays en 2013, et est interdit de séjour au Royaume-Uni, aux États-Unis et en France.

Bien entendu, le Qatar dénonce « des accusations non fondées ». En fait, sa géographie le lie à l’Iran avec lequel il partage un des plus gros gisements de gaz du monde. Bien que sunnite, il est donc suspecté d’œuvrer aussi pour le terrorisme chiite.

Mais « l’axe du mal » État Islamique-Iran décrit par Donald Trump est trop simple : l’Iran chiite et l’EI sunnite, pour qui « les chiites sont des singes » ne peuvent être dans le même camp.

Voyez ce qui se passe en Syrie.

Le fossé chiites/sunnites prime

En Syrie, la course au territoire entre chiites et sunnites s’accélère avec le recul de l’État islamique. Les forces arabo-kurdes soutenues par les Américains sont en train de prendre Raqqa par le nord, tandis que les forces russo-irano-bachariennes y arrivent par l’ouest.

Plus au Sud, ces forces se précipitent pour contrôler le désert du sud-est et la frontière avec l’Irak, pour assurer une continuité territoriale chiite jusqu’à Bagdad et donc Téhéran.

Deux attaques menées par des terroristes locaux, probablement kurdes et patchounes sunnites ayant prêté allégeance à l’EI, ont fait 13 morts à Téhéran, au Parlement et au mausolée du fondateur de la République islamique, l’ayatollah Khomeyni.

L’EI avait préalablement diffusé fin mars un message appelant à l’insurrection la minorité sunnite du pays (environ 15 % de la population) contre l’État iranien. Rappelons que les autorités iraniennes considèrent l’EI comme une création des Séoud sunnites et des Américains.

Justement, l’Arabie est actuellement très active.

L’Arabie et son nouveau prince héritier musclé

La montée de l’actuel vice-prince héritier Mohammed bin Salman, fils de 31 ans du roi Salman, que nous avons signalée récemment s’est encore accentuée. Il va remplacer l’actuel prince héritier qui n’est qu’un neveu.

Mohammed bin Salman devient également vice-président du conseil des ministres tout en conservant ses portefeuilles actuels, dont celui de la Défense. Il était déjà notamment chargé de la guerre contre les milices chiites houthis au Yémen, de la politique énergétique du pays et des projets du royaume pour l’après-pétrole. Il est également directeur du cabinet royal et président du conseil des affaires économiques et de développement.

Il aurait acquis une certaine popularité en libéralisant un peu la société séoudienne, en diminuant le rôle de la police religieuse et en tolérant des spectacles bien innocents, mais jusqu’à présent impensables pour le clergé wahhabite. Est-ce pour compenser les mesures d’austérité dues à la baisse des prix du pétrole ? Ou pour faire oublier les grandes difficultés de l’armée séoudienne au Yémen ?

Vous avez remarqué un absent, la Turquie, pourtant censé être le grand pays de la région mais dont nous avons récemment décrit les embarras. Elle a choisi d’aider le Qatar.

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  • Cette affaire pourrait bien dégénérer gravement.
    Les Saoudiens ont clairement perdu en Syrie et en Irak, le Yemen n’est toujours pas pacifié et ne le sera probablement jamais.
    C’est la légitimité du clan au pouvoir qui est en jeu, ils leur faut une « victoire » à n’importe quelle prix.

  • je me demande ce qu’il se passerait si l’EI  » s’évacuait  » vers l’Arabie Saoudite. Je crois qu’il y aurait des désordres très profonds…Les dirigeants saoudiens auraient la monnaie de leur pièce !

    • Evacuer l’EI vers l’Arabie Saoudite , c’est une menace probable qui pourrait laisser planer les USA si les Saouds ne sont pas assez dociles.
      Dés fois qu’ils seraient tenter de se faire payer le pétrole autrement qu’en dollars ( en Yuan par exemple 🙂 )

      • Sans compter le fait que l’EI connaîtrait une forte sympathie au sein même de l’armée saoudienne, la situation serait cauchemardesque.

  • Trump semble retrouver les armes de destructions massives oubliées par G.W: Bush. Le syriennes, encore plus massives que les irakiennes… Ben, faut justifier une future attaque US, non ❓
    Ils en sont à la préparation du « false flag ».

  • En tant que voyageur fréquent dans ces pays, et doté d’une base de connaissance assez solide sur le « saint » Coran, je me permets de partager une conclusion assez simple:
    De Gaulle affirmait: «Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples. Je savais qu’au milieu de facteurs enchevêtrés une partie essentielle s’y jouait. Il fallait donc en être.»

    Ce fut une erreur historique catastrophique. L’Orient, tout l’Orient, est atrocement compliqué, certes, mais surtout nous n’avons rien à voir avec lui, rien… Y compris d’ailleurs avec les monothéismes d’importation qui en viennent (ce que nous oublions hélas… laïcité chérie et aujourd’hui martyrisée). Relisez Mme Yourcenar et ses Mémoires d’Hadrien, oeuvre sublime, unique, où tout est résumé.

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