Ce que le Brexit va changer de l’économie britannique

Quelles conséquences économiques du Brexit sur le Royaume Uni ?

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Ce que le Brexit va changer de l’économie britannique

Publié le 9 juin 2017
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Par Théo El Ayachi.

Faiblesse de la monnaie

Le lien puissant entre les marchés financiers et le monde réel n’a pas su retarder la chute du taux de change Livre Sterling-Euros (prix d’une £ en €) puisque dès le jour des résultats du référendum le 23 juin 2016, la valeur de la monnaie britannique s’est dépréciée, passant alors de 1,31€ pour une £, à environ 1,11€ pour une £ moins de quatre mois plus tard , soit une chute de 15,2% en valeur.

Une telle « faiblesse » de la monnaie n’a su être observée depuis une trentaine d’années. De manière « économiquement empirique », cette dépréciation de la monnaie face à l’euro implique une baisse de la valeur des actifs détenus auprès de l’Union Européenne par le Royaume-Uni et un « gonflement » de son passif vis-à-vis des membres de l’Union Européenne.

Exportations britanniques

Bien que la particularité des exportations britanniques soit leur faible sensibilité aux prix, une baisse de la valeur de la Livre Sterling rend le Royaume-Uni plus compétitif à l’export lui permettant davantage d’établir un pricing-to-market (ou tarification de marché1) sur ses produits d’exportations améliorant le solde commercial2, et il convient de rappeler une nouvelle fois que la moitié des exportations britanniques est destinée à l’Europe3.

Mais le Royaume-Uni ayant une balance commerciale déficitaire depuis les années 1980, c’est plutôt un renchérissement du prix des importations de l’étranger au-delà du gain de compétitivité sur les exportations qu’il faut attendre, laissant apparaître l’ombre d’une des conséquences les plus redoutées de la dévaluation : l’inflation (la hausse du niveau général des prix).

Son impact sur l’économie réelle et sur la consommation est fort. La baisse de la valeur de la Livre Sterling implique donc une baisse de la valeur du pouvoir d’achat des Britanniques, ralentissant globalement la consommation et l’ensemble de la chaîne macro-économique.

Ce conglomérat de facteurs altère la psychologie des investisseurs, rendant le climat des affaires britanniques a priori moins favorable, aboutissant peut-être à une baisse de la croissance.

Des conséquences sur les flux de capitaux

Le Brexit s’accompagne évidemment d’une dissociation du point de vue des investisseurs, nettement renforcée cette fois entre le Royaume-Uni et l’Europe, mais qui paradoxalement renforce l’incertitude sur les choix d’investissements. Nous analyserons ici, à partir de faits empiriques, les conséquences que cela peut engendrer dans le cas d’une sortie définitive.

Comme le montre le graphique suivant, l’Europe constitue environ 30% des investissements du Royaume-Uni dans le monde. Il s’agirait même de 40% d’après l’Office National des Statistiques (ONS).

Dans le sens inverse, les entrées de capitaux sur le sol britannique seraient issues à environ 50% de l’Union Européenne d’après l’ONS. Par ces valeurs, nous comprenons donc l’envergure sous-jacente du problème.

Solde commercial déficitaire

Comme nous l’avons évoqué précédemment, le Royaume-Uni a un solde commercial déficitaire ce qui le rend dépendant de financements venant de l’étranger qui contribuent à sa production nationale.

L’incertitude créée auprès des investisseurs est dûe à l’instabilité politico-économique à court terme, la complexité des négociations, et également au fait que l’appartenance au Marché Unique est un gage de qualité pour un investisseur, et une assurance de sa contrepartie.

En effet, la possibilité d’accès au marché européen à travers l’un de ses membres est un atout essentiel pour l’investissement étranger. Le Marché Unique permet un flux de capitaux assez libre, contribuant au développement des investissements réalisés en son sein. Investir au sein du Marché Unique permet également de lever les barrières douanières envers les investisseurs.

La confiance des investisseurs

De même, le Royaume-Uni véhicule un climat de confiance pour les investisseurs. L’ascendant libéral y est fort, ce qui rassure la gestion des investissements, et donc les investissements directs de l’étranger.

En outre, une sortie de l’UE peut être néfaste pour le Royaume-Uni puisqu’une fois la libre circulation des travailleurs entravée, la réputation de souplesse du marché du travail britannique serait écornée et pourrait ralentir la volonté d’investissement vers un pays véhiculant les préludes d’une croissance en diminution : une crainte des investisseurs engendrera une baisse des investissements, ralentissant alors l’investissement productif et donc la production.

Justement, cette incertitude est particulièrement représentée aujourd’hui dans le milieu bancaire, et plus généralement dans le monde financier, qui en fonction des prochains temps politiques (présidentielles en France, finalité des négociations, …) tendrait à se déplacer vers Paris, Amsterdam ou encore Francfort : il s’agirait d’une immense perte pour le Royaume-Uni, fief de la finance européenne et mondiale.

Toutefois, l’ESMA4 a aujourd’hui besoin de plus de temps pour récolter des informations afin d’établir un diagnostic post-Brexit, mais les réglementations européennes comme MiFiD 2 (Markets in Financial Instruments Directive) sont en constant mouvement, essayant d’anticiper au mieux les changements dans la gestion des transactions financières.

 

 

 

  1. Maintien des prix par les entreprises exportatrices, lors de la dépréciation, en monnaie étrangère afin de conserver leur marge
  2. Si la condition de Marshall-Lerner est vérifiée
  3. C. Mathieu, OFCE : seules 10% des exportations françaises vont au Royaume-Uni
  4.  Il s’agit de l’autorité européenne des marchés financiers.
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  • Article à charge.

    La monnaie : vous avez particulièrement bien choisi vos taux de change dans le sens de votre démonstration. La livre s’affichait à 1.19€ en octobre 2016 par exemple soit une chute qui n’est plus que de 9.2% par rapport au chiffre initial que vous avez choisi. Le taux de 1.31€ de la Livre correspond au cours (moyen) de janvier 2016. Vous auriez choisi avril 2016 avec un taux de 1,27€ et le pourcentage de baisse de la Livre entre Avril 2016 et octobre de la même année n’est plus que de 6.3%…
    « Une telle « faiblesse » de la monnaie n’a su être observée depuis une trentaine d’années. »
    Complètement faux ! Au cours de l’année 2013, le taux de la Livre a oscillé autour de 1.17€. Les 5 premiers mois de l’année 2009, les taux oscillais autour de 1.11€ avec un pic à 1.05€ le 31 décembre 2008. Et j’ai pas été voir plus loin…

    « …c’est plutôt un renchérissement du prix des importations de l’étranger »
    Ce n’est pas certain. Les pays de l’EU se doivent d’importer certaines productions d’autres pays de l’EU. Les achats « hors EU » sont encadrés (ce qui agace beaucoup les USA et l’OMC). L’Angleterre du fait de ses liens avec le Commonwealth avait obtenu des aménagements. Une fois entièrement libéré du carcan EU, les anglais pourront se fournir sur le marché mondial dont beaucoup de prix sont inférieurs à ceux du marché intra-EU. N’oublions pas qu’ils produisent une bonne partie de leur consommation d’énergie fossile et qu’ils ne sont pas du genre à le sacrifier sur l’autel d’idéologies douteuses comme au Venezuela. C’est plutôt l’EU qui voit disparaître un client pour certaines de ses productions.

    « …apparaître l’ombre d’une des conséquences les plus redoutées de la dévaluation : l’inflation » Affirmation en grande partie basée sur votre « analyse » de l’évolution du taux de change dont on a vu le caractère discutable. Quant à envisager une réelle opération de dévaluation monétaire par décision étatique, c’est aller un peu vite en besogne car les Anglais ne fonctionnent pas comme les français.

    Les investissements.
    Le Brexit n’empêchera pas l’Angleterre de continuer à investir dans l’EU si elle le souhaite. Mais comme elle va pouvoir beaucoup plus se tourner vers le reste du monde, ses investissements en EU risque un peu de baisser. Et alors ? C’est surtout l’EU qui va y perdre. Quant à l’investissement de l’EU en Angleterre, il baissera si la situation économique anglaise se dégrade, c‘est évident. Si elle s’améliore, au contraire, les investissements augmenteront. Un investisseur privé (au contraire d’un investisseur étatique) investit là où cela rapporte. Je ne pense pas que la Suisse manque d’investisseurs étrangers.

    « Comme nous l’avons évoqué précédemment, le Royaume-Uni a un solde commercial déficitaire ce qui le rend dépendant de financements venant de l’étranger »
    Vous faite l’amalgame entre balance commercial et solde du flux des investissements. Cela n’a rien à voir.
    La balance commerciale UK est déficitaire dans ses échanges avec l’EU. Avec le Brexit c’est d’abord l’EU qui y perd, l’Angleterre se fournira ailleurs (à des prix souvent plus bas). Le Brexit n’aggravera donc pas ce déficit des relations commerciales avec l’EU, la balance commerciale globale risquant même de s’améliorer.
    Concernant les flux financiers d’investissement, vous parlez en pourcentage : 30% des investissement UK se font en EU et 50% des investissements étrangers viennent de l’EU, cela fait quoi en argent sonnant et trébuchant (ex : 30% de 200 milliards d’Euros c’est 60 milliards et 50% de 100 milliards, c’est 50 milliards et donc dans ce cas, c’est l’EU qui y perd dans cet exemple). Pour rappel (une fois encore), je ne pense pas que la Suisse manque d’investisseurs étrangers. Sauf si vous estimez qu’un investisseur « hors EU », c’est moins bien qu’un investisseur intra-EU mais je ne vois pas pourquoi.

    « …au fait que l’appartenance au Marché Unique est un gage de qualité pour un investisseur, et une assurance de sa contrepartie. »
    C’est une assurance surtout pour les pays à l’économie défaillante (cf France). Le 1er gage de qualité pour un investisseur est le dynamisme et les performances de l’économie du pays considéré. Si l’Allemagne sortait de l’EU, qui serait le plus mal : l’EU ou l’Allemagne ?

    « …la possibilité d’accès au marché européen à travers l’un de ses membres est un atout essentiel pour l’investissement étranger. » D’autres pays ont un accès au marché EU via des accords (cf Suisse là encore). L’EU a beau gesticuler en façade mais, rien qu’au vue des flux commerciaux, elle a plus à perdre qu’à gagner du départ des anglais, elle négociera donc ces fameux accords mais discrètement. Ne serait-ce que pour ne pas avoir un concurrent entièrement libre de ses gestes (en matière de fiscalité par ex) à sa porte !

    « …le Marché Unique permet un flux de capitaux assez libre, » J’aime beaucoup le mot « assez » ! Le problème de l’interventionnisme économique prégnant de l’EU pourrait en refroidir certains. D’autant plus que le Brexit va lever un des freins majeurs à cette volonté régulatrice des instances européennes.

    « …puisqu’une fois la libre circulation des travailleurs entravée, » Cette libre circulation ne dépend que du bon vouloir des anglais et non pas de l’EU (sauf à empêcher réglementairement les européens d’aller travailler en UK !). Si les anglais ont un intérêt économique à la promouvoir, elle se fera sans problème. Ils pourront même choisir les critères précis de cette libre circulation (émigration choisie) ce que ne lui permet pas l’EU actuellement. Là encore, quand on voit le nombre de frontaliers allant travailler en Suisse, on ne voit pas où est le problème.

    « …il s’agirait d’une immense perte pour le Royaume-Uni, fief de la finance européenne et mondiale. »
    C’est très loin d’être certain. Comme vous le dites Londres est un des fiefs de la finance Mondiale. La finance tournée vers l’Europe n’en est qu’une petite partie. C’est plutôt l’intégration de l’UK qui a donné à l’EU un accès facile à cette plate-forme mondiale londonienne. Aucune autre place financière européenne ne lui arrive à la cheville. Croire que les autres places financières de pays européens aux volontés régulatrices affichées (voire carrément castratrices en matière de fiscalité par exemple) vont tout récupérer… lol.

    L’univers économique n’est pas borné à l’EU. Il y a quand même beaucoup plus de pays qui vivent très bien en dehors de l’EU qu’à l’intérieure de celle-ci!

    • @ Cyde
      « article à charge » : de fait! Avec pour conclusion que le brexit est une mauvaise affaire pour les Britanniques.

      Votre commentaire est à « décharge », en termes judiciaires, présupposant que le brexit sera une bonne affaire pour les Britanniques.

      Les deux points de vue sont prospectifs et dépendent tous les deux de ce qui va se passer lors de la négociation entre Union Européenne et Grande Bretagne (ou inversement!) + l’éventuelle réorientation britannique vers le monde et, de façon privilégiée, vers le Commonwealth, inconnue supplémentaire.

      Donc début de réponse pour vous départager dans 2 ans, pas avant!

      D’ici là, rien n’interdit aux entreprises britanniques d’installer une filiale dans un pays de l’Union pour contourner les problèmes potentiels, ce qui s’est déjà concrétisé dans mon pays!

      Donc l’avenir n’est pas écrit!

      • On est bien d’accord. La réalité est très complexe. L’article n’en rend pas bien compte avec une vision toujours ultra-positive des « bienfaits » de l »EU et, bien sûr, négative, de ceux qui veulent s’en détacher.

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